les ailes du chapeau rabattues sur les yeux, entra dans la pulperia sans souffler mot, s'approcha du comptoir, jeta autour de lui un regard en apparence indiff��rent, alluma une cigarette au brasero, et avec une piastre qu'il tenait �� la main, il frappa trois coups secs sur le comptoir.
A ce bruit inattendu, qui ressemblait �� un signal, les gauchos, qui causaient vivement entre eux, se turent comme saisis par une commotion ��lectrique. Chillito et Mato tressaillirent essayant du regard de soulever les plis du manteau qui cachait l'��tranger, tandis que Pavito d��tournait un peu la t��te pour dissimuler un sourire narquois.
L'inconnu jeta sa cigarette �� demi consum��e, et se retira du bouge en silence comme il ��tait venu. Un instant apr��s, Chillito, qui s'essuyait la joue, et Mato, feignant tous deux de se rappeler une affaire importante, quitt��rent la pulperia. Le Pavito se glissa le long du mur jusqu'�� la porte et courut sur leurs talons.
--Hum! grommela le pulpero, voil�� trois gredins qui me font l'effet de manigancer quelque chienne de besogne, o�� toutes les t��tes ne resteront pas sur toutes leurs ��paules. Ma foi, ?a les regarde.
Les autres gauchos, compl��tement absorb��s par leur partie de monte, et pench��s vers les cartes, n'avaient pour ainsi dire pas pris garde au d��part de leurs camarades.
L'inconnu, �� une certaine distance de la pulperia, se retourna. Les deux gauchos marchaient presque derri��re lui et causaient n��gligemment comme deux oisifs qui se prom��nent.
O�� ��tait le Pavito? il avait disparu.
Apr��s avoir fait un signe imperceptible aux deux hommes, l'��tranger se mit en marche et suivit un chemin qui, par une courbe insensible, s'��loignait du cours de la rivi��re et s'enfon?ait peu �� peu dans les terres. Ce chemin, �� la sortie de la Poblacion, tournait par un coude assez raide et se r��tr��cissait tout �� coup en un sentier qui, comme tous les autres semblait se perdre dans la plaine.
A l'angle du sentier passa, pr��s des trois hommes, un cavalier, qui, au grand trot, se dirigeait vers le village; mais pr��occup��s sans doute par de s��rieuses pens��es, ni l'��tranger, ni les gauchos ne le remarqu��rent. Quant au cavalier, il lan?a sur eux un coup d'oeil rapide et per?ant, et ralentit l'allure de son cheval, qu'il arr��ta �� quelques pas de l��.
--Dieu me pardonne! se dit-il �� lui-m��me, c'est don Juan Perez, ou c'est le diable en chair et en os! Que peut-il avoir �� faire par l�� en compagnie de ces deux bandits qui m'ont l'air de supp?ts de Satan? Que je perde mon nom de Jos�� Diaz, si je n'en ai pas le coeur net et si je ne me mets �� leurs trousses!
Et il sauta vivement �� terre. Le senor Jos�� Diaz ��tait un homme de trente-cinq ans au plus, d'une taille au-dessous de la moyenne et un peu replet; mais, en revanche, la carrure des ses larges ��paules, et ses membres trapus indiquaient sa force musculaire. Un petit oeil gris, vif et p��tillant d'intelligence et d'audace ��clairait sa physionomie ouverte et franche. Son costume, sauf un peu plus d'��l��gance, ��tait celui des gauchos.
D��s qu'il eut mis pied �� terre, il regarda autour de lui, mais personne �� qui confier sa monture, car, au Carmen, et surtout dans la Poblacion-del-Sur, c'est presque un miracle de rencontrer en m��me temps deux passants dans la rue. Il frappa du pied avec col��re, passa la bride dans son bras, conduisit son cheval �� la pulperia, d'o�� les gauchos venaient de sortir, et le confia �� l'h?te.
Ce devoir accompli, car le meilleur ami d'un Hispano-Am��ricain est son cheval, Diaz revint sur ses pas avec les pr��cautions les plus minutieuses, comme un homme qui veut surprendre et n'��tre point aper?u. Les gauchos avaient de l'avance sur lui et disparaissaient derri��re Une dune mouvante, au moment o�� il tournait le coude de chemin. N��anmoins, il ne tarda pas �� les revoir gravissant un sentier raide qui aboutissait �� un bouquet de bois touffu. Quelques arbres avaient pouss�� dans ces sables arides, par hasard ou par caprice de la nature.
S?r d��sormais de les retrouver, Diaz marcha plus lentement, et, pour se donner une contenance en cas de surprise, ou ��carter de lui tout soup?on, il alluma une cigarette. Les gauchos, par bonheur, ne se retourn��rent pas une seule fois et p��n��tr��rent dans le bois �� la suite de l'homme que Diaz avait reconnu pour ��tre don Juan Perez. Lorsque, �� son tour, Diaz arriva devant la lisi��re du bois, au lieu d'y entrer imm��diatement, il fit un l��ger circuit sur la droite, puis, se courbant vers le sol, il commen?a �� ramper des pieds et des mains avec la plus grande pr��caution, afin de n'��veiller par aucun bruit l'attention des gauchos.
Au bout de quelques minutes, des voix arriv��rent jusqu'�� lui. Il leva alors doucement la t��te, et dans une clairi��re,
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