les difficultés que présente l'étude de l'histoire des différentes tribus, et l'incertitude de leurs traditions.
Comme les nations d'une plus haute importance, les Indiens d'Amérique donnent sur leur propre caste des détails bien différents de ceux qu'en donnent les autres tribus. Ils sont très portés à estimer leurs perfections aux dépens de celles de leurs rivaux ou de leurs ennemis; trait qui rappellera sans doute l'histoire de la création par Mo?se.
Les blancs ont beaucoup aidé à rendre les traditions des aborigènes plus obscures, par leur manie de corrompre les noms. Ainsi, le nom qui sert de titre à cet ouvrage a subi les divers changements de Mahicanni, Mohicans et Mohegans; ce dernier est communément adopté par les blancs. Lorsqu'on se rappelle que les Hollandais, qui s'établirent les premiers à New-York, les Anglais et les Fran?ais, donnèrent tous des noms aux tribus qui habitèrent le pays où se passe la scène de ce roman, et que les Indiens non seulement donnaient souvent différents noms à leurs ennemis, mais à eux-mêmes, on comprendra facilement la cause de la confusion.
Dans cet ouvrage, Lenni, Lenape, Lenope, Delawares, Wapanachki et Mohicans sont le même peuple, ou tribus de la même origine. Les Mengwe, les Maguas, les Mingoes et les Iroquois, quoique n'étant pas absolument les mêmes, sont confondus fréquemment par l'auteur de ce roman, étant réunis par une même politique, et opposés à ceux que nous venons de nommer. Mingo était un terme de reproche, ainsi que Mingwe et Magua dans un moindre degré. Oneida est le nom d'une tribu particulière et puissante de cette confédération.
Les Mohicans étaient les possesseurs du pays occupé d'abord par les Européens dans cette partie de l'Amérique. Ils furent en conséquence les premiers dépossédés, et le sort inévitable de ces peuples, qui disparaissaient devant les approches, ou, si nous pouvons nous exprimer ainsi, devant l'invasion de la civilisation, comme la verdure de leurs forêts vierges tombait devant la gelée de l'hiver, avait été déjà accompli à l'époque où commence l'action de ce roman. Il existe assez de vérité historique dans le tableau pour justifier l'usage que l'auteur en a fait.
Avant de terminer cette Introduction, il n'est peut-être pas inutile de dire un mot d'un personnage important de cette légende, et qui est aussi acteur dans deux autres ouvrages du même auteur. Représenter un individu comme batteur d'estrade[1] dans les guerres pendant lesquelles l'Angleterre et la France se disputèrent l'Amérique; comme chasseur[2] à cette époque d'activité qui succéda si rapidement à la paix de 1783; et comme un vieux Trappeur[3] dans la Prairie, lorsque la politique de la république abandonna ces immenses solitudes aux entreprises de ces êtres à demi sauvages, suspendus entre la société et les déserts, c'est fournir poétiquement un témoin de la vérité de ces changements merveilleux, qui distinguent les progrès de la nation américaine, à un degré jusqu'ici inconnu, et que pourraient attester des centaines de témoins encore vivants. En cela le roman n'a aucun mérite comme invention.
L'auteur ne dira rien de plus de ce caractère, sinon qu'il appartient à un homme naturellement bon, éloigné des tentations de la vie civilisée, bien qu'il n'ait pas entièrement oublié ses préjugés, ses le?ons, transplanté parmi les habitudes de la barbarie, peut-être amélioré plut?t que gaté par ce mélange, et trahissant alternativement les faiblesses et les vertus de sa situation présente et celles de sa naissance. Un meilleur observateur des réalités de la vie lui aurait peut-être donné moins d'élévation morale, mais il e?t été alors moins intéressant, et le talent d'un auteur de fictions est d'approcher de la poésie autant que ses facultés le lui permettent. Après cet aveu, il est presque inutile d'ajouter que l'histoire n'a rien à démêler avec ce personnage imaginaire. L'auteur a cru qu'il avait assez sacrifié à la vérité en conservant le langage et le caractère dramatique nécessaire à son r?le.
Le pays qui est indiqué comme étant le théatre de l'action, a subi quelques changements depuis les événements historiques qui s'y sont passés, ainsi que la plupart des districts d'une égale étendue, dans les limites des états-Unis. Il y a des eaux à la mode et où la foule abonde, dans le même lieu où se trouve la source à laquelle OEil-de-Faucon s'arrête pour se désaltérer, et des routes traversent la forêt où il voyageait ainsi que ses amis sans rencontrer un sentier tracé. Glenn a un petit village, et tandis que William-Henry, et même une forteresse d'une date plus récente, ne se retrouvent plus que comme ruines, il y a un autre village sur les terres de l'Horican. Mais outre cela, un peuple énergique et entreprenant, qui a tant fait en d'autres lieux, a fait bien peu dans ceux-ci. L'immense terrain sur lequel eurent lieu les derniers incidents de cette légende est presque encore une solitude, quoique les Peaux-Rouges aient entièrement déserté cette partie
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