Le cycle patibulaire | Page 4

Georges Eekhoud
de la pipe. L'orteil qui passe par le bas trou�� du pacant, mon rival, lorsque, assis en balan?ant les jambes, il a laiss�� choir son sabot. Et l'air de petite m��nag��re en perspective, de petite femme qui soignera bien son homme, l'air un peu d��go?t�� mais compatissant et prometteur aussi, dont elle a regard�� l'orteil du robuste ouvrier. Les bouff��es lourdes qui soufflent du jardin.... Le clapotis de l'eau dans le bac o�� elle rince les verres; le glouglou du robinet.... Leurs yeux d'une b��tise si affolante, le claquement de l��vres luron du gaillard, sa fa?on de se caler sur ses hanches et de se cambrer... et l'ostensible app��tence de la fianc��e, devant ce prochain coucheur.
Toutes ces choses, toutes, toutes, bien d'autres encore me suffoquent, compactes et pesantes, et se r��solvent en larmes contre les parois de mon coeur.
Et je rapproche de ces sc��nes r��centes les choses anciennes, celles de mon r��gne, de mon pouvoir sur elle. Minutes incomprises, minutes m��connues, minutes si ch��res �� pr��sent! Riens que je voudrais revivre au prix du restant de ma vie!
Au jardin du cabaret sur la grand'route de Hollande, mes souvenirs butinent comme des abeilles; mais le miel qu'ils en rapportent tourne �� l'amertume.
C'est une assiett��e de soupe au lard que tu mis un soir d'hiver devant ton lendore de fr��re et que tu plantes �� pr��sent devant ton baes fessu, aux cheveux filasses, aux yeux d'enfant, aux bras terribles. Et le chemin bord�� de saules, qui me conduisait �� ta porte; l'accotement ��troit et poudreux, longeant le foss�� stagnant, et, par del�� les bl��s, l'��clair d'une faux qui fait lever les sauterelles. Et le soir qui tombe, et la cloche du village qui te fait dire: ?D��j�� neuf heures!? et la nuit ferm��e sans un r��verb��re, sans une lanterne, quand je sors du cabaret. Et nos mains et nos l��vres qui se concertent une derni��re fois dans l'ombre, apr��s que tu as pouss�� les volets....
Et les longs silences, quand tu te penchais sur ta couture avec, pour les scander, cet ��ternel: ?Oui, Monsieur Jules, ainsi vont les choses de ce monde!?
O ch��re b��te qui me manque!...
Dire que je sais m��me �� pr��sent, �� quel moment tu soupirais! Dire que tout cela est pass��, bien pass��; que tu ne me seras jamais plus ce que tu m'as ��t��, que je vieillirai, que je vieillis....
--Allons, Monsieur Jules, un petit tour de jardin!...
Ah oui! le Jardin!

PARTIALIT��
Au dieu de l'Esprit et de la Discipline s'oppose le Dieu de la Nature et de l'Ivresse, �� la force purifiante, la force ogiastique, au grand ��ducateur de l'homme, la grand trouble des ames, l'ardent imitateur des ��tres.
Edouard Schur��.
Te le rappelles-tu, ch��re ame, ce dimanche, en Campine, il y a trois ans....
Nous descendions du tramway �� vapeur �� Saint-Antoine,--Sinte-Teunis, comme ils disent l��-bas, famili��rement, en calinant presque le b��nin patron. Oui, nous avions us�� de ce tramway �� vapeur qui dessert �� pr��sent, dans les deux sens, la r��fractaire contr��e �� l'orient d'Anvers.
Je nous vois encore quitter la chauss��e, pour d��tourner, �� droite, derri��re une ferme, puis nous engager, �� travers la bruy��re, dans un sentier sablonneux menant �� cet ��cart de Zoersel, dont le nom seul, musique de source qui sourd, nous captivait.
Comme nous marchions, all��gres, mais taciturnes, non sans nous enliser dans les ravines, la pens��e du prosa?que v��hicule que nous venions d'abandonner persistait �� m'irriter l'esprit. Ainsi le d��boire s'attache au palais. Pens��e tr��s latente et pressentiment plut?t que sentiment. Facheux point de d��part, tout de m��me, car, �� propos de ce tramway de malheur, je me rem��morai la r��cente indignation d'un journal tr��s ��clair�� contre les brutes de la Campine. N'avais-je pas lu quelque chose dans ce genre:
?Savez-vous ce qui arrive maintenant dans nos consciencieuses campagnes? (Consciencieuses, l'��pith��te y ��tait, et juste, quoique le scribe ne l'e?t pas fait expr��s.) C'est ��difiant. On s'est imagin�� que le chemin de fer vicinal est le diable en personne (pourquoi pas?) et l'on oppose tous les obstacles possibles �� la construction de son r��seau. Tous les jours on signale des actes de mauvais gr��, qui vont parfois jusqu'au crime. On accumule sur les voies des troncs d'arbres, d'��normes pierres, et l'on arrache les rails l�� o�� on (la-ou-on! la-on-ou!) croit pouvoir le faire sans ��tre surpris. On d��range aussi les aiguilles des excentriques pour provoquer des d��raillements; de grands malheurs ont d��j�� failli arriver.
?Enfin dimanche dernier, deux villageois croyant faire oeuvre pie, ont tir�� un coup de pistolet sur le machiniste qui fait la navette entre Schilde et Wyneghem. Tous ces faits, qui montrent, sous un jour si r��voltant, l'ignorance et la brutalit�� de nos ruraux, sont attest��s par le cl��rical Phare de l'Escaut qui les d��clare dignes de peuplades sauvages. Ce journal ajoute, ce qui est plus caract��ristique encore, que ces m��faits se commettent avec la complicit�� morale
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