Le culte du moi 1 | Page 6

Maurice Barrès
mollets de bureaucrates, mais, disgrace plus grave, sur des ames indignes. Combien en ai-je vu de ces nobles postures qui tr��s certainement n'��taient pas h��r��ditaires!... Ah! laissez-m'en sourire, tout au moins une fois par semaine, car tel est notre manque d'h��ro?sme que nous voulons bien nous accommoder des conventions de la vie de soci��t�� et m��me accepter l'��trange dictionnaire o�� vous avez d��fini, selon votre int��r��t, le juste et l'injuste, les devoirs et les m��rites; mais un sourire, c'est le geste qu'il nous faut pour avaler tant de crapauds. Soldats, magistrats, moralistes, ��ducateurs, pour distraire les simples de l'��pouvante o�� vous les mettez, laissez qu'on leur d��masque sous vos durs raisonnements l'imb��cillit�� de la plupart d'entre vous et le remords du surplus. Si nous sommes impuissants �� d��gager notre vie du courant qui nous emporte avec vous, n'attendez pourtant pas, d��testables compagnons, que nous prenions au s��rieux ces devoirs que vous affichez et ces mille sentiments qui ne vous ont pas co?t�� une larme.
Ai-je eu en revanche la moindre ironie pour Ath��n�� dans son S��rapis, pour ma tendre B��r��nice humili��e, pour les pauvres animaux? Nul ne peut me reprocher le rire de Gundry sur le passage de J��sus portant sa croix, ce rire qui nous glace dans Parsifal. Seulement, �� Gundry non plus je ne jetterai pas la r��probation, parce que, si nerveuse, elle-m��me est bien faite pour souffrir. Toujours je fus l'ami de ceux qui ��taient mis��rables en quelque chose, et si je n'ai pas l'espoir d'aller jusqu'aux pauvres et aux d��sh��rit��s, je crois que je plairai �� tous ceux qui se trouvent dans un ��tat facheux au milieu de l'ordre du monde, �� tous ceux qui se sentent faibles devant la vie.
Je leur dis, et d'un ton fort assur��: ?Il n'y a qu'une chose que nous connaissions et qui existe r��ellement parmi toutes les fausses religions qu'on te propose, parmi tous ces cris du coeur avec lesquels on pr��tend te rebatir l'id��e de patrie, te communiquer le souci social et t'indiquer une direction morale. Cette seule r��alit�� tangible, c'est le Moi, et l'univers n'est qu'une fresque qu'il fait belle ou laide.
?Attachons-nous �� notre Moi, prot��geons-le contre les ��trangers, contre les Barbares.
?Mais ce n'est pas assez qu'il existe; comme il est vivant, il faut le cultiver, agir sur lui m��caniquement (��tude, curiosit��, voyages).
?S'il a faim encore, donne-lui l'action (recherche de la gloire, politique, industrie, finances).
?Et s'il sent trop de s��cheresse, rentre dans l'instinct, aime les humbles, les mis��rables, ceux qui font effort pour cro?tre. Au soleil inclin�� d'automne qui nous fait sentir l'isolement aux bras m��me de notre ma?tresse, courons contempler les beaux yeux des phoques et nous d��soler de la myst��rieuse angoisse que t��moignent dans leur vasque ces b��tes au coeur si doux, les fr��res des chiens et les n?tres.?
Un tel repliement sur soi-m��me est dess��chant, m'a-t-on dit. Nul d'entre vous, mes chers amis, qui ne sourie de cette objection, s'il se conforme �� la m��thode que j'expose. Ce que l'on dit de l'homme de g��nie, qu'il s'am��liore par son oeuvre, est ��galement vrai de tout analyste du Moi. C'est de manquer d'��nergie et de ne savoir o�� s'int��resser que souffre le jeune homme moderne, si prodigieusement renseign�� sur toutes les fa?ons de sentir. Eh bien! qu'il apprenne �� se conna?tre, il distinguera o�� sont ses curiosit��s sinc��res, la direction de son instinct, sa v��rit��. Au sortir de cette ��tude obstin��e de son Moi, �� laquelle il ne retournera pas plus qu'on ne retourne �� sa vingti��me ann��e, je lui vois une admirable force de sentir, plus d'��nergie, de la jeunesse enfin et moins de puissance de souffrir. Incomparables b��n��fices! Il les doit �� la science du m��canisme de son Moi qui lui permet de varier �� sa volont�� le jeu, assez restreint d'ailleurs, qui compose la vie d'un Occidental sensible.
J'entends que l'on va me parler de solidarit��. Le premier point c'��tait d'exister. Que si maintenant vous vous sentez libres des Barbares et v��ritablement possesseurs de votre ame, regardez l'humanit�� et cherchez une voie commune o�� vous harmoniser.
Prenez d'ailleurs le Moi pour un terrain d'attente sur lequel vous devez vous tenir jusqu'�� ce qu'une personne ��nergique vous ait reconstruit une religion. Sur ce terrain �� batir, nous camperons, non pas tels qu'on puisse nous qualifier de religieux, car aucun doctrinaire n'a su nous proposer d'argument valable, sceptiques non plus, puisque nous avons conscience d'un probl��me s��rieux,--mais tout �� la fois religieux et sceptiques.
En effet, nous serions enchant�� que quelqu'un surv?nt qui nous fourn?t des convictions.... Et, d'autre part, nous ne m��prisons pas le scepticisme, nous ne d��daignons pas l'ironie.... Pour les personnes d'une vie int��rieure un peu intense, qui parfois sont tent��es d'accueillir des solutions mal v��rifi��es, le sens de l'ironie est une forte garantie de libert��.
* * * * *
Au terme de cet examen, o�� j'ai resserr��
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 43
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.