Le comte de Monte-Cristo, Tome II | Page 8

Alexandre Dumas, père
c?t�� du go?t des arts que Luigi avait pouss�� aussi loin qu'il le pouvait faire dans l'isolement, il ��tait triste par boutade, ardent par secousse, col��re par caprice, railleur toujours. Aucun des jeunes gar?ons de Pampinara, de Palestrina ou de Valmontone n'avait pu non seulement prendre aucune influence sur lui, mais encore devenir son compagnon. Son temp��rament volontaire, toujours dispos�� �� exiger sans jamais vouloir se plier �� aucune concession, ��cartait de lui tout mouvement amical, toute d��monstration sympathique. Teresa seule commandait d'un mot, d'un regard, d'un geste �� ce caract��re entier qui pliait sous la main d'une femme, et qui, sous celle de quelque homme que ce f?t, se serait raidi jusqu'�� rompre.
?Teresa ��tait, au contraire, vive, alerte et gaie, mais coquette �� l'exc��s, les deux piastres que donnait �� Luigi l'intendant du comte de San-Felice, le prix de tous les petits ouvrages sculpt��s qu'il vendait aux marchands de joujoux de Rome passaient en boucles d'oreilles de perles, en colliers de verre, en aiguilles d'or. Aussi, grace �� cette prodigalit�� de son jeune ami, Teresa ��tait-elle la plus belle et la plus ��l��gante paysanne des environs de Rome.
?Les deux enfants continu��rent �� grandir, passant toutes leurs journ��es ensemble, et se livrant sans combat aux instincts de leur nature primitive. Aussi, dans leurs conversations, dans leurs souhaits, dans leurs r��ves, Vampa se voyait toujours capitaine de vaisseau, g��n��ral d'arm��e ou gouverneur d'une province; Teresa se voyait riche, v��tue des plus belles robes et suivie de domestiques en livr��e, puis, quand ils avaient pass�� toute la journ��e �� broder leur avenir de ces folles et brillantes arabesques, ils se s��paraient pour ramener chacun leurs moutons dans leur ��table, et redescendre, de la hauteur de leurs songes, �� l'humilit�� de leur position r��elle.
?Un jour, le jeune berger dit �� l'intendant du comte qu'il avait vu un loup sortir des montagnes de la Sabine et r?der autour de son troupeau. L'intendant lui donna un fusil: c'est ce que voulait Vampa.
?Ce fusil se trouva par hasard ��tre un excellent canon de Brescia, portant la balle comme une carabine anglaise; seulement un jour le comte, en assommant un renard bless��, en avait cass�� la crosse et l'on avait jet�� le fusil au rebut.
?Cela n'��tait pas une difficult�� pour un sculpteur comme Vampa. Il examina la couche primitive, calcula ce qu'il fallait y changer pour la mettre �� son coup d'oeil, et fit une autre crosse charg��e d'ornements si merveilleux que, s'il e?t voulu aller vendre �� la ville le bois seul, il en e?t certainement tir�� quinze ou vingt piastres.
?Mais il n'avait garde d'agir ainsi: un fusil avait longtemps ��t�� le r��ve du jeune homme. Dans tous les pays o�� l'ind��pendance est substitu��e �� la libert��, le premier besoin qu'��prouve tout coeur fort, toute organisation puissante, est celui d'une arme qui assure en m��me temps l'attaque et la d��fense, et qui faisant celui qui la porte terrible, le fait souvent redout��.
?�� partir de ce moment, Vampa donna tous les instants qui lui rest��rent �� l'exercice du fusil; il acheta de la poudre et des balles, et tout lui devint un but: le tronc de l'olivier, triste, ch��tif et gris, qui pousse au versant des montagnes de la Sabine; le renard qui, le soir, sortait de son terrier pour commencer sa chasse nocturne, et l'aigle qui planait dans l'air. Bient?t il devint si adroit, que Teresa surmontait la crainte qu'elle avait ��prouv��e d'abord en entendant la d��tonation, et s'amusa �� voir son jeune compagnon placer la balle de son fusil o�� il voulait la mettre, avec autant de justesse que s'il l'e?t pouss��e avec la main.
?Un soir, un loup sortit effectivement d'un bois de sapins pr��s duquel les deux jeunes gens avaient l'habitude de demeurer: le loup n'avait pas fait dix pas en plaine qu'il ��tait mort.
?Vampa, tout fier de ce beau coup, le chargea sur ses ��paules et le rapporta �� la ferme.
?Tous ces d��tails donnaient �� Luigi une certaine r��putation aux alentours de la ferme; l'homme sup��rieur partout o�� il se trouve, se cr��e une client��le d'admirateurs. On parlait dans les environs de ce jeune patre comme du plus adroit, du plus fort et du plus brave contadino qui f?t �� dix lieues �� la ronde; et quoique de son c?t�� Teresa, dans un cercle plus ��tendu encore, passat pour une des plus jolies filles de la Sabine, personne ne s'avisait de lui dire un mot d'amour, car on la savait aim��e par Vampa.
?Et cependant les deux jeunes gens ne s'��taient jamais dit qu'ils s'aimaient. Ils avaient pouss�� l'un �� c?t�� de l'autre comme deux arbres qui m��lent leurs racines sous le sol, leurs branches dans l'air, leur parfum dans le ciel; seulement leur d��sir de se voir ��tait le m��me; ce d��sir ��tait devenu un besoin, et ils comprenaient plut?t la mort qu'une
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