en jetant un regard satisfait autour de lui, que dites-vous de la localité?
--Je dis que si vous vous vantez de l'avoir découverte dit le capitaine, vous me faites l'effet d'un dr?le de Christophe Colomb! Vous n'aviez qu'à me dire que c'était ici que vous vouliez aller, et je vous y aurais conduit les yeux fermés, moi.
--Eh bien! monsieur, répondit Ravanne, nous tacherons que vous en sortiez comme vous y seriez venu.
--Vous savez que c'est à vous que j'ai affaire, monsieur de Lafare, dit d'Harmental en jetant son chapeau sur l'herbe.
--Oui, monsieur, répondit le capitaine des gardes en suivant l'exemple du chevalier; et je sais aussi que rien ne pouvait me faire tout à la fois plus d'honneur et de peine qu'une rencontre avec vous, surtout pour un pareil motif.
D'Harmental sourit en homme pour qui cette fleur de politesse n'était point perdue, mais il n'y répondit qu'en mettant l'épée à la main.
--Il para?t, mon cher baron, dit Fargy s'adressant à Valef, que vous êtes sur le point de partir pour l'Espagne?
--Je devais partir cette nuit même, mon cher comte répondit Valef, et il n'a fallu rien moins que le plaisir que je me promettais à vous voir ce matin pour me déterminer à rester jusqu'à cette heure, tant j'y vais pour choses importantes.
--Diable! voilà qui me désole, reprit Fargy en tirant son épée; car si j'avais le malheur de vous retarder, vous êtes homme à m'en vouloir mal de mort.
--Non point. Je saurais que c'est par pure amitié, mon cher comte, répondit Valef. Ainsi, faites de votre mieux et tout de bon, je vous prie, car je suis à vos ordres.
--Allons donc, allons donc, monsieur, dit Ravanne au capitaine, qui pliait proprement son habit et le posait près de son chapeau; vous voyez bien que je vous attends.
--Ne nous impatientons pas, mon beau jeune homme, dit le vieux soldat en continuant ses préparatifs avec le flegme goguenard qui lui était naturel. Une des qualités les plus essentielles sous les armes, c'est le sang-froid. J'ai été comme vous à votre age, mais au troisième ou quatrième coup d'épée que j'ai re?u, j'ai compris que je faisais fausse route, et je suis revenu dans le droit chemin. Là! ajouta-t-il en tirant enfin son épée, qui, nous l'avons dit, était de la plus belle longueur.
--Peste, monsieur! dit Ravanne en jetant un coup d'oeil sur l'arme de son adversaire, que vous avez là une charmante colichemarde! Elle me rappelle la ma?tresse-broche de la cuisine de ma mère, et je suis désolé de ne pas avoir dit au ma?tre d'h?tel de me l'apporter pour faire votre partie.
--Votre mère est une digne femme, et sa cuisine une bonne cuisine; j'ai entendu parler de toutes deux avec de grands éloges, monsieur le chevalier, répondit le capitaine avec un ton presque paternel. Aussi je serais désolé de vous enlever à l'une et à l'autre pour une misère comme celle qui me procure l'honneur de croiser le fer avec vous. Supposez donc tout bonnement que vous prenez une le?on avec votre ma?tre d'armes, et tirez à fond.
La recommandation était inutile; Ravanne était exaspéré de la tranquillité de son adversaire, à laquelle, malgré son courage, son sang jeune et ardent ne lui laissait pas l'espérance d'atteindre. Aussi se précipita-t-il sur le capitaine avec une telle furie que les épées se trouvèrent engagées jusqu'à la poignée. Le capitaine fit un pas en arrière.
--Ah! vous rompez, mon grand monsieur, s'écria Ravanne.
--Rompre n'est pas fuir, mon petit chevalier, répondit le capitaine; c'est un axiome de l'art que je vous invite à méditer. D'ailleurs, je ne suis pas faché d'étudier votre jeu. Ah! vous êtes élève de Berthelot à ce qu'il me para?t. C'est un bon ma?tre, mais il a un grand défaut: c'est de ne pas apprendre à parer. Tenez, voyez un peu, continua-t-il en ripostant par un coup de seconde à un coup droit, si je m'étais fendu, je vous enfilais comme une mauviette.
Ravanne était furieux, car effectivement il avait senti sur son flanc la pointe de l'épée de son adversaire, mais si légèrement posée qu'il e?t pu la prendre pour le bouton d'un fleuret. Aussi sa colère redoubla de la conviction qu'il lui devait la vie, et ses attaques se multiplièrent plus pressées encore qu'auparavant.
--Allons, allons, dit le capitaine, voilà que vous perdez la tête maintenant, et que vous cherchez à m'éborgner. Fi donc! jeune homme, fi donc! à la poitrine, morbleu! Ah! vous revenez à la figure? Vous me forcerez de vous désarmer! Encore? Allez ramasser votre épée, jeune homme, et revenez à cloche-pied, cela vous calmera.
Et d'un violent coup de fouet, il fit sauter le fer de Ravanne à vingt pas de lui.
Cette fois, Ravanne profita de l'avis; il alla lentement ramasser son épée et revint lentement au capitaine, qui l'attendait la pointe de la sienne sur le soulier. Seulement
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