Le Tour du Monde | Page 6

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les os de leurs p��res br?lent en enfer!? Georges est tout fier d'avoir ��t�� maudit dans la langue des kalifes, et dit avec raison que ce souhait est sinon plus aimable, du moins plus po��tique que celui d'un cocher parisien en pareil cas.
Nous voil��, cinq minutes apr��s, lanc��s en plein d��sert, �� la vitesse tr��s-mod��r��e de six lieues �� l'heure. Les chameliers arabes qui conduisent le long de la voie leurs lentes b��tes charg��es de guerbes d'eau ou de couffes de s��same, n'en regardent pas moins avec stup��faction cette file de quarante wagons emport��s rapidement vers la mer Rouge par une force invisible et murmurent: ?Blis (le diable)!? Pour nous plus encore peut-��tre que pour eux, il y a dans ces chars de feu qui sillonnent le plus d��sol�� et le plus immobile des d��serts, une antith��se que toutes les phrases du monde ne feraient qu'affaiblir. Je me r��cite �� demi-voix, comme une musique, les admirables strophes des Orientales qui commencent ainsi:
L'��gypte! elle ��talait, toute blonde d'��pis, Ses champs bariol��s comme un riche tapis. Plaine que des plaines prolongent; L'eau vaste et froide au nord, au sud le sable ardent, Se disputent l'��gypte: elle rit cependant Entre ces deux mers qui la rongent....
Georges regarde le d��sert avec une attention silencieuse et passionn��e que je ne tarde pas �� partager. Ceux qui n'ont jamais vu le d��sert se figurent quelque chose comme une immense gr��ve, et rien de plus inexact que cette comparaison. C'est bien une surface plate et sablonneuse, mais solidifi��e par les pluies et balay��e par les vents: elle pr��sente au regard une cro?te grise ou noiratre que mon compagnon comparait assez justement �� un immense dallage en bitume. Les lits de torrents dess��ch��s (ouadi) qui rayent cette surface ne sont pas plus profonds que les sillons dessin��s par la pluie sur la poussi��re de nos chemins. Partout, du reste, la st��rilit�� et le silence formidable du n��ant. Les vrais voyageurs se sont justement moqu��s du lion du d��sert et autres images de la m��me force: on ne con?oit gu��re que le lion habite de pr��f��rence des lieux o�� il ne trouverait pas �� croquer un scarab��e.
Pour compl��ter la mise en sc��ne, le vent fra?chit, des nuages de sable s'��l��vent des montagnes couleur de cendre qui bornent l'horizon au nord, une nu��e d'un rouge de brique, coup��e par le panache blanc de la locomotive, enveloppe la terre et le ciel, des milliers de petits cailloux viennent gr��siller contre les porti��res du wagon: c'est un coup de simoun qui nous arrive. Confortablement pelotonn��s sur nos banquettes, nous sommes �� l'abri des dangers du fameux vent-poison si redout�� des caravanes; mais �� la place du danger, qui a au moins de belles ��motions, nous avons les inconv��nients vulgaires qui ne donnent que l'impatience. Le sable entre par nos porti��res closes, comme si elles ��taient grandes ouvertes; nos malles, bien ferm��es, sont remplies, nos v��tements en sont tout impr��gn��s. Les Arabes disent de ce sable ?qu'il traverse la coque d'un oeuf.? M. Du Camp affirme qu'il en a trouv�� dans les rouages de sa montre ferm��e �� double bo?tier. Le spirituel voyageur aura probablement ouvert sa montre pendant le coup de vent, sans y faire grande attention.
Cependant la route devient sinueuse, et nous voyons se profiler sur notre droite la masse noire-violette du superbe Djebel-Attaka, dont le pied baigne dans la mer Rouge. Un quart d'heure apr��s, nous nous arr��tons sur la gr��ve m��me, en face du ?transit,? et nous courons, t��te baiss��e, fouett��s au visage par le sable, la pluie et les cailloux, nous r��fugier �� l'h?tel de France, sur la place du March�� aux grains. �� l'ext��rieur, cet h?tel est une sorte d'��choppe arabe dont l'aspect ferait reculer le touriste le plus intr��pide; mais �� l'int��rieur, l'industrie de l'h?telier actuel a cr���� une locanda assez confortable. Nous constatons avec une volupt�� plus ais��e �� comprendre qu'�� d��crire que la salle �� manger, grace �� des crois��es vitr��es, est parfaitement �� l'abri de tous les simoun possibles. C'est une particularit�� assez rare en ��gypte pour ��tre signal��e, et au risque de para?tre faire une r��clame �� l'h?tel de France, j'ajouterai que la table est satisfaisante et que les prix le sont encore plus.
Nous sortons pour jeter un coup d'oeil sur la ville dont le nom, grace �� M. de Lesseps, retentit aux oreilles de tous les politiques europ��ens depuis trois ans. Suez, sans le canal qui n'existe pas encore, mais qui y am��ne �� flots des touristes anglais, des ing��nieurs et des commer?ants fran?ais, ne serait qu'une ruine fort d��sagr��able �� habiter. Elle a une enceinte irr��guli��re qu'un homme vigoureux renverserait �� coups de pied, quelques habitations modernes confortables, toutes voisines de la gare et du port, notamment l'agence anglaise du transit (Peninsular Company), quelques mosqu��es sans caract��re monumental et deux
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