Le Speronare | Page 9

Alexandre Dumas, père
le temps de nous apercevoir que la brise de mer nous avait ouvert l'app��tit. En cons��quence, parfaitement dispos��s �� appr��cier les qualit��s du prot��g�� de monsieur Martin Zir, nous pr?mes notre plus belle basse-taille, et nous appelames Cama. Personne ne r��pondit. Inquiets de ce silence, nous envoyames Pietro et Giovanni �� sa recherche, et cinq minutes apr��s, nous le v?mes appara?tre �� l'orifice de l'��coutille, pale comme un spectre, et soutenu sous chaque bras par ceux que nous avions envoy��s �� sa recherche, et qui l'avaient trouv�� ��tendu sans mouvement entre ses canards et ses poules. Il ��tait ��videmment impossible au pauvre diable de se rendre �� nos ordres. A peine s'il pouvait se soutenir sur ses jambes, et il tournait les yeux d'une fa?on lamentable. Pensant que le grand air lui ferait du bien, nous f?mes aussit?t apporter un matelas sur le pont, et on le coucha au pied du mat; c'��tait tr��s bien pour lui; mais pour nous, cela ne nous avan?ait pas �� grand-chose. Nous nous regardions, Jadin et moi, d'un air assez d��concert��, lorsque Giovanni vint se mettre �� nos ordres, s'effor?ant de remplacer, pour le moment du moins, notre pauvre appassionato.
On juge si nous acceptames la proposition. Le capitaine, qui n'��tait pas fier, reprit aussit?t la rame que Giovanni venait d'abandonner. Cinq minutes ne s'��taient pas ��coul��es, que nous entend?mes les g��missements d'une poule que l'on ��gorgeait; bient?t nous v?mes la fum��e s'��chapper par l'��coutille; puis nous entend?mes l'huile qui criait sur le feu. Un quart d'heure apr��s, nous tirions chacun notre part d'un poulet �� la proven?ale, auquel il manquait peut-��tre bien quelque chose selon la _Cuisini��re bourgeoise_, mais que, grace �� ce susdit app��tit qui s'��tait toujours maintenu en progr��s, nous trouvames excellent. D��s lors nous f?mes rassur��s sur notre avenir; Dieu nous rendait d'une main ce qu'il nous ?tait de l'autre.
Vers les deux heures, nous nous trouvames �� la hauteur de l'?le de Capr��e. Comme en perdant notre temps nous ne perdions pas grand-chose, attendu que, malgr�� le travail incessant de nos rameurs, nous ne faisions gu��re plus d'une demi-lieue �� l'heure, je proposai �� Jadin de descendre �� terre pour visiter l'?le de Tib��re, et de monter jusqu'aux ruines de son palais, que nous apercevions au tiers �� peu pr��s de la hauteur du mont Solaro. Jadin accepta de tout coeur, pensant qu'il y aurait quelque beau point de vue �� croquer. Nous f?mes part aussit?t de nos intentions au capitaine qui mit le cap sur l'?le et, une heure apr��s, nous entrions dans le port.

CAPR��E
Il y a peu de points dans le monde qui offrent autant de souvenirs historiques que Capr��e. Ce n'��tait qu'une ?le comme toutes les ?les, plus riante peut-��tre, voil�� tout, lorsqu'un jour Auguste r��solut d'y faire un voyage. Au moment o�� il y abordait, un vieux ch��ne dont la s��ve semblait �� tout jamais tarie releva ses branches dess��ch��es et d��j�� pench��es vers la terre, et dans la m��me journ��e l'arbre se couvrit de bourgeons et de feuilles. Auguste ��tait l'homme aux pr��sages; il fut si fort enchant�� de celui-ci, qu'il proposa aux Napolitains de leur abandonner l'?le d'Oenarie s'ils voulaient lui c��der celle de Capr��e. L'��change fut fait �� cette condition. Auguste fit de Capr��e un lieu de d��lices, y demeura quatre ans, et lorsqu'il mourut, l��gua l'?le �� Tib��re.
Tib��re s'y retira �� son tour, comme se retire dans son antre un vieux tigre qui se sent mourir. L�� seulement, entour�� de vaisseaux qui nuit et jour le gardaient, il se crut �� l'abri du poignard et du poison. Sur ces roches o�� il n'y a plus aujourd'hui que des ruines, s'��levaient alors douze villas imp��riales, portant les noms des douze grandes divinit��s de l'Olympe; dans ces villas, dont chacune servait durant un mois de l'ann��e de forteresse �� l'empereur, et qui ��taient soutenues par des colonnes de marbre dont les chapiteaux dor��s soutenaient des frises d'agate, il y avait des bassins de porphyre o�� ��tincelaient les poissons argent��s du Gange, des pav��s de mosa?que dont les dessins ��taient form��s d'opale, d'��meraudes et de rubis; des bains secrets et profonds, o�� des peintures lascives ��veillaient des d��sirs terribles en retra?ant des volupt��s inou?es. Autour de ces villas, aux flancs de ces montagnes nues aujourd'hui, s'��levaient alors deux for��ts de c��dres et des bosquets d'orangers o�� se cachaient de beaux adolescents et de belles jeunes filles, qui, d��guis��s en faunes et en dryades, en satyres et en bacchantes, chantaient des hymnes �� V��nus, tandis que d'invisibles instruments accompagnaient leurs voix amoureuses; et quand le soir ��tait venu, quand une de ces nuits transparentes et ��toil��es comme l'Orient seul en sait faire pour l'amour, s'��tait abaiss��e sur la mer endormie; quand une brise embaum��e, soufflant de Sorrente ou de Pompe?a, venait se m��ler aux parfums que des
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