Le Rouge et Le Noir | Page 5

Stendhal
j'ai baptis�� presque tous les habitants de la ville, qui n'��tait qu'un bourg quand j'y arrivai. Je marie tous tes jours des jeunes gens, dont jadis j'ai mari�� les grands-p��res. Verri��res est ma famille, mais la peur de la quitter ne me fera point transiger avec ma conscience ni admettre un autre directeur de mes actions. Je me suis dit en voyant l'��tranger: "Cet homme, venu de Paris, peut ��tre �� la v��rit�� un lib��ral, il n'y en a que trop, mais quel mal peut-il faire �� nos pauvres et �� nos prisonniers?"
Les reproches de M. de R��nal, et surtout ceux de M. Valenod, le directeur du d��p?t de mendicit��, devenant de plus en plus vifs:
- Eh bien, messieurs! faites-moi destituer, s'��tait ��cri�� le vieux cur��, d'une voix tremblante. Je n'en habiterai pas moins le pays. On sait qu'il y a quarante-huit ans, j'ai h��rit�� d'un champ qui rapporte huit cents livres. Je vivrai avec ce revenu. Je ne fais point d'��conomies illicites dans ma place, moi, messieurs, et c'est peut-��tre pourquoi je ne suis pas si effray�� quand on parle de me la faire perdre.
M. de R��nal vivait fort bien avec sa femme mais ne sachant que r��pondre �� cette id��e, qu'elle lui r��p��tait timidement: Quel mal ce monsieur de Paris peut-il faire aux prisonniers? il ��tait sur le point de se facher tout �� fait, quand elle jeta un cri. Le second de ses fils venait de monter sur le parapet du mur de la terrasse, et y courait quoique ce mur f?t ��lev�� de plus de vingt pieds sur la vigne qui est de l'autre c?t��. La crainte 'effrayer son fils et de le faire tomber emp��chait Mme de R��nal de lui adresser la parole. Enfin, l'enfant, qui riait de sa prouesse, ayant regard�� sa m��re, vit sa paleur, sauta sur la promenade et accourut �� elle. Il fut bien grond��.
Ce petit ��v��nement changea le cours de la conversation.
- Je veux absolument prendre chez moi Sorel le fils du scieur de planches, dit M. de R��nal, il surveillera les enfants, qui commencent �� devenir trop diables pour nous. C'est un jeune pr��tre, ou autant vaut, bon latiniste, et qui fera faire des progr��s aux enfants, car il a un caract��re ferme. dit le cur��. Je lui donnerai trois cents francs et la nourriture. J'avais quelques doutes sur sa moralit��; car il ��tait le benjamin de ce vieux chirurgien, membre de la L��gion d'honneur, qui, sous pr��texte qu'il ��tait leur cousin, ��tait venu se mettre en pension chez les Sorel. Cet homme pouvait fort bien n'��tre au fond qu'un agent secret des lib��raux, il disait que l'air de nos montagnes faisait du bien �� son asthme; mais c'est ce qui n'est pas prouv��. Il avait fait toutes les campagnes de Buonapart�� en Italie; et m��me avait, dit-on, sign�� non pour l'Empire dans le temps. Ce lib��ral montrait le latin au fils Sorel et lui a laiss�� cette quantit�� de livres qu'il avait apport��s avec lui. Aussi n'aurais-je jamais song�� �� mettre le fils du charpentier aupr��s de nos enfants; mais le cur��, justement la veille de la sc��ne qui vient de nous brouiller �� jamais, m'a dit que ce Sorel ��tudie la th��ologie depuis trois ans, avec le projet d'entrer au s��minaire; il n'est donc pas lib��ral, et il est latiniste.
"Cet arrangement convient de plus d'une fa?on, continua M. de R��nal, en regardant sa femme d'un air diplomatique, le Valenod est tout fier des deux beaux normands qu'il vient d'acheter pour sa cal��che. Mais il n'a pas de pr��cepteur pour ses enfants.
- Il pourrait bien nous enlever celui-ci.
- Tu approuves donc mon projet? dit M. de R��nal, remerciant sa femme, par un sourire, de l'excellente id��e qu'elle venait d'avoir. Allons, voil�� qui est d��cid��.
- Ah, bon Dieu! mon cher ami, comme tu prends vite un parti!
- C'est que j'ai du caract��re, moi, et le cur�� l'a bien vu. Ne dissimulons rien, nous sommes environn��s de lib��raux ici. Tous ces marchands de toile me portent envie, j'en ai la certitude, deux ou trois deviennent des richards, eh bien, j'aime assez qu'ils voient passer les enfants de M. de R��nal allant �� la promenade sous la conduite de leur pr��cepteur. Cela imposera. Mon grand-p��re nous racontait souvent que, dans sa jeunesse, il avait eu un pr��cepteur. C'est cent ��cus qu'il m'en pourra co?ter, mais ceci doit ��tre class�� comme une d��pense n��cessaire pour soutenir notre rang.
Cette r��solution subite laissa Mme de R��nal toute pensive. C'��tait une femme grande, bien faite, qui avait ��t�� la beaut�� du pays, comme on dit dans ces montagnes. Elle avait un certain air de simplicit��, et de la jeunesse dans la d��marche, aux yeux d'un Parisien, cette grace na?ve, pleine d'innocence et de vivacit��, serait m��me all��e jusqu'�� rappeler des id��es de douce volupt��. Si
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 215
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.