faute? Oui! tu es l'égal de Râma pour la
bravoure et la force: ce sont les Dieux mêmes, roi des singes, qui t'ont
donné à nous pour notre bonheur après une longue attente!
«Mais sors promptement d'ici; viens, héros, avec moi, viens consoler
ton ami, le coeur déchiré à la pensée de son épouse ravie. Veuille bien
excuser toutes les paroles injurieuses que j'ai dites pour toi sous
l'impression des plaintes du Raghouide, vaincu par sa douleur.»
Les singes chargés des ordres du roi volent de tous les côtés et,
couvrant le ciel, route divine, où circule Vishnou, ils tiennent offusqués
les rayons du soleil. Dans les mers, dans les forêts, dans les montagnes
et sur la rive des fleuves, les envoyés appellent tous les singes à
soutenir la cause de Râma.
Partout, aussitôt qu'ils ont ouï les paroles des messagers et reçu l'ordre
du monarque, semblable au noir Trépas, la gent quadrumane est
frappée de terreur.
Alors trois kotis[1] de singes au poil sombre comme le collyre
s'avancent, de la montagne nommée le Grand-Andjana, vers ces lieux
où Râma les attend. Dix kotis de singes couleur de l'or bruni viennent
de la belle montagne, brillante comme l'or, où le soleil se couche à
l'occident. Trente kotis de singes accourent du Mandara, une des plus
hautes alpes de la terre: vaillants héros, ils ont la taille et la force des
lions. Trois mille deux cents kotis de singes, les épaules couvertes
d'une crinière léonine toute resplendissante, affluèrent des sommets du
Kêlâsa. De ceux qui errent sur les flancs de l'Himâlaya et savent goûter
la saveur de ses racines et de ses fruits, un millier de mille kotis se mit
en campagne à la ronde. Du mont Vindhya sortirent mille kotis de
singes, tels que des masses de charbon, épouvantables par l'aspect,
épouvantables par les actions. Dix mille kotis de singes arrivèrent du
mont Oudaya, tous renommés par le courage et la force. De ceux qui
gîtent sur le rivage de la Mer-de-Lait, où ils mangent les fruits du
xanthocyme et font leurs festins de cocos, il n'existe pas de nombre qui
puisse exprimer la multitude infinie des croisés.
[Note 1: Afin que l'on apprécie mieux toute l'ampleur de ces hyperboles,
il n'est sans doute pas inutile d'avertir qu'un koti égale dix millions.]
Les armées de ces hommes des bois accouraient des bords de la mer,
des fleuves, des forêts; et l'astre du jour en était comme éclipsé.
Sougrîva de monter avec Lakshmana dans son palanquin d'or, brillant
comme le soleil et porté sur les épaules de grands singes. Il sortit en roi,
auquel est échu la gloire de ceindre une couronne sans égale; il sortit
avec le parasol blanc élevé sur sa tête, avec l'éventail blanc, avec le
blanc chasse-mouche, agités de tous les côtés autour de son visage.
Environné de singes nombreux, terribles, des javelots à leur main, le
fortuné monarque s'avançait, entouré de ses ministres à la grande
vigueur; et, dans sa course rapide, il faisait trembler même le sol de la
terre sous les pas de l'innombrable armée des singes. Dans ce voyage
de Sougrîva, le ciel était comme rempli du bruit des conques et du son
des tymbales. Les ours, par milliers, les golângoulas par centaines et
des singes fortement cuirassés marchaient devant lui. Il franchit dans
l'intervalle d'un instant la distance qui le séparait du Mâlyavat, la
grande montagne: arrivé à la demeure, mais encore loin du noble
Raghouide, le monarque des armées quadrumanes s'arrêta.
Sougrîva descendit avec Lakshmana; et, quittant sa litière d'or, le roi
fortuné des singes, tenant au front ses deux mains en coupe et marchant
à pied, s'approcha de Râma. Il se prosterna la tête sur la terre et se tint
formant de ses mains jointes la coupe de l'andjali. À peine eut-elle vu
son roi les paumes des mains réunies aux tempes, toute l'armée des
quadrumanes se mit au front les deux mains et fit de même l'andjali.
Quand il vit ainsi la grande armée des singes comme un lac de lotus,
dont les fleurs entr'ouvrent leurs calices, Râma fut satisfait à l'égard de
Sougrîva. Le digne fils de Raghou étreignit dans ses bras le royal singe,
il salua de quelques mots les ministres et lui dit: «Assieds-toi!» Alors,
s'étant dépouillé de sa colère, il tint avec bonté ce langage au roi singe
assis avec ses conseillers sur le sol de la terre:
«Écoute, ami, écoute cette parole: renonce à des jouissances brutales et
sache que prêter du secours à tes amis, c'est défendre même ton
royaume. Déploie tes efforts à la recherche de Sîtâ et travaille, ô toi qui
domptes les ennemis, travaille à découvrir en quel pays habite
Râvana.»
À ces mots, Sougrîva, le monarque des singes, s'incline entièrement
rassuré devant Râma et lui répond en ces termes: «J'avais perdu
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