immense qui paraissait vouloir nous dérober pudiquement sa clarté, un cri d'admiration s'échappait de la bouche de tous les spectateurs attentifs. Les matelots, occupés à laver le pont, laissaient tomber leurs brosses ou la bosse de leurs seaux. Tous les regards, toutes les ames pour ainsi dire, étaient tournés du c?té du ciel, où s'accomplissait un des mystères les plus imposans de la nature.
Il ne faut pas croire que pour les marins il n'y ait pas de distractions sur ces mers où le navire court quelquefois quinze ou vingt jours avec la même brise et le même cap, sans changer d'amures. La pêche, et une pêche amusante, vient quelquefois occuper tout l'équipage, et procurer une salubre variété à sa nourriture.
La dorade, si friande de poissons-volans, est quelquefois dupe de sa voracité et victime d'une illusion que les marins savent lui préparer fort adroitement.
Sur la tige du gros hame?on d'une ligne qu'ils suspendent au bout du beaupré, ils forment, avec du linge blanc, le mannequin d'un poisson-volant armé de ses ailes, faites avec la rame d'une plume, et de manière à ce que la queue du poisson factice, couvre le dard de l'hame?on ainsi empaqueté; puis le pêcheur, perché sur le beaupré, agite sur la surface des flots que fend le navire, le poisson trompeur; la dorade, qui guette sans cesse les poissons-volans que le bruit du sillage fait sortir de l'eau, se jette sur l'hame?on comme sur une proie, et c'est alors qu'on le halle à bord, comme une conquête, et que l'équipage jouit du spectacle qu'offre ce spare, qui en mourant revêt sur son écaille les nuances les plus vives de l'émail le plus pur, parsemées des étoiles de l'azur le plus brillant.
Quand la dorade échappe à ce piège, en voulant saisir sa fausse proie, un matelot placé, le harpon en main, sur un quartier de panneau suspendu au dessous du beaupré, lui enfonce les pointes aigu?s de son dard dans les flancs; et tout couvert de sang et d'eau de mer, on voit remonter à bord l'adroit pêcheur, élevant au dessus du pont un poisson quelquefois aussi haut que lui. La pêche est présentée au capitaine, qui fait donner une bouteille de vin ou un coup d'eau-de-vie au harponneur.
Le requin, moins défiant et plus vorace encore que la dorade, se prend au moyen d'un énorme hame?on fixé à une cha?ne, et recouvert d'un morceau de lard. Lorsque ce tigre des mers, nom que lui donnent les matelots, r?de, en forban, autour du navire, on lui jette l'émérillon, qu'il saisit en se retournant sur le dos. Bient?t tout l'équipage se porte sur le bout de filain amarré sur la cha?ne, et le requin est mangé impitoyablement par les matelots, dont, à son tour, il est devenu la proie; car ils ont soin de dire comme une maxime empruntée à la loi du talion: puisqu'il nous mange, mangeons-le.
Un de ces terribles animaux nous dévora un gabier à bord de _la Gazelle_. Ce malheureux, en montant dans les haubans pour passer une manoeuvre, tombe à la mer: il nageait pour saisir le bout de corde qu'on lui avait jeté; le navire ne filait qu'un noeud tout au plus. Au moment où il touchait le bout de filain, il jette un cri, lutte contre les flots au-dessus desquels sa figure se contorsionne encore. Du sang para?t à la surface de la mer, et nous ne voyons plus notre infortuné camarade. Un gros requin, qui se tenait depuis quelques jours sous les ferrures de notre gouvernail, venait de l'entra?ner avec lui pour le dévorer au fond des eaux. Le lendemain nous pr?mes à l'émérillon ce redoutable avaleur, dans le ventre duquel nous trouvames encore les doigts de pied et les os du crane de notre pauvre gabier.
Pendant une nuit d'orage, on aper?ut à bord, des feux qui se jouaient sur chacune des extrémités de notre vergue de fortune. Cette flamme vive ot bleue, comme celle qu'on allume sur le punch que l'on sert dans les cafés, excita, pour la première fois, ma curiosité. Qu'est-ce donc que cela? demandai-je, tout étonné, à un matelot.
--Le feu Saint-Elme, monsieur.
--Ah! c'est le feu Saint-Elme; jamais je ne l'avais vu encore. Ce feu-là ne br?le pas?
--Ah! bien oui, br?ler! dites plut?t que c'est l'ami des matelots. Voyez-vous cette manière de flamme? Eh bien! si l'officier de quart me disait: Monte tout seul serrer le petit hunier (qui n'est pas mal lourd tout de même pour un seul homme), j'irais le serrer en double, voyez-vous, parce que ce feu-là monterait avec moi à l'empointure pour m'aider, comme il aide tous les matelots.
--Mais comment peux-tu ajouter foi à un tel conte? c'est tout simplement, ainsi que je crois me rappeler de l'avoir lu, un effet naturel, une aigrette électrique, qui, comme le fluide de cette espèce, recherche les pointes.
--Comment je
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