Le Lutrin | Page 4

Boileau
faut partir : j'y cours. Dissipe tes douleurs ,?Et ne me trouble plus par ces indignes pleurs.
Il la quitte �� ces mots. Son amante effar��e?Demeure le teint pale, et la vue ��gar��e :?La force l'abandonne ; et sa bouche, trois fois?Voulant le rappeler, ne trouve plus de voix.?Elle fuit, et de pleurs inondant son visage,?Seule pour s'enfermer vole au cinqui��me ��tage.?Mais d'un bouge prochain accourant �� ce bruit,?Sa servante Alizon la rattrape et la suit.
Les ombres cependant, sur la ville ��pandues,?Du fa?te des maisons descendent dans les rues .?Le souper hors du coeur chasse les chapelains,?Et de chantres buvant les cabarets sont pleins.?Le redout�� Brontin, que son devoir ��veille,?Sort �� l'instant, charg�� d'une triple bouteille,?D'un vin dont Gilotin, qui savait tout pr��voir,?Au sortir du conseil eut soin de le pourvoir.?L'odeur d'un jus si doux lui rend la faim moins rude.?Il est bient?t suivi du sacristain Boirude ;?Et tous deux, de ce pas, s'en vont avec chaleur?Du trop lent perruquier r��veiller la valeur.?Partons, lui dit Brontin : d��j�� le jour plus sombre,?Dans les eaux s'��teignant, va faire place �� l'ombre.?D'o�� vient ce noir chagrin que je lis dans tes yeux ??Quoi ? le pardon sonnant te retrouve en ces lieux !?O�� donc est ce grand coeur dont tant?t l'all��gresse?Semblait du jour trop long accuser la paresse ??Marche, et suis nous du moins o�� l'honneur nous attend.
Le perruquier honteux rougit en l'��coutant.?Aussit?t de longs clous il prend une poign��e :?Sur son ��paule il charge une lourde cogn��e ;?Et derri��re son dos, qui tremble sous le poids,?Il attache une scie en forme de carquois :?Il sort au m��me instant, il se met �� leur t��te.?A suivre ce grand chef l'un et l'autre s'appr��te :?Leur coeur semble allum�� d'un z��le tout nouveau ;?Brontin tient un maillet ; et Boirude un marteau.?La lune, qui du ciel voit leur d��marche alti��re,?Retire en leur faveur sa paisible lumi��re.?La Discorde en sourit, et, les suivant des yeux,?De joie, en les voyant, pousse un cri dans les cieux.?L'air, qui g��mit du cri de l'horrible d��esse,?Va jusque dans Citeaux r��veiller la Mollesse.?C'est l�� qu'en un dortoir elle fait son s��jour :?Les Plaisirs nonchalants folatrent �� l'entour ;?L'un p��trit dans un coin l'embonpoint des chanoines ;?L'autre broie en riant le vermillon des moines :?La Volupt�� la sert avec des yeux d��vots,?Et toujours le Sommeil lui verse des pavots.?Ce soir, plus que jamais, en vain il les redouble.?La Mollesse �� ce bruit se r��veille, se trouble :?Quand la Nuit, qui d��j�� va tout envelopper,?D'un funeste r��cit vient encor la frapper ;?Lui conte du pr��lat l'entreprise nouvelle :?Aux pieds des murs sacr��s d'une sainte chapelle,?Elle a vu trois guerriers, ennemis de la paix,?Marcher �� la faveur de ses voiles ��pais.?La Discorde en ces lieux menace de s'accro?tre :?Demain avec l'aurore un lutrin va para?tre,?Qui doit y soulever un peuple de mutins :?Ainsi le ciel l'��crit au livre des destins.
A ce triste discours, qu'un long soupir ach��ve,?La Mollesse, en pleurant, sur un bras se rel��ve,?Ouvre un oeil languissant, et, d'un faible voix,?Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois :?O Nuit ! que m'as-tu dit ? quel d��mon sur la terre?Souffle dans tous les coeurs la fatigue et la guerre ??H��las ! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps,?O�� les rois s'honoraient du nom de fain��ants,?S'endormaient sur le tr?ne, et me servant sans honte?Laissaient leur sceptre aux mains d'un maire ou d'un comte ! Aucun soin n'approchait de leur paisible cour :?On reposait la nuit, on dormait tout le jour.?Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines?Faisait taire des vents les bruyantes haleines,?Quatre boeufs attel��s, d'un pas tranquille et lent,?Promenaient dans Paris le monarque indolent.?Ce doux si��cle n'est plus. Le ciel impitoyable?A plac�� sur le tr?ne un prince infatigable.?Il brave mes douceurs, il est sourd �� ma voix :?Tous les jours il m'��veille du bruit de ses exploits.?Rien ne peut arr��ter sa vigilante audace :?L'��t�� n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace.?J'entends �� son seul nom tous mes sujets fr��mir?En vain deux fois la paix a voulu l'endormir ;?Loin de moi son courage, entra?n�� par la gloire,?Ne se pla?t qu'�� courir de victoire en victoire.?Je me fatiguerais de te tracer le cours?Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours.?Je croyais, loin des lieux o�� ce prince m'exile,?Que l'Eglise du moins m'assurait un asile.?Mais qu'en vain j'esp��rais y r��gner sans effroi :?Moines, abb��s prieurs, tout s'arme contre moi.?Par mon exil honteux la Trappe est ennoblie ;?J'ai vu dans Saint Denys la r��forme ��tablie ;?La Carme, le Feuillant, s'endurcit aux travaux ;?Et la r��gle d��j�� se remet dans Clairvaux.?Citeaux dormait encor, et la sainte Chapelle?Conservait du vieux temps l'oisivet�� fid��le :?Et voici qu'un lutrin, pr��t �� tout renverser,?D'un s��jour si ch��ri vient encor me chasser !?O toi, de mon repos, compagne aimable et sombre,?A de si noirs forfaits pr��teras-tu ton ombre ??Ah !
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