Le Kama Soutra | Page 9

Vatsyayana
infecté tous le vichnouvisme; M. Théodore Pavie a vu à
Ceylan des scènes répugnantes jusqu'au dégoût. Dans la province de
Bombay et au Bengale, les dévots de Krishna, surtout dans les
campagnes, ont des réunions de nuit où, en imitation des jeux de
Krishna et des Gopies, ils s'exaltent en commun jusqu'à un paroxysme
frénétique et une licence sans bornes.
Krishna est le véritable dieu de l'amour pour les Hindous. Quant au
dieu Kama, le Cupidon indien, c'est évidemment un emprunt fait aux
Grecs. Le mot Kama signifie le plaisir charnel et il est employé dans ce
sens par les plus anciens auteurs, en même temps que le Darma (devoir
religieux) et I'Artha (la science de la richesse). Ces trois mots forment
la trilogie hindoue des mobiles de nos actions. Comme les Hindous
sont fort imitateurs, ils ont adopté le Cupidon des Grecs, après
l'établissement de ceux-ci dans une partie du Punjab, et lui ont donné le
nom déjà bien ancien de Kama. Il figure seulement dans une légende
sans doute relativement récente des Pouranas[2].
[Note 2: Le baron d'Ekstein dit: «Les Ariabs ont emprunté aux
Cephenès, leurs prédécesseurs dans l'Inde, le dieu Kama, pareil à
l'Eros des Grecs; ils l'ont embelli, bien qu'il n'appartienne pas dans son
principe à leur pensée cosmologique et ils l'ont postérieurement
reproduit dans le Véda comme il est décrit par Hosunt.]
Les bayadères ne sont pas, comme on pourrait le croire, consacrées au
dieu Kama; elles sont les épouses de Soubramaniar, le dieu de la
guerre.
Après avoir reçu du paganisme Cupidon, sous le nom de Kama, l'Inde,

à son tour, semble lui avoir donné, comme imitation ou importation de
ses pratiques de plus en plus corrompues, surtout de celles des saktis de
la main gauche, le culte de plus en plus corrompu de Priape, dont le
chevalier Richard Payne nous a donné une histoire. En voici quelques
traits essentiels.
Avant la célébration d'un mariage, on plaçait la fiancée sur la statue du
dieu, le phallus, pour qu'elle fût rendue féconde par le principe divin.
Dans un poème ancien sur Priape (Priapi Carmen) on voit une dame
présentant au dieu les peintures d'Éléphantis et lui demandant
gravement de jouir des plaisirs auxquels il préside, dans toutes les
attitudes décrites par ce traité.
Lorsqu'une femme avait rempli le rôle de victime dans le sacrifice à
Priape, elle exprimait sa gratitude par des présents déposés sur l'autel,
des phallus en nombre égal à celui des officiants du sacrifice.
Quelquefois ce nombre était grand et prouvait que la victime n'avait pas
été négligée.
Ces sacrifices se faisaient dans des fêtes de nuit, aussi bien que tous
ceux offerts aux divinités qui présidaient à la génération. Les dévots à
ces divinités s'enfermaient dans les temples et y vivaient dans la
promiscuité. Il y avait aussi des initiées dont Pétrone a peint les moeurs
dans quelques pages que nous avons résumées.
A Corinthe et à Ereix, ville de Sicile, il y avait des temples consacrés à
la prostitution.
Selon l'érudit Larcher, Vénus était la déesse qui possédait le plus grand
nombre de temples dans les deux Grèces; on en comptait une centaine.
Plusieurs villes de la Grèce, mais surtout Athènes et Corinthe,
célébraient ses fêtes avec un nombre de belles femmes qu'on ne
pourrait réunir aujourd'hui. Elle était encore plus en honneur à Rome
dont elle était considérée comme la mère. Jamais peuple ne porta la
sensualité plus loin que les Romains; hommes et femmes de toute
condition et de tout rang se livraient avec fureur à tous les
débordements.

LITTÉRATURE ÉROTIQUE DE L'INDE.--SON RÔLE RELIGIEUX
ET POLITIQUE.--LE KAMA-SOUTRA OU L'ART D'AIMER DE
VATSYAYANA.--PLAN DE CET OUVRAGE.
Nous avons vu les Brahmes introduire l'érotisme le plus réaliste dans le
culte, dans la religion et dans les livres qui en font partie intégrante,
comme les Pouranas, les Tantras, les catéchismes des Saktis, etc. Ils
s'en étaient servi, bien avant la venue de Bouddha, pour captiver les
populations sujettes et les rallier à leur cause dans leurs luttes contre les
Kchattrias. Le bouddhisme conquit l'Inde si complètement que les
Brahmes presque partout furent délaissés; la plupart durent, pour vivre,
recourir à tous les métiers que Manou leur permet dans les temps de
détresse. Mais ils avaient la persistance et l'habileté des aristocraties
héréditaires. Gens essentiellement pratiques et aptes aux affaires,
juristes, financiers, administrateurs, diplomates, au besoin soldats et
généraux, dialecticiens vigoureux, subtils, polémistes sans scrupules,
poètes élégants, ingénieux et quelquefois pleins d'éclat et de génie, ils
se rendirent indispensables aux princes et aux grands par les services
qu'eux seuls savaient leur rendre, et gagnèrent leur faveur par
l'agrément de leur esprit et de leurs talents et par la souplesse de leur
caractère. En même temps qu'ils développaient dans les masses le
vichnouvisme ou plutôt la religion de Krishna que le Bouddha avait
condamnée,
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