bouddhisme.
Par une série de transformations, les Brahmes ont fait de la divinisation
de la vie et de la génération, l'essence même de la religion. Aujourd'hui
les Hindous se divisent en deux grandes sectes:--les adorateurs de Siva,
autrefois Roudra, qui portent au bras gauche un anneau dans lequel est
renfermé le lingam-yoni, sorte d'amulette figurant l'accouplement des
organes des deux sexes, (verenda utriusque sexus in actu
copulationis),--et ceux de Vishnou qui portent au front le Nahman.
C'est une sorte de trident tracé à partir de l'origine du nez. La ligne
verticale du milieu est rouge et représente le flux menstruel; les lignes
droites latérales sont d'un gris cendré et figurent la semence virile.
En introduisant la sensualité dans tout ce qui touche à la religion, les
Brahmes avaient eu deux objectifs.
Arracher au Bouddhisme et captiver par des images de leur goût
grossier les Hindous, surtout ceux de la caste servile incapables
d'atteindre aux délicatesses du sentiment et de l'idéal. C'était avec la
représentation sculpturale des scènes mythologiques qui avait un
certain mérite, non de forme, mais de mouvement, le moyen le plus
facile et peut-être unique de plaire aux yeux; c'était aussi une
concession aux cultes locaux antérieurs à la conquête, qui purent ainsi
se continuer dans le sein du Panthéisme.
Le second objectif des Brahmes, celui-là fondamental et non point
seulement une arme et un expédient de circonstance, nous est indiqué
par la prescription de Manou: «chacun doit acquitter la dette des
ancêtres» (avoir au moins un fils pour lui fermer les yeux).
Le but était d'empêcher la diminution numérique et par suite
l'effacement de la race des Ariahs, aujourd'hui représentée uniquement
par les Brahmes, et aussi de développer la population servile dont le
travail était la source principale de la richesse publique. Le législateur
pensait sans doute qu'il fallait exciter les passions chez un peuple
physiquement assez faible, d'un tempérament lymphatique, disposé à
l'anémie par l'insuffisance d'une alimentation exclusivement végétale et
par l'accablement du climat.
La religion naturaliste ou érotique de l'Inde a commencé par l'adoration
de Siva, confondu d'abord avec le fétiche du membre viril, le linga. Le
linga, qu'on rencontre partout dans l'Inde, sur les routes, aux carrefours
et places-publiques, dans les champs n'est point ce qu'était dans
l'antiquité payenne le phallus, une image obscène et quelquefois un
objet d'art. Si on n'était point averti, on le prendrait pour une borne
presque cylindrique, c'est-à-dire un peu plus large à la base qu'au
sommet, laquelle se termine par une calotte sphérique fort aplatie et ne
présentant aucune saillie sur le fût. Celui que j'ai rapporté de l'Inde
avait une hauteur d'un mètre, un diamètre moyen de 0,25 à 0,30 m. et
reposait sur une base également en granit d'un mètre et demi de côté,
clans laquelle était creusée au pied du fût une sorte de rainure circulaire
représentant le pli du yoni (partie sexuelle de la femme) figuré par la
base, ainsi que cela a lieu généralement.
Ainsi, même aujourd'hui, après trente siècles peut-être, le linga et l'yoni
ne sont point des images qui parlent aux sens, ce sont des corps
géométriques servant de symboles, des fétiches.
Comme il ne s'est trouvé aucune trace de fétichisme chez les Ariahs de
l'époque védique, ni aucun autre fétiche dans le culte brahmanique
postérieur, il faut penser que le linga est le fétiche probablement très
ancien d'une race assujettie, peut-être les Daysous noirs, et que les
Brahmes, pour s'attacher cette race, adoptèrent Siva et le linga, en
confondant à dessein Siva avec Roudra, le dieu védique qui s'en
rapprochait le plus par ses attributs: Siva était sans doute le dieu
national d'une partie notable de l'Inde avant la conquête Aryenne; car,
dès le commencement, il a reçu la qualification d'Issouara, l'être
suprême.
Le linga n'avait point pénétré dans la religion védique, où il n'y a point
de culte du phallus. Stevenson et Lassen lui attribuent, avec beaucoup
de preuves à l'appui de leur opinion, une origine dravidienne (la langue
dravinienne, aujourd'hui le tamoul, est en usage dans tout le sud de la
péninsule).
Le linga apparaît dans la religion des Brahmes en même temps que le
Sivaïsme, et celui-ci s'y montre immédiatement après la période des
hymnes; quelques morceaux du yagur-véda (véda du cérémonial)
supposent un état déjà avancé de la religion sivaïste.
Le temple d'Issouara (Siva, être suprême) à Benarès paraît avoir été très
ancien; il était dans toute sa splendeur lors de la visite du pèlerin
chinois Fa-Hien.
Encore aujourd'hui, c'est le sivaïsme qui domine à Benarès, la ville
sainte et savante par excellence.
Plusieurs passages du Mahabarata ont trait au culte de Siva et du linga;
les Épopées, bien que Vichnouistes, supposent une prépondérance
antérieure du culte de Mahadèva (le grand dieu, Siva, l'être existant par
lui-même).
Dans les premières légendes bouddhistes, le Lalita-Vistara, par
exemple, Siva vient
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