Le Grand Meaulnes | Page 7

Alain-Fournier
la cour et les haies vives cachent en ��t��. Elle est plac��e sur un petit chemin qui rejoint d'un c?t�� la route de La Gare, de l'autre un faubourg du pays. Entour��e de hauts murs soutenus par des contreforts dont le pied baigne dans le fumier, la grande batisse f��odale est au mois de juin enfouie sous les feuilles, et, de l'��cole, on entend seulement, �� la tomb��e de la nuit, le roulement des charrois et les cris des vachers. Mais aujourd'hui, j'aper?ois par la vitre, entre les arbres d��pouill��s, le haut mur grisatre de la cour, la porte d'entr��e, puis, entre des tron?ons de haie, un bande du chemin blanchi de givre, parall��le au ruisseau, qui m��ne �� la route de La Gare.
Rien ne bouge encore dans ce clair paysage d'hiver. Rien n'est chang�� encore.
Ici, M. Seurel ach��ve de copier le deuxi��me probl��me. Il en donne trois d'habitude. Si aujourd'hui par hasard, il n'en donnait que deux... Il remonterait aussit?t dans sa chaire et s'apercevait de l'absence de Meaulnes. Il enverrait pour le chercher �� travers le bourg deux gamins qui parviendraient certainement �� le d��couvrir avant que la jument ne soit attel��e...
M. Seurel, le deuxi��me probl��me copi��, laisse un instant retomber son bras fatigu��... Puis, �� mon grand soulagement, il va �� la ligne et recommence �� ��crire en disant:
"Ceci, maintenant, n'est plus qu'un jeu d'enfant!"
... Deux petits traits noirs, qui d��passaient le mur de la Belle-Etoile et qui devaient ��tre les deux brancards dress��s d'une voiture, ont disparu. Je suis s?r maintenant qu'on fait l��-bas les pr��paratifs du d��part de Meaulnes. Voici la jument qui passe la t��te et le poitrail entre les deux pilastres de l'entr��e, puis s'arr��te, tandis qu'on fixe sans doute, �� l'arri��re de la voiture un second si��ge pour les voyageurs que Meaulnes pr��tend ramener. Enfin tout l'��quipage sort lentement de la cour, dispara?t un instant derri��re la haie, et repasse avec la m��me lenteur sur le bout de chemin blanc qu'on aper?oit entre deux tron?ons de la cl?ture. Je reconnais alors, dans cette forme noire qui tient les guides, un coude nonchalamment appuy�� sur le c?t�� de la voiture, �� la fa?on paysanne, mon compagnon Augustin Meaulnes.
Un instant encore tout dispara?t derri��re la haie. Deux hommes qui sont rest��s au portail de la Belle-Etoile, �� regarder partir la voiture, se concertent maintenant avec une animation croissante. L'un d'eux ce d��cide enfin �� mettre sa main en porte-voix pr��s de sa bouche et �� appeler Meaulnes, puis �� courir quelques pas, dans sa direction, sur le chemin... Mais alors, dans la voiture qui est lentement arriv��e sur la route de La Gare et que du petit chemin on ne doit plus apercevoir, Meaulnes change soudain d'attitude. Un pied sur le devant, dress�� comme un conducteur de char romain, secouant �� deux mains les guides, il lance sa b��te �� fond de train et dispara?t en un instant de l'autre c?t�� de la mont��e. Sur le chemin, l'homme qui appelait s'est repris �� courir; l'autre s'est lanc�� au galop �� travers champs et semble venir vers nous.
En quelques minutes, et au moment m��me o�� M. Seurel, quittant le tableau, se frotte les mains pour en enlever la craie, au moment o�� trois voix �� la fois crient du fond de la classe:
"Monsieur! Le grand Meaulnes est parti!"
L'homme en blouse bleue est �� la porte, qu'il ouvre soudain toute grande, et, levant son chapeau, il demande sur le seuil:
"Excusez-moi, monsieur, c'est-il vous qui avez autoris�� cet ��l��ve �� demander la voiture pour aller �� Vierzon chercher vos parents? Il nous est venu des soup?ons...
--Mais pas du tout!" r��pond M. Seurel.
Et aussit?t c'est dans la classe un d��sarroi effroyable. Les trois premiers, pr��s de la sortie, ordinairement charg��s de pourchasser �� coups de pierres les ch��vres ou les porcs qui viennent brouter dans la cour les corbeilles d'argent, se sont pr��cipit��s �� la porte. Au violent pi��tinement de leurs sabots ferr��s sur les dalles de l'��cole a succ��d��, dehors, le bruit ��touff�� de leurs pas pr��cipit��s qui machent le sable de la cour et d��rapent au virage de la petite grille ouverte sur la route. Tout le reste de la classe s'entasse aux fen��tres du jardin. Certains ont grimp�� sur les tables pour mieux voir...
Mais il est trop tard. Le grand Meaulnes s'est ��vad��.
"Tu iras tout de m��me �� La Gare avec Moucheboeuf, me dit M. Seurel. Meaulnes ne conna?t pas le chemin de Vierzon. Il se perdra aux carrefours. Il ne sera pas au train pour trois heures".
Sur le seuil de la petite classe, Millie tend le cou pour demander:
"Mais qu'y a-t-il donc?"
Dans la rue du bourg, les gens commencent �� s'attrouper. Le paysan est toujours l��, immobile, ent��t��, son chapeau �� la main, comme quelqu'un qui demande justice.

CHAPITRE V
La voiture qui revient.
Lorsque j'eus ramen��
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