dont il avait toujours eu peur. Il la connaissait, il voulait tout lui pardonner, dans sa large tol��rance de savant qui faisait la part de l'h��r��dit��, du milieu et des circonstances. Puis, n'��tait-elle pas sa m��re? et cela aurait suffi; car, au milieu des effroyables coups que ses recherches portaient �� la famille, il gardait une grande tendresse de coeur pour les siens.
Lorsque sa m��re ne fut plus l��, sa col��re ��clata, s'abattit sur Clotilde. Il avait d��tourn�� les yeux de Martine, il les tenait fix��s sur la jeune fille, dont les regards ne se baissaient toujours pas, dans une bravoure qui acceptait la responsabilit�� de son acte.
--Toi! toi! dit-il enfin.
Il lui avait saisi le bras, il le serrait, �� la faire crier. Mais elle continuait �� le regarder en face, sans plier devant lui, avec la volont�� indomptable de sa personnalit��, de sa pens��e, �� elle. Elle ��tait belle et irritante, si mince, si ��lanc��e, v��tue de sa blouse noire; et son exquise jeunesse blonde, son front droit, son nez fin, son menton ferme, prenait un charme guerrier, dans sa r��volte.
--Toi que j'ai faite, toi qui es mon ��l��ve, mon amie, mon autre pens��e, �� qui j'ai donn�� un peu de mon coeur et de mon cerveau! Ah! oui, j'aurais d? te garder tout enti��re pour moi, ne pas me laisser prendre le meilleur de toi-m��me par ton b��te de bon Dieu!
--Oh! monsieur, vous blasph��mez! cria Martine, qui s'��tait rapproch��e, pour d��tourner sur elle une partie de sa col��re.
Mais il ne la voyait m��me pas. Clotilde seule existait. Et il ��tait comme transfigur��, soulev�� d'une telle passion, que, sous ses cheveux blancs, dans sa barbe blanche, son beau visage flambait de jeunesse, d'une immense tendresse bless��e et exasp��r��e. Un instant encore, ils se contempl��rent de la sorte, sans se c��der, les yeux sur les yeux.
--Toi! toi! r��p��tait-il, de sa voix fr��missante.
--Oui, moi!... Pourquoi donc, ma?tre, ne t'aimerais-je pas autant que tu m'aimes? et pourquoi, si je te crois en p��ril, ne tacherais-je pas de te sauver? Tu t'inqui��tes bien de ce que je pense, tu veux bien me forcer �� penser comme toi!
Jamais elle ne lui avait ainsi tenu t��te.
--Mais tu es une petite fille, tu ne sais rien!
--Non, je suis une ame, et tu n'en sais pas plus que moi!
Il lui lacha le bras, il eut un grand geste vague vers le ciel, et un extraordinaire silence tomba, plein des choses graves, de l'inutile discussion qu'il ne voulait pas engager. D'une rude pouss��e, il ��tait all�� ouvrir le volet de la fen��tre du milieu; car le soleil baissait, la salle s'emplissait d'ombre. Puis, il revint.
Mais elle, dans un besoin d'air et de libre espace, ��tait all��e �� cette fen��tre ouverte. L'ardente pluie de braise avait cess��, il n'y avait plus, tombant de haut, que le dernier frisson du ciel surchauff�� et palissant; et, de la terre br?lante encore, montaient des odeurs chaudes, avec la respiration soulag��e du soir. Au bas de la terrasse, c'��tait d'abord la voie du chemin de fer, les premi��res d��pendances de la gare, dont on apercevait les batiments; puis, traversant la vaste plaine aride, une ligne d'arbres indiquait le cours de la Viorne, au del�� duquel montaient les coteaux de Sainte-Marthe, des gradins de terres rougeatres plant��es d'oliviers, soutenues par des murs de pierres s��ches, et que couronnaient des bois sombres de pins: large amphith��atre d��sol��, mang�� de soleil, d'un ton de vieille brique cuite, d��roulant en haut, sur le ciel, cette frange de verdure noire. A gauche, s'ouvraient les gorges de la Seille, des amas de pierres jaunes, ��croul��es au milieu de terres couleur de sang, domin��es par une immense barre de rochers, pareille �� un mur de forteresse g��ante; tandis que, vers la droite, �� l'entr��e m��me de la vall��e o�� coulait la Viorne, la ville de Plassans ��tageait ses toitures de tuiles d��color��es et roses, son fouillis ramass�� de vieille cit��, que per?aient des cimes d'ormes antiques, et sur laquelle r��gnait la haute tour de Saint-Saturnin, solitaire et sereine, �� cette heure, dans l'or limpide du couchant.
--Ah! mon Dieu! dit lentement Clotilde, faut-il ��tre orgueilleux, pour croire qu'on va tout prendre dans sa main et tout conna?tre!
Pascal venait de monter sur la chaise, afin de s'assurer que pas un des dossiers ne manquait. Ensuite, il ramassa le fragment de marbre, le repla?a sur la planche; et, quand il eut referm�� l'armoire, d'une main ��nergique, il mit la clef au fond de sa poche.
--Oui, reprit-il, tacher de tout conna?tre, et surtout ne pas perdre la t��te avec ce qu'on ne conna?t pas, ce qu'on ne conna?tra sans doute jamais!
Martine, de nouveau, s'��tait rapproch��e de Clotilde, pour la soutenir, pour montrer que toutes deux faisaient cause commune. Et, maintenant, le docteur l'apercevait, elle aussi, les sentait l'une et l'autre unies dans la m��me
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