Le Coté de Guermantes -- deuxième partie

Marcel Proust
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Le C?té de Guermantes, by Marcel Proust

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Title: Le C?té de Guermantes
Author: Marcel Proust
Release Date: July 23, 2004 [EBook #12999]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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MARCEL PROUST
A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
VII
LE C?Té DE GUERMANTES
(DEUXIèME PARTIE)
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GALLIMARD

OEUVRES DE MARCEL PROUST
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A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
DU C?Té DE CHEZ SWANN (2 vol.).
A L'OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS (3 vol.).
LE C?Té DE GUERMANTES (3 vol.).
SODOME ET GOMORRHE (2 vol.).
LA PRISONNIèRE (2 vol.).
ALBERTINE DISPARUE.
LE TEMPS RETROUVé (2 vol.).
PASTICHES ET MéLANGES.
LES PLAISIRS ET LES JOURS.
CHRONIQUES.
LETTRES A LA N.R.F.
MORCEAUX CHOISIS.
UN AMOUR DE SWANN (édition illustrée par Laprade).
* * * * *
Collection in-8 ?A la Gerbe?
OEUVRES COMPLèTES (18 vol.).

Comme je l'avais supposé avant de faire la connaissance de Mme de Villeparisis à Balbec, il y avait une grande différence entre le milieu où elle vivait et celui de Mme de Guermantes. Mme de Villeparisis était une de ces femmes qui, nées dans une maison glorieuse, entrées par leur mariage dans une autre qui ne l'était pas moins, ne jouissent pas cependant d'une grande situation mondaine, et, en dehors de quelques duchesses qui sont leurs nièces ou leurs belles-soeurs, et même d'une ou deux têtes couronnées, vieilles relations de famille, n'ont dans leur salon qu'un public de troisième ordre, bourgeoisie, noblesse de province ou tarée, dont la présence a depuis longtemps éloigné les gens élégants et snobs qui ne sont pas obligés d'y venir par devoirs de parenté ou d'intimité trop ancienne. Certes je n'eus au bout de quelques instants aucune peine à comprendre pourquoi Mme de Villeparisis s'était trouvée, à Balbec, si bien informée, et mieux que nous-mêmes, des moindres détails du voyage que mon père faisait alors en Espagne avec M. de Norpois. Mais il n'était pas possible malgré cela de s'arrêter à l'idée que la liaison, depuis plus de vingt ans, de Mme de Villeparisis avec l'Ambassadeur p?t être la cause du déclassement de la marquise dans un monde où les femmes les plus brillantes affichaient des amants moins respectables que celui-ci, lequel d'ailleurs n'était probablement plus depuis longtemps pour la marquise autre chose qu'un vieil ami. Mme de Villeparisis avait-elle eu jadis d'autres aventures? étant alors d'un caractère plus passionné que maintenant, dans une vieillesse apaisée et pieuse qui devait peut-être pourtant un peu de sa couleur à ces années ardentes et consumées, n'avait-elle pas su, en province où elle avait vécu longtemps, éviter certains scandales, inconnus des nouvelles générations, lesquelles en constataient seulement l'effet dans la composition mêlée et défectueuse d'un salon fait, sans cela, pour être un des plus purs de tout médiocre alliage? Cette ?mauvaise langue? que son neveu lui attribuait lui avait-elle, dans ces temps-là, fait des ennemis? l'avait-elle poussée à profiter de certains succès auprès des hommes pour exercer des vengeances contre des femmes? Tout cela était possible; et ce n'est pas la fa?on exquise, sensible--nuan?ant si délicatement non seulement les expressions mais les intonations--avec laquelle Mme de Villeparisis parlait de la pudeur, de la bonté, qui pouvait infirmer cette supposition; car ceux qui non seulement parlent bien de certaines vertus, mais même en ressentent le charme et les comprennent à merveille (qui sauront en peindre dans leurs Mémoires une digne image), sont souvent issus, mais ne font pas eux-mêmes partie, de la génération muette, fruste et sans art, qui les pratiqua. Celle-ci se reflète en eux, mais ne s'y continue pas. A la place du caractère qu'elle avait, on trouve une sensibilité, une intelligence, qui ne servent pas à l'action. Et qu'il y e?t ou non dans la vie de Mme de Villeparisis de ces scandales qu'e?t effacés l'éclat de son nom, c'est cette intelligence, une intelligence presque d'écrivain de second ordre bien plus que de femme du monde, qui était certainement la cause de sa déchéance mondaine.
Sans doute c'étaient des qualités assez peu exaltantes, comme la pondération et la mesure, que pr?nait surtout Mme de Villeparisis; mais pour parler de la mesure d'une fa?on entièrement adéquate, la mesure ne suffit pas et il faut certains mérites d'écrivains qui supposent une exaltation peu mesurée; j'avais remarqué à Balbec que le génie de certains grands artistes restait incompris de Mme de Villeparisis; et qu'elle ne savait que les railler finement, et donner à son incompréhension une forme spirituelle et gracieuse. Mais cet esprit et cette grace, au degré où ils étaient
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