Lavaleur de sabres | Page 9

Paul H. C. Féval
les cils recourb��s de sa paupi��re ne cachaient pas toute la flamme de son regard. Justin donna le signal d'arr��ter. Lily sauta sur le pav�� et s'enfuit.
Le cocher rit encore, c'��tait un observateur.
Quant �� notre ��tudiant, il resta tout simplement abasourdi, puis il se frotta les mains de bon coeur, puis encore il se demanda:
--Pourquoi ai-je donn�� les trois billets?
C'��tait absurde. Paris ne contient pas dix millionnaires capables d'agir ainsi.
Justin soupira longuement, mais ce n'��tait point le remords de sa prodigalit�� qui lui arrachait ce profond soupir.
Il avait devant les yeux une vision: Lily, transform��e par ce qui se peut acheter avec trois billets de banque de cent francs.
Trois billets de cent francs ne sauraient v��tir une comtesse, ni m��me une bonne bourgeoise, mais trois billets de cent francs peuvent pailleter une saltimbanque ou couvrir tr��s d��cemment une fillette.
Ce diable de cocher vous avait encore un air goguenard en recevant le prix de sa course, �� la porte de Justin.
Celui-ci monta �� sa chambre, qui lui sembla triste et vide. Il ��prouvait au coeur cette meurtrissure qui reste apr��s la rupture d'une vieille et profonde amiti��.
En tout, Lily et lui avaient ��t�� une demi-heure ensemble.
Il se jeta sur son lit, tout songeur, et si las qu'une orgie �� tous crins ne l'e?t point fatigu�� davantage. Il n'essaya m��me pas d'en appeler au travail, Rogron eut tort; l'examen fut oubli��.
Cette ?le de jeunesse, le Pays latin, est toute pleine de joyeuses et belles filles, quoiqu'on y trouve aussi les plus laides coquines de l'univers. Justin n'avait qu'�� choisir parmi les plus folles et les plus jolies. Il essaya en vain d'��voquer les souriants visages de ses danseuses pr��f��r��es. C'��tait l'��trange beaut�� de Lily, demi-nue, qui passait et repassait devant ses yeux.
Il voyait sa robe pauvre et plus que fan��e, drapant, mais d��voilant l'id��ale perfection d'un corps de nymphe antique; il voyait ces longs yeux noirs aux regards hardis et candides, ce front presque c��leste, perdu sous la richesse d��sordonn��e d'une splendide chevelure blonde.
Elle s'��tait enfuie, la sauvage cr��ature, sans dire merci, ni plus ni moins qu'un chien �� qui on a jet�� un os.
Tout ��tait bizarre et insens�� dans cette aventure qui laissait apr��s elle la sensation d'une chute.
Et, chose incroyable, parmi cette douleur morale o�� il y avait de la honte et une sorte de d��go?t, la r��verie se d��gageait brillante et suave.
Justin avait une m��re, noble, bonne, bien-aim��e, qui regardait de loin avec mis��ricorde ses fredaines d'enfant. Elle admettait, comme toutes les m��res, le facile proverbe: il faut que jeunesse se passe. Elle avait peur seulement de ces attaches demi-s��rieuses qui peuvent peser sur tout un avenir.
Jusqu'�� ce moment, Justin, nouant et d��nouant des cha?nes fleuries, n'avait jamais ��t�� arr��t�� par l'id��e de sa m��re.
Aujourd'hui, la pens��e de sa m��re vint le visiter. Pourquoi aujourd'hui plut?t qu'hier? Pourquoi, �� propos de la plus folle et de la plus passag��re de toutes ses folies?
Certes, l'aventure pouvait ��tre ridicule au premier chef, mais du moins elle n'��tait pas dangereuse. Justin avait jet�� �� une mendiante une aum?ne un peu plus large que de raison, et c'��tait tout; son budget seul devait en souffrir. Jamais il ne la reverrait: c'��tait �� parier cent contre un, car elle n'avait m��me pas pris la peine de lui demander son nom!
L'heure du d��jeuner passa, Justin resta ��tendu sur son lit comme un malade. Il ��tait malade, en effet, il avait la fi��vre, et chaque fois qu'un pas montait l'escalier, son coeur battait douloureusement.
Il ne se demanda pas s'il aimait mademoiselle Lily. Croyez bien que si son meilleur camarade, mis par hasard dans le secret de son ��quip��e, l'e?t accus�� d'aimer mademoiselle Lily, il y aurait eu un soufflet de lanc��. Justin avait la main leste.
Non, chacun peut avoir ses mauvais jours, et nul ne r��pond d'un acc��s de fi��vre.
�� l'heure du d?ner, Justin s'habilla et sortit. Il avait fait un male effort sur lui-m��me et secou�� son vertige comme un vaillant jeune homme qu'il ��tait.
Au moment o�� il mettait le pied dans la rue, il poussa un grand cri et faillit tomber �� la renverse.
Une jeune fille v��tue de noir, avec une simplicit�� ��l��gante et charmante ��tait debout devant lui.
Elle souriait, montrant ces belles perles qui ��taient derri��re les l��vres roses de Lily.
--Comment me trouvez-vous ainsi? demanda-t-elle.
Justin la trouvait tout uniment adorable; mais il ne r��pondit point. Elle ajouta:
--J'avais bien entendu que vous donniez votre adresse au cocher, mais je ne savais pas votre nom. Comment vous demander au concierge? Je vous attends ici depuis midi.
--Six heures!... murmura Justin.
--Oh! fit-elle, je vous aurais attendu six jours et bien plus encore. Je ne vous avais pas dit merci.
Ce fut le lendemain matin que Justin de Vibray, le prince de la jeunesse des ��coles, jeta bas son sceptre et d��serta sa cour.
Il est, non loin de Saint-Denis
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 173
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.