population, dont �� cette heure matinale rien ne peut donner une id��e. L'harmonie ne manquait point entre les masures, ruines ag��es de quelques semaines, qui semblaient avoir ��t�� baties selon un parti pris de moquerie burlesque, et les loques ambulantes qui grouillaient dans les rues. Il y avait l�� tels n��glig��s de chiffonni��res qui eussent bris�� le crayon dans la main de Daumier.
Comme Justin ��tait en admiration devant les excentricit��s architecturales de la Maison-d'Or; palais de Barbe Mahaleur, celle-ci sortit, demi-nue et n'ayant pour cacher les effrayantes s��ductions de son torse qu'un mouchoir cholet en lambeaux. Un k��pi coiffait la r��volte de ses cheveux grisonnants, et ses jambes d'hercule ��taient chastement couvertes par un petit torchon, rattach�� autour de ses reins.
Elle appela Lily d'une voix de clairon enrhum��; Justin attendit, esp��rant une apparition encore plus grotesque.
L'enfant qui se montra sur le seuil, v��tue d'une mis��rable robe d'indienne frang��e et d'un pauvre mouchoir de cou, �� jour comme une dentelle, gla?a le rire sur ses l��vres.
Et pourtant l'enfant souriait. Il n'y avait en elle, ��videmment, ni regret d'une meilleure existence ni d��sir d'une autre vie.
Mais elle ��tait si belle, cette enfant, que Justin en eut le coeur serr��.
Barbe Mahaleur lui donna une bonne tape sur la joue en mani��re de caresse, et lui mit quatre sous dans la main en disant:
--Va me chercher du cabl��, petite vache!
Ce dernier mot ��tait doux comme une caresse.
Le gros cabl�� ou carotte double est le tabac �� chiquer le plus fort. Cette Mahaleur ��tait port��e sur sa bouche.
Lily partit en courant. Je ne sais pourquoi Justin la suivit.
Certes, il ne pr��tendait point lier connaissance avec cette fille en haillons: ?la petite vache?. Oh! certes!
Pour gagner la route d'Italie, il y avait un long et tortueux couloir, bord�� par de grands murs sans fen��tres, formant le derri��re de plusieurs usines. Deux personnes de corpulence ordinaire auraient eu peine �� passer de front dans ce d��fil��.
�� moiti�� chemin, Lily se rencontra face �� face avec un tr��s beau chiffonnier en grande tenue, le crochet �� la main, la hotte sur le dos. C'��tait Payoux, dit la Tulipe-de-V��nus, qui avait l'honneur d'��tre le favori actuel et r��gnant de Barbe Mahaleur. Il revenait de sa tourn��e avec une pointe de chambertin �� trente centimes.
--Tiens, fit-il, en rejetant son crochet dans sa hotte, v'l�� l'agneau! Il y a longtemps que je te guette; on va rire ensemble �� la fin!
Il n'eut qu'�� ouvrir le bras pour barrer le passage. Lily voulut se rejeter en arri��re, il la saisit et lui planta un gros baiser sur les l��vres.
Apr��s quoi il poussa un cri et tomba assomm��.
Justin l'avait abattu d'un seul coup de poing.
Pourquoi cette absurde violence? Voil�� ce que Rogron, l'acharn�� explicateur, n'aurait pas su expliquer.
Justin avait assomm�� ainsi de parti pris et restait plus ��tourdi que la b��te terrass��e.
Il ��tait pale, mais ses tempes battaient, et il y avait du rouge �� ses yeux, qu'il frotta pour voir clair.
Il s'��veilla, son Rogron sous le bras; entre l'homme couch�� comme un boeuf qui a re?u le coup de massue, et la fillette, ��vanouie ni plus ni moins qu'une demoiselle en mousseline blanche.
Mais les ��vanouissements des demoiselles en mousseline blanche durent longtemps; celui de Lily fut juste d'une demi-minute. Elle rouvrit ses beaux yeux, regarda Payoux couch�� dans la boue, puis Justin, et sourit en disant:
--J'ai eu grand-peur, merci.
Elle avait une voix douce, dont les basses cordes vibraient et p��n��traient.
Justin ressentait en lui-m��me une angoisse vague. Sa pens��e vacillait comme s'il e?t subi une sorte d'ivresse. Il avait confus��ment conscience du ridicule impossible de cette aventure et cependant il dit:
--Voulez-vous venir avec moi?
--Je veux bien, r��pliqua Lily sans h��siter.
Cette r��ponse ne choqua point Justin. Et, en v��rit��, les yeux de Lily qui ��taient fix��s sur les siens avaient la limpidit�� d'un regard d'ange.
Il marcha devant; elle le suivit d'un pas vif et gracieux.
Un fiacre passait. Justin l'arr��ta et l'ouvrit.
--O�� allons-nous? demanda Lily, qui bondit sur le marchepied.
Le cocher riait ostensiblement.
--Je ne sais pas, r��pondit Justin, rouge de honte.
Lily fit comme le cocher, elle se mit �� rire et ajouta:
--La tireuse de cartes m'avait dit que je m'en irais, je m'en vas. D'abord Payoux me faisait trop peur.
Justin monta �� son tour, apr��s avoir donn�� son adresse au cocher.
Quand il fut assis aupr��s de la fillette, il ��prouva un inexprimable embarras. Loin de calmer cet embarras, la surprenante tranquillit�� de Lily l'augmentait.
--On est bien ici, dit-elle, d��s que les chevaux s'��branl��rent. C'est la premi��re fois que je vais en voiture.
Et comme si elle e?t voulu mettre le comble �� la d��tresse de Justin, elle ajouta:
--Les conducteurs d'omnibus ne me laissent pas monter.
III
Un ��clat de rire
Le plus large de tous les ab?mes creus��s par l'orgueil ou l'int��r��t entre deux cr��atures humaines est certainement celui qui s��pare le Blanc du Noir, aux colonies.
La libre Am��rique,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.