Lassassinat du pont-rouge | Page 9

Charles Barbara
Aussi, fatigu??s d'une lutte st??rile, ?? bout de patience, pass?��mes-nous la nuit enti?��re ?? m??rir s??rieusement un projet de suicide. Le courage de mourir ??tait de la faiblesse ?? c?��t?? de celui qui ??tait n??cessaire pour continuer de vivre ainsi, et, ?? coup s??r, nous eussions ex??cut?? notre r??solution, si, au matin, heureusement ou malheureusement, un souvenir ne m'avait subitement travers?? l'esprit....??
Les propres paroles de Cl??ment n'ajouteraient rien ?? l'int??r?at de ce qu'il conta. Quelque six mois auparavant, en un jour o?1 pr??cis??ment il ??tait habill?? de neuf, il avait fait la connaissance d'un pr?atre; cela, du reste, bien ?? son insu. Par surprise, bien plus que par suite d'un go??t naturel, car il n'aimait que m??diocrement ?? boire, il s'??tait graduellement enivr?? dans une r??union de femmes et d'hommes. Accabl?? de chaleur, les nerfs agit??s, aux prises avec le besoin de respirer et d'agir, il se glissa furtivement dehors. Le grand air accrut son ivresse. Il faisait nuit. L'oeil trouble, incapable de joindre deux id??es, heurtant les passants et les murs, manquant ?? chaque pas de rouler ?? terre, il arriva, sans savoir comment, sur la place Saint-Sulpice, et, d??cid??ment trahi par ses forces, alla, d'oscillation en oscillation, s'affaisser aux pieds de la grille du s??minaire. Il ne se souvenait pas de ce qui s'??tait pass?? depuis ce moment jusqu'?? celui o?1 il avait rouvert les yeux. Il s'??tait trouv?? renvers?? sur une chaise, dans une salle nue; quelqu'un rafra??chissait ses tempes avec de l'eau froide. A la lueur d'une lampe, il aper?��ut un pr?atre, lequel lui demanda avec sollicitude:
??Eh bien! monsieur, vous sentez-vous mieux actuellement???
Cl??ment ??tait stup??fait.
??Mais, comment est-ce que je me trouve ici? s'??cria-t-il.
--Comme je rentrais, r??pliqua l'eccl??siastique d'une voix pleine de sensibilit??, vous gisiez ?? terre contre la porte, et je me suis permis de vous faire transporter en cet endroit pour vous y donner des soins.??
C'??tait bien le moins que Cl??ment se montr?��t aimable envers un homme qui lui avait ??pargn?? l'ennui d'?atre ramass?? dans la rue et probablement transport?? dans un poste. Il r??pondit donc avec assez de politesse aux questions du pr?atre sur la position qu'il occupait dans le monde. Il avoua qu'il ??tait homme de lettres _par n??cessit??_; puis, qu'il e??t de pr??f??rence ??tudi?? les sciences naturelles, s'il lui e??t ??t?? permis de suivre ses go??ts. Il se trouvait que l'abb?? s'??tait jadis occup?? discr?��tement de physique et d'entomologie. De cette sympathie pour les m?ames choses dont ils parl?��rent en courant, il r??sulta bient?��t entre eux de l'aisance et une certaine intimit??. Cl??ment, avec une franchise qui frisait la brutalit??, ne lui en d??clara pas moins qu'il ne croyait ?? rien et qu'il ??tait bien pr?��s de penser que la grande majorit?? des pr?atres ne croyait pas ?? grand'chose. L'abb?? ne sut que sourire ?? ces aveux. Il ne s'en cachait pas, Cl??ment lui plaisait beaucoup, et il assurait qu'il serait tr?��s-heureux de le revoir.
??Il se peut, dit-il de l'air le plus riant, qu'au milieu de votre vie un peu aventureuse, vous ayez besoin, ?? un moment donn??, d'un conseil, et, qui sait? peut-?atre aussi d'une recommandation. Souvenez-vous alors que j'ai quelque cr??dit et venez mettre mon amiti?? ?? l'??preuve.??
Il dit encore:
??Tout en regrettant que votre belle intelligence se noie dans des futilit??s, n'allez pas croire que j'agisse dans des vues d'int??r?at et que je me propose sournoisement de vous pers??cuter avec des sermons. Vous n'aurez jamais ?? craindre aupr?��s de moi rien de semblable.??
Cl??ment, pour la forme, prit le nom du pr?atre. Il n'avait pas ??prouv??, ?? le voir, ces ??lans de m??pris et de haine qu'une soutane manquait rarement de soulever dans sa poitrine. Cependant, il ne l'eut pas plus t?��t quitt??, qu'il n'y pensa plus.
Mais au moment d'attenter ?? sa vie, ?? l'heure o?1 il cherchait quelque chose ?? quoi s'accrocher, il ??tait naturel qu'il se souv??nt de ce pr?atre et de ses offres de service. A tout hasard, il r??solut de l'aller voir. Sans fonder grand espoir sur cette d??marche, il songeait qu'au cas o?1 elle ne produirait rien, elle n'ajouterait non plus rien au mal. Au pr??alable, il concerta avec lui-m?ame un plan de conduite et se d??cida ?? jouer une audacieuse com??die. Ce qui n'est point rare, d'une visite r??pugnante d'o?1 il attendait peu de chose, il retira les plus grands avantages. L'abb?? Fr??pillon le reconnut sur-le-champ et lui fit le plus grand accueil.
??Je crains bien, lui dit Cl??ment tout d'abord, que le d??n??ment o?1 je me trouve ne vous fasse suspecter la sinc??rit?? de mes d??clarations.??
A la suite des d??n??gations obligeantes du pr?atre, il lui confessa qu'il avait horreur de sa vie pass??e. Cette horreur ??tait telle, qu'il avait ??t?? sur le point d'en finir avec l'existence. Le souvenir de l'abb?? l'avait retenu.
--??Je ne vous cache pas, continua-t-il, qu'?? votre ??gard je ne suis qu'un
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