Lart russe | Page 6

Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc
le rang soit complet, ce qui s'obtient en peu de minutes. Le rang bandé ne peut plus se déformer.
[Illustration: Fig. 6.]
Ce système pouvait s'appliquer de diverses manières; à des vo?tes d'arêtes, par exemple, sur plan carré ou sur plan barlong. Soit (fig. 6), une vo?te d'arête sur plan barlong, c'est-à-dire composée d'un demi-cylindre sur le grand c?té et d'une courbe elliptique sur le petit, le constructeur établit en même temps les deux berceaux, ainsi que le montre notre projection horizontale. Alors les rangs sont tronc-coniques[11], et les épais enduits couverts de peintures ou de mosa?ques masquaient les redans des rangs de briques. Les constructeurs byzantins, ne trouvant pas assez de stabilité à ces vo?tes d'arêtes dont les clefs sont horizontales, ainsi que le montre la section A (fig. 6, ci-contre), imaginèrent de prendre pour courbe génératrice des deux berceaux se pénétrant, un plein cintre tracé sur la diagonale, ce qui les conduisit parfois à obtenir des arêtes creuses près de la clef au lieu d'arêtes saillantes.
[Illustration: Fig. 7.]
[Note 11: Monastère de Vatopedi (Athos).]
Mais ces vo?tes étaient toujours bandées au moyen de rangs, reposant les uns sur les autres.
Lorsqu'ils firent des coupoles, ils procédèrent du même système. Pour eux, ainsi que M. Choisy a pu le reconna?tre dans ses récentes recherches et que je l'avait indiqué moi-même[12], la coupole sur pendentifs n'est qu'un dérivé de la vo?te d'arête, engendré par l'arc diagonal plein cintre (fig. 7). A[13], projection horizontale d'un quart; B, section. L'arête a b n'est qu'une ligne de jonction des surfaces tronc-coniques, mais ne présente aucune saillie.
[Illustration: Fig. 8.]
[Note 12: Dictionnaire raisonné de l'architecture fran?aise du Xe au XVIe siècle (art. VO?TE)]
[Note 13: Vo?te de la grande citerne de Constantinople.]
Il est une autre solution, mais tendant au même résultat et en employant des moyens pratiques analogues, c'est-à-dire en faisant toujours reposer les rangs de briques ou de moellons sur les rangs voisins de manière à éviter les cintres.
Cette deuxième méthode s'applique aux coupoles sur pendentifs aussi bien qu'aux coupoles sur tambour. Les rangées de briques ou de moellons semblent être horizontales, mais les joints ne sont pas normaux à la courbe de la vo?te (fig. 8) et cherchent toujours à se rapprocher d'un plan peu incliné, ainsi que l'indique la section en A. Aussi les constructeurs byzantins, ayant grand'peine à construire les derniers rangs annulaires a b, s'arrêtèrent parfois en a, et, à partir de ce niveau, reprirent une seconde coupole en matériaux très-légers, ainsi que l'indique le tracé B[14].
[Illustration: Fig. 9.]
[Note 14: Citernes de Constantinople; l'une, près de celle des mille et une colonnes; l'autre, récemment découverte au nord-est de l'Et-Me?dan.]
Les Persans procédèrent plus franchement et adoptèrent la forme de coupole indiquée en C. Nous ne mentionnerons que pour mémoire les coupoles à section horizontale bulbeuse (fig. 9) (Saint-Serge et monastère de Chora à Constantinople). Celles construites au moyen de trompillons à rangs tronc-coniques, s'enchevêtrant (fig. 10), (tombeau de saint Dimitri à Salonique) et celles construites en poteries, telle que la vo?te de Saint-Vital de Ravenne.
[Illustration: Fig. 10]
Toutes ces vo?tes sont construites à l'aide d'une simple tige directrice, de bois ou de fer, sous-tendue par un fil et sans qu'il soit besoin de cintres.
Ce que nous voulons établir ici, c'est que, pour ce qui touche la construction des vo?tes, objet si important dans l'architecture byzantine, l'influence orientale, asiatique ou iranienne est bien autrement puissante que n'est l'influence occidentale romaine. Il en est de même pour l'ornementation. La tradition de l'architecture romaine se perd, s'efface promptement à Byzance sous l'apport iranien. De même qu'à Rome les monuments étaient confiés le plus souvent à des artistes grecs, car les Romains n'ont jamais fourni d'artistes, de même, à Byzance, le gouvernement impérial s'adressait à des artistes asiatiques qui, depuis longtemps, possédaient leurs méthodes, leur art, dont il serait trop long d'énumérer les origines diverses, mais toutes issues du centre de l'Asie aux époques les plus reculées.
Il est évident, par exemple, que les chapiteaux les plus anciens de Sainte-Sophie de Constantinople ne rappellent guère les chapiteaux grecs et romains ioniques et corinthiens de l'époque des premiers Césars, mais qu'ils appartiennent à un autre art dont nous retrouvons les éléments en Asie et jusque dans l'extrême Orient. De même pour toute l'ornementation. Au lieu de dériver immédiatement d'une inspiration de la flore, comme dans l'architecture grecque des beaux temps et jusque sous les premiers empereurs de Rome, elle est toute empreinte d'un hiératisme vieilli, dont on a longtemps usé et abusé. On peut en dire autant de la peinture, des harmonies obtenues par la juxtaposition des tons: cela ne rappelle ni l'antiquité grecque, ni l'antiquité romaine, c'est asiatique.
L'art byzantin, quittant la voie tracée par l'antiquité grecque pa?enne dans la statuaire et la peinture, abandonnant cette recherche de plus en plus exacte de la nature qui penchait déjà, sous les Antonins, vers le réalisme,
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