disposition une masse énorme de documents avec un empressement qui indique assez combien le sujet tient au coeur des vrais Russes. Monuments, manuscrits, copies de tableaux, de sculptures, procédés de construction, faits historiques, textes ont été recueillis dans les vieilles provinces russes, et ces renseignements réunis nous ont bient?t permis de porter l'examen de la critique au milieu de ce chaos.
C'est ainsi que nous avons pu séparer les courants divers qui sont venus se fondre sur le territoire russe et qui ont, dès le XIIe siècle, constitué un art original, susceptible de progrès, en relation intime avec l'art byzantin, sans cependant se confondre avec celui-ci.
Mais d'abord il sera bon de définir exactement ce qu'on entend par art byzantin.
L'art byzantin est lui-même un composé d'éléments très divers, et son originalité, autant qu'il en possède, est due à l'harmonie établie entre ces éléments, les uns empruntés à l'extrême Orient, d'autres à la Perse, beaucoup à l'art de l'Asie Mineure et même à Rome.
A quelques-unes de ces sources, la Russie a été puiser directement, sans recourir à l'intermédiaire de Byzance; elle a re?u de première main des traditions orientales d'une grande valeur; puis, elle s'est assimilé les arts gréco-byzantins à une époque reculée, ainsi que nous le verrons.
On a trop souvent, nous para?t-il, considéré en Russie comme une imitation absolue de l'art byzantin une influence et une similitude d'origine, et on n'a pas tenu un compte suffisant, pour apprécier la valeur de ces origines, du développement prodigieux des arts en Orient au commencement de notre ère.
Alors les vastes territoires compris entre la mer Noire, la mer Caspienne et la mer d'Aral, et qui s'étendent au nord du grand Alta? jusqu'à la Mongolie et la Mandchourie, n'étaient pas totalement abandonnés à la barbarie. Au nord comme au sud du grand désert de Chamo ou de Mongolie, existaient des civilisations adonnées aux arts et à l'industrie. Pendant le XIIIe siècle encore, l'empire des Mongols, qui occupait cette zone étendue de l'Asie, était florissant, ainsi que le prouvent les voyages de Du Plan Carpin en 1245-1246, ceux de G. Rubruquis en 1253 et de Marco Polo en 1272-1275.
Deux de ces voyageurs suivirent à peu près le même itinéraire: le premier, de Lyon à Caracorum, au sud du lac Ba?kal; le deuxième, de Crimée à la même résidence du grand Kan; le troisième, de Saint-Jean-d'Acre à Kanbalou (Pé-king), en passant par la Perse et le nord du Thibet.
Le développement de la navigation d'une part, et certainement une modification climatérique des contrées centrales de l'Asie, firent abandonner les voies de terre suivies depuis l'antiquité jusqu'au XVe siècle et qui mettaient en communication l'extrême Orient avec les contrées situées à l'ouest du Volga. Mais, avant les voyages des grands navigateurs de la fin du XVe siècle et du commencement du XVIe, cette voie de terre était relativement très-fréquentée et il existait au centre de l'Asie des civilisations qui aujourd'hui ont entièrement disparu.
Des déserts de sable mouvant ont pu ensevelir des cités, des forêts, combler des lits de rivières et changer des contrées habitées et fertiles en steppes à peine parcourues par des nomades.
Cet envahissement des flots sablonneux de l'est à l'ouest semble chaque jour s'étendre sur des contrées qui, de mémoire historique, étaient encore habitables.
Déjà du temps de Du Plan Carpin, qui, ayant traversé le Tana?s et le Volga, passa au nord de la mer Caspienne, suivit les limites septentrionales des régions centrales de l'Asie et se dirigea vers le pays des Mongols où Ga?ouk, fils d'Octaq et petit-fils de Gengis-Kan, venait d'être proclamé souverain, il n'existait plus une ville debout sur tout le trajet.
Les Tatars avaient détruit ce que le temps et les sables avaient respecté.
Ce voyageur et Rubruquis ne rencontrèrent que des campements et des ruines. Mais ces restes indiquaient l'établissement de civilisations disparues, étouffées sous la terrible invasion tatare qui s'étendait jusqu'aux confins de l'Europe, suivie de l'invasion non moins terrible des sables due à l'abandon de la culture et des irrigations.
La Russie avait donc pu recevoir, bien avant le XIIIe siècle, des éléments d'art de l'extrême Orient par une voie qui est encore à peu près fermée de nos jours.
Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que les grandes migrations Aryennes, qui s'étaient, à l'origine, portées au sud dans l'Hindoustan, tendirent de plus en plus à incliner vers l'ouest, lorsque les contrées méridionales furent successivement occupées par elles.
Après l'Inde, la Perse, puis la Médie, l'Asie Mineure, la Grèce, furent envahies par la race aryenne. Trouvant au sud les pays occupés et le barrage de la mer Caspienne, les derniers émigrants passèrent au nord de cette mer, s'établirent dans la Circassie et sur le Caucase, traversèrent le Don et se répandirent dans le nord de l'Europe; les derniers occupèrent la Scandinavie et les bords de la Baltique. Mais pendant bien des siècles cette voie, frayée à travers
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