Lamour au pays bleu | Page 8

Hector France
vieillards lui adressaient des reproches:
?O Mansour, celui qui prend Satan pour compagnon choisit un mauvais voisin de route?, ou bien: ?Un jour viendra o�� l'opprobre s'��tendra comme une tente au-dessus de ta t��te.?
Enfl�� d'orgueil ainsi qu'Eblis le Maudit[2], il r��pondait: ?Je l��verai la t��te et je cr��verai l'opprobre, car je ne suis pas de ceux qui courbent le front.?
[Note 2: Le diable.]
Alors ils lui disaient: ?Prends garde! Il sera trop tard quand tu crieras: Je me repens. Implorerais-tu le pardon soixante-dix fois, comme il est ��crit dans le Livre; invoquerais-tu Dieu par ses quatre-vingt-dix-neuf noms, ce sera trop tard.?
Et ils ajoutaient: ?Souviens-toi des paroles du Proph��te: ?Ame pour ame, oeil pour oeil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent.? La justice du talion est la saine justice.?
Mais il r��pondait, en riant: ?Dieu seul conna?t demain!?
Sous les tentes du Beled-el-Djerid[3] comme sous les toits des Ksours, on raconte bien des aventures de sa jeunesse et je veux te dire la premi��re, parce qu'elle influa sur toute sa vie.
[Note 3: Pays des dattes.]
O Dieu! ?te le regard du m��chant de ses yeux, ?te lui la langue des l��vres; taille-le entre les jambes pour qu'il ne puisse engendrer des m��chants comme lui. Mais pour celui qui a expi�� avant l'heure, sois plein de mis��ricorde!

III
Il avait �� peine seize ans, et d��j�� il savait habiller le mensonge de la robe de la v��rit��. C'est dire qu'il ��tait homme. Et comme il avait de l'audace et que les filles des tribus le trouvaient beau, il profitait de ces avantages pour semer le d��sordre. Il se glissait entre les coeurs et les s��parait.
Longtemps on ignora ses intrigues, car il fut assez habile pour les tenir secr��tes: seulement de vagues soup?ons planaient.
C'est sur ces entrefaites que son p��re, Ahmed-ben-Rahan, cheik aux Ouled-Ascars, fraction des Ouled-Sidi-Abid, prit sa quatri��me ��pouse.
La deuxi��me et la troisi��me ��taient mortes depuis plus d'un an, et la premi��re, la m��re de Mansour, rest��e seule, avait dit au cheik:
--Seigneur, je suis fatigu��e; je me fais vieille car j'ai bient?t trente-cinq ans et depuis vingt je te sers, fid��le, laborieuse et soumise; je t'ai toujours gard�� pr��cieusement ce que Dieu ordonne �� la femme de garder �� son ��poux et tu n'eus jamais contre moi un sujet de plainte.
Dieu a b��ni ma couche, car je t'ai donn�� pour fils le plus beau et le plus fier gar?on des Ouled-Ascars. Maintenant, voici: j'ai besoin de repos. Je serai toujours ta servante et ton ��pouse. Mais je te prie, prends-en une autre qui m'aide �� aplanir ta vie. Prends-la belle, pour qu'elle r��jouisse ta vue; jeune et forte, pour qu'elle puisse longtemps te servir.
Et le cheik choisit une toute jeune fille du pays des Beni-Mzab aux plaines sablonneuses, qui n'avait pas encore vu quatorze fois fleurir les palmiers. Ses l��vres avaient la couleur des grenades rouges et ses yeux le reflet des lames des yatagans tir��s au soleil.
Elle s'appelait Meryem.

IV
D��s qu'il vit cette douce ��toile briller sous la tente paternelle, Mansour sentit son coeur s'amollir; et quand pour la premi��re fois elle laissa tomber devant lui le voile de sa face, il crut contempler une des houris que le Proph��te promet aux ��lus.
Il sortit tout agit�� de la tente et s'en alla, marchant sans savoir o��. Il voulait cacher �� tous son trouble, car il craignait qu'on ne l?t sur son front les pens��es qui l'agitaient.
Le lendemain, il dit �� Kradidja, sa m��re:
--M��re, il faut que je parte d'ici.
--Pourquoi? tu ne peux quitter la tente au moment o�� vient d'entrer une h?tesse nouvelle. Les noces ne sont pas finies et tu parles de partir? Veux-tu donc irriter ton p��re, qui supposera que l'��trang��re s'est attir�� ta malveillance?
--Qui pourrait croire une telle chose! Oh! plut �� Dieu, ma m��re, que tu me trouves une pareille ��pouse.
--Je te trouverai mieux, dit-elle.
Mais il secoua la t��te.
Alors elle le regarda attentivement. Ce fils, elle l'aimait et l'admirait; c'��tait sa joie et son orgueil et elle avait pour lui toutes les coupables faiblesses des m��res.
D��j�� plus d'une fois, elle avait entendu quelques propos des ��quip��es de Mansour, lorsque les femmes vont �� la fontaine et se racontent les choses que les maris doivent ignorer; elle ��coutait les r��cits et les plaintes et souriait.
Elle pensait dans son maternel ��go?sme:
--Qu'il n'arrive rien de facheux �� l'enfant; les autres, c'est leur affaire. Dieu veille sur tous; chacun veille sur soi.
Et jamais �� son fils elle n'adressa un reproche; jamais elle ne dit au p��re: ?Ton a?n�� suit une mauvaise voie.?
Mais cette fois, elle eut peur et, prenant la t��te du jeune homme dans ses mains, l'attira sous ses l��vres:
--Enfant, oui, je le vois, il faut que tu partes. Tu iras t'asseoir sous la tente de mon fr��re, le ca?d Abdallah; il t'inscrira au nombre des cavaliers de son goum et s'il pla?t ��
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