L'abîme
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Title: L'abîme
Author: Charles Dickens and Wilkie Collins
Translator: Madame Judith de la Comédie Française
Release Date: March 27, 2006 [EBook #18059]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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Charles Dickens et Wilkie Collins
L'ABÎME
Roman anglais traduit avec l'autorisation de l'auteur par Madame Judith
de la Comédie Française
Nouvelle édition Librairie Hachette et Cie.
1918
Table des matières
OUVERTURE.
PREMIER ACTE. Le rideau se lève. La femme de charge entre. La
femme de charge parle. Nouveaux personnages en scène. Sortie de
Wilding.
DEUXIÈME ACTE. Vendale se déclare. Vendale se décide.
TROISIÈME ACTE. Dans la vallée. Sur la montagne.
QUATRIÈME ACTE. L'horloge de sûreté. Victoire d'Obenreizer. Le
rideau tombe.
OUVERTURE.
Quel jour du mois et de l'année? Le 13 Novembre 1835. Quelle heure?
Dix heures du soir sonnant à la grande horloge de St. Paul.
En même temps toutes les églises de la ville ouvrent leurs gosiers de
bronze et forcent leurs voix. Quelques-unes ont inconsidérément
commencé de chanter avant la Cathédrale; d'autres n'y vont pas si vite
et sont en retard de quatre, de six coups sur la grosse cloche. Cependant
toutes se suivent d'assez près pour laisser ensemble dans l'air une même
résonance longue et plaintive. On dirait que le père ailé qui dévore ses
enfants décrit une courbe retentissante, avec sa faux gigantesque,
au-dessus de la Cité.
Quelle est cette cloche plus sourde et plus triste que toutes les autres,
plus proche aussi de notre oreille?... Ce soir-là elle retarde si fort que
ses vibrations persistent seules, longtemps après que tout autre son s'est
éteint dans l'air. C'est la cloche de l'Hospice des Enfants Trouvés.
Jadis les enfants y étaient reçus sans enquête. Un tour pratiqué dans la
muraille s'ouvrait et se refermait discrètement. Il n'en est plus ainsi
aujourd'hui. On prend des informations sur les pauvres petits hôtes, on
les reçoit par faveur des mains de leurs mères. Ces malheureuses mères
doivent renoncer à les revoir, à les réclamer même, et cela pour jamais!
Ce soir, la lune est dans son plein, la nuit est assez douce. La journée
n'a pourtant pas été belle; la boue épaissie par les larmes du brouillard
recouvre les rues d'une couche noirâtre, et, certes, il faut, pour éviter
l'atteinte pénétrante, que la dame voilée qui se promène de long en
large soit bien et solidement chaussée.
Elle marche évitant la place des fiacres; on la voit s'arrêter de temps en
temps dans l'ombre de la partie occidentale de ce grand mur
quadrangulaire, le visage tourné vers une petite porte dérobée.
Au-dessus de sa tête se déploie le ciel pur, éclairé par cette lune
brillante, les souillures du pavé s'étendent sous ses pas, et son esprit est
divisé entre des pensées bien différentes, les unes presque heureuses,
les autres cruelles. Son coeur ne lui parle point le même langage que
l'expérience impitoyable; l'empreinte de ses pieds se succédant aux
mêmes places dans cette boue noire a fini par y tracer comme un
labyrinthe: ne serait-ce point là l'image de sa vie, des obstacles que le
hasard a dressés devant elle, et du dédale inextricable où ses fautes l'ont
engagée?
La porte dérobée s'ouvrit alors, et une jeune femme sortit de l'Hospice.
La dame voilée se tint d'abord à l'écart, observant de tous ses yeux.
Ayant vu la porte se refermer elle se mit à suivre la jeune femme.
Elles traversèrent ainsi deux rues en silence. La dame voilée, enfin,
étendit la main vers celle qu'elle suivait et la toucha. La jaune femme
s'arrêta, tout effrayée et se retourna.
--Vous m'avez déjà touchée hier soir,--s'écria-t-elle,--et, lorsque j'ai
tourné la tête, vous avez refusé de me parler. Pourquoi me suivez-vous
comme un fantôme?
--Je n'ai pas refusé de vous parler,--murmura la dame.--J'ai bien essayé
de le faire; mais alors je n'ai pu....
--Que voulez-vous de moi?... Je ne vous ai jamais fait de mal?
--Jamais.
--Je ne crois pas vous connaître?
--Vous ne me connaissez pas.
--Que puis-je donc, pour vous être utile?
--Il y a deux guinées dans ce papier. Acceptez mon pauvre petit présent,
et je vous le dirai.
La jeune femme, qui avait bien le plus honnête visage du monde, rougit
vivement.
--Je suis Sally,--dit-elle.--Dans ce grand établissement, auquel
j'appartiens, il n'y a pas une grande personne ni un enfant qui n'ait
toujours une bonne parole pour Sally. On n'aurait pas pris une si bonne
opinion
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