assez?Contre qui depuis peu leurs traits se sont lancez,?Ils vous diront qu'un Roy jeune, amoureux & brave?Prefere à ses grandeurs la qualité d'esclave,?Et qu'il trouve ses fers si charmans & si doux?Qu'il semble ne vouloir regner qu'avecque vous.?Oüy Madame le Roy vous ayme, il vous adore,?Et je viens demander la grace qu'il implore;?Qu'une injuste rigueur ne l'y refuse pas,?Considerez qu'un Sceptre a de puissans appas,?Et qu'il ne sied pas bien de faire l'inhumaine?Quand il s'agist d'un tr?ne, & du tiltre de Reyne.
CHYMENE.
Ah! qu'il te sied bien moins de troubler mon repos?Par les traits odieux d'un si lasche propos:?Perfide as-tu si peu de honte, & de courage?Que de ne pas rougir me tenant ce langage,?As-tu mis en oubly la gloire de tes fers,?Ne te souvient-il plus que je les ay soufferts,?Et mesme quelquesfois pour soulager tes peynes?Que ma main pitoyable a soustenu tes chaisnes,?Toutesfois coeur ingrat & sans ressentiment?Apres avoir porté la qualité d'Amant?Tu parles pour un autre, & tu veux que mon ame?Re?oive en ta faveur les ardeurs de sa flame,?Ah! que tu monstre bien par ce tour desloyal?Combien le Cid avoit un indigne Rival,?Puisque tu ne s?aurois te conserver la gloire?D'avoir long-temps au moins disputé la victoire.
DOM SANCHE.
Si je croyois, Madame, en cette occasion?Qu'il vous restast pour moy quelque inclination?Et que l'impression de ma flame passée?Ne fust pas tout à fait de vostre ame effacée,?Je ne parlerois plus des hommages d'un Roy,?La voix dont il se sert vous parleroit pour moy,?Et je vous ferois voir par ma perseverance?Combien je cherirois cette heureuse esperance.
CHYMENE.
Quoy traistre que je t'ayme, ah le noble dessein,?Je plongerois plustost un poignard dans mon sein:?Que cette vanité n'entre pas dans ton ame,?Je ne receus jamais de si honteuse flame,?Et pour ne point souffrir un si lasche vainqueur?J'employrois cette main pour m'arracher le coeur.?Quoy Dom Sanche as-tu bien l'audace de pretendre?A ce prix glorieux que tu n'as pu deffendre??Ne te souvient-il plus de ce fameux duel?Qui te fit recevoir un affront solemnel,?Quand on te contraignit de m'apporter l'espée?Pour moy contre le Cid vainement occupée,?Est-ce pour avoir faict cette belle action?Que tu pretens encore à mon affection??Est-ce pour ce sujet qu'il faut qu'on te prefere?A ce noble Guerrier que l'Espagne revere,?Parle raconte moy quelques-uns de tes faits?Dy que par ta valeur les Mores sont deffaits?Qu'au seul bruit de ton nom tout se rend, & tout cede,?Que tu remplis d'effroy l'Arragon & Tolede?Que ton bras avec eux est l'appuy de l'Estat?Et que l'Espagne enfin te doit tout son esclat,?Alors, si ce discours se treuve veritable?Dom Sanche asseurément tu me seras aymable?Les Roys au prix de toy me seront odieux?Et tu me seras cher à l'esgal de mes yeux.
DOM SANCHE.
Je ne suis pas, Madame, en ce point d'arrogance?Que de m'attribuer cette haute vaillance?Je borne mes desseins à de moindre effets?Les Mores par mon bras n'ont pas esté deffaits.?Il ne fit jamais rien capable de vous plaire?Mais il ne fume pas du sang de vostre pere.
CHYMENE.
Quoy ta rage inhumain ne se peut arrester??Et tu te plais encore à me persecuter??Ne te lasses-tu point de voir couler mes larmes,?Tien traistre de mon sang tu peux teindre tes armes?Et me faire mourir avec moins de rigueur?Que par ce coup mortel dont tu frappes mon coeur.?Acheve ingrat acheve, assouvis ton envie?Vange toy de ta honte aux despens de ma vie,?Et cesse d'outrager avecque tes discours?Celuy dont les bontez ont espargné tes jours.
DOM SANCHE.
Disant la verité, je ne faits point d'outrage?Et ce discours n'est pas un effet de ma rage?Je ne parlay jamais d'un jugement plus sain?Vostre projet est beau, mais vostre espoir est vain?Aux volontez d'un Roy vous vous monstrez rebelle?Et vous ne croyez pas ce grand Cid infidelle,?Bien que vous soyez seule en toute cette Cour?Qui n'ait oüy parler de ce nouvel Amour.?Son objet est Cheriffe Infante de Cordou??Luy mesme ouvertement dans ses lettres l'advou??Et la depeint au Roy d'un pinceau si charmant?Qu'on void qu'il en est moins, l'ennemy que l'Amant.
CHYMENE.
Hé bien laisse venir cette superbe Infante,?Qu'au lieu d'estre captive elle soit triomphante,?Que le Cid soit vaincu comme victorieux?Pourveu que ton objet s'esloigne de mes yeux?Avec plus de constance, & moins d'inquietude?J'attendray les effets de son ingratitude,?Retire toy de grace & m'accorde ce point?Que tes soins desormais ne m'importunent point,?Exerce ton adresse en de meilleurs offices?Ne te travaille plus à croistre mes supplices,?Et quitte sans contrainte une commission?Qui trahit ton honneur & ta condition.
DOM SANCHE.
Lorsque je sers mon Roy je ne crains point de blame,?Mais brisons ce discours, je vous laisse Madame.?Le temps vous fera mieux digerer mes advis,?Cependant je me tais, & je vous obe?s.
[Il sort.]
SCENE QUATRIESME.
CHIMENE seule.
Enfin que dois-je faire, & que dois-je resoudre?Si de tous les costez j'entens gronder la foudre?Et si pour m'affliger mon mal-heur a permis?Qu'on m'ait mesme logée entre mes ennemis.?Ah grand & brave Cid si tu s?avois la peyne?Qu'à ton occasion endure ta Chimene,?Et combien de
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