Shakspeare a pris les maximes qu'il professe assez commun��ment en faveur du droit divin et du pouvoir absolu. Shakspeare les a prises ordinairement dans ses personnages m��mes; et il lui suffisait ici d'avoir �� peindre un roi ��lev�� sur le tr?ne. Richard n'a jamais imagin�� qu'il f?t ou p?t ��tre autre chose qu'un roi; sa royaut�� fait �� ses yeux partie de sa nature; c'est un des ��l��ments constitutifs de son ��tre qu'il a apport�� avec lui en naissant, sans autre condition que de vivre: comme il n'a rien �� faire pour le conserver, il n'est pas plus en son pouvoir de cesser d'en ��tre digne que de cesser d'en ��tre rev��tu: de l�� son ignorance de ses devoirs envers ses sujets, envers sa propre s?ret��, son indolente confiance au milieu du danger. Si cette confiance l'abandonne un instant �� chaque nouveau revers, elle revient aussit?t, doublant de force �� mesure qu'il lui en faut davantage pour suppl��er aux appuis qui s'��croulent successivement. Arriv�� enfin au point o�� il ne lui est plus possible d'esp��rer, le roi s'��tonne, se regarde, se demande si c'est bien lui. Une autre esp��ce de courage s'��l��ve alors en lui; c'est celui que donne un malheur tel que l'homme qui le subit s'exalte par la surprise o�� le plonge sa propre situation; elle devient pour lui l'objet d'une si vive attention qu'il ose la consid��rer sous tous ses rapports, ne f?t-ce que pour la comprendre; et par cette contemplation il ��chappe au d��sespoir, et s'��l��ve quelquefois �� la v��rit��, dont la d��couverte calme toujours �� un certain point: mais ce calme est st��rile, et ce courage inactif; il soutient l'esprit, mais il tue l'action: aussi toutes les actions de Richard sont-elles de la derni��re faiblesse; ses r��flexions m��mes sur son ��tat actuel d��c��lent un sentiment de sa nullit�� qui descend, en de certains moments, presque �� la bassesse: et qui pourrait le relever, lui qui, en cessant d'��tre roi, a perdu, dans sa propre opinion, la qualit�� distinctive de son ��tre, la dignit�� de sa nature? Il se croyait pr��cieux devant Dieu, soutenu par son bras, arm�� de sa puissance; d��chu de ce rang myst��rieux o�� il s'��tait plac��, il ne s'en conna?t plus aucun sur la terre; d��pouill�� de la force qu'il croyait son droit, il ne suppose pas qu'il lui en puisse rester aucune: aussi ne r��siste-t-il �� rien; ce serait essayer ce qu'il suppose impossible: pour r��veiller son ��nergie, il faut qu'un danger pressant, soudain, provoque, pour ainsi dire, �� son insu, des facult��s qu'il d��savoue: attaqu�� dans sa vie, il se d��fend et meurt avec courage. Pour en avoir eu toujours, il lui a manqu�� de savoir ce que vaut un homme.
Il ne faut point chercher dans Richard II, non plus que dans la plupart des pi��ces historiques de Shakspeare, un caract��re de style particulier: la diction en est peu travaill��e; assez souvent ��nergique, elle est souvent aussi d'un vague qui laisse la raison absolument ma?tresse de d��cider sur le sens des expressions, que ne d��termine aucune r��gle de syntaxe.
Cette pi��ce est toute en vers, et en grande partie rim��e. L'auteur para?t y avoir fait des changements depuis la premi��re ��dition, publi��e en 1597. La sc��ne du proc��s de Richard, en particulier, manque tout enti��re dans cette ��dition, et se trouve pour la premi��re fois dans celle de 1608.
LA VIE ET LA MORT du ROI RICHARD II
TRAG��DIE
PERSONNAGES
LE ROI RICHARD II. EDMOND DE LANGLEY, } duc d'York, } oncles du JEAN DE GAUNT, duc de } roi. Lancastre. } HENRI, surnomm�� BOLINGBROKE, duc d'Hereford, fils de Jean de Gaunt, ensuite roi d'Angleterre sous le nom de Henri IV. LE DUC D'AUMERLE, fils du duc d'York. MOWBRAY, duc de Norfolk. LE DUC DE SURREY. LE COMTE DE SALISBURY. LE COMTE DE BERKLEY[1]. BUSHY, } BAGOT, } cr��atures du roi Richard. GREEN, } LE COMTE DE NORTHUMBERLAND. HENRI PERCY, fils de Northumberland. LORD ROSS. LORD WILLOUGHBY. LORD FITZWATER. L'��V��QUE DE CARLISLE. L'ABB�� DE WESTMINSTER. LE LORD MAR��CHAL. SIR PIERCE D'EXTON. SIR ��TIENNE SCROOP. LE CAPITAINE d'une bande de Gallois. LA REINE, femme de Richard. LA DUCHESSE DE GLOCESTER. LA DUCHESSE D'YORK. Dames de la suite de la reine. Lords, h��rauts, officiers, soldats, deux jardiniers, un gardien, un messager, un valet d'��curie, et autres personnes de suite.
[Note 1: On remarque que ce titre de comte de Berkley, donn�� �� lord Berkley, est un anachronisme, et que les lords Berkley ne furent faits comtes que dans un temps tr��s-post��rieur �� celui de Richard.]
La sc��ne se passe successivement dans plusieurs parties de l'Angleterre et du pays de Galles.
ACTE PREMIER
SC��NE I.
Londres.--Un appartement dans le palais.
Entrent LE ROI RICHARD avec sa suite, JEAN DE GAUNT et d'autres nobles avec lui.
RICHARD.--Vieux Jean de Gaunt, v��n��rable Lancastre, as-tu, comme tu t'y ��tais engag�� par serment, amen�� ici ton fils, l'intr��pide Henri
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