La réforme postale en France | Page 9

M. Barrillon
arriérée pour la réalisation de ces améliorations utiles, c'est tout récemment seulement qu'elle en a été dotée. Enfin, depuis près de deux siècles, l'Angleterre a concentré toute son énergie, toute sa politique, toutes ses forces vitales au développement de ses industries et de son commerce, tandis que la France était à peu près exclusivement occupée de politique. Les motifs qui excitent la multiplication et l'activité de circulation des lettres ont donc agi plus t?t, mais leur énergie a cessé plus t?t aussi en Angleterre qu'en France. Dès l'année 1826, les produits bruts des postes sont restés à peu près stationnaires en Angleterre, tandis que ces mêmes produits, en France, s'accroissaient un peu encore de 1838 à 1846. Mais bient?t sans doute, si elles étaient maintenues, les taxes excessives causeraient en France les mêmes effets qu'elles ont causé en Angleterre; les produits des postes ne s'augmenteraient plus, peut-être même de nouveaux perfectionnements seraient-ils impuissants à empêcher ces produits de décro?tre.
L'Angleterre, toujours attentive et intelligente pour sauvegarder ses intérêts, ne tarda pas à reconna?tre qu'elle était dans une fausse voie. Sa résolution fut prompte et énergique: vers l'année 1839, elle substitua, au tarif énorme et compliqué de 1827, un tarif unique et très modéré représenté dans le tableau suivant:
TARIF DE 1839.
--------------------------------------------------- |DISTANCES. | LETTRE SIMPLE. | |-------------------------|-------------------------| | | f. c. | | Tout le Royaume-uni. | ?, 10 | ---------------------------------------------------
Toutefois cette importante réforme ne fut pas effectuée sans avoir d? surmonter de puissants obstacles. Quelques esprits systématiques, certaines susceptibilités vaniteuses firent une opposition acharnée contre l'adoption du nouveau système. Heureusement cette grave question eut pour défenseur principal M. Rowland Hill, homme aussi courageux que distingué, dont la persistance réussit enfin, après une longue lutte, à emporter le succès.
M. Rowland Hill, avait été le premier à éveiller l'attention de l'Angleterre, sur la nécessité d'abaisser les taxes per?ues dans ce pays par l'administration des postes. Il eut la gloire et le bonheur de faire adopter la taxe unique qu'il avait proposé de substituer au tarif multiple et démesuré dont il avait démontré les funestes effets.
Pour complément des avantages importants offerts au public par son nouveau tarif, la proposition de M. Rowland Hill comportait et eut pour effet d'autres remarquables améliorations.
Le poids maximum d'une lettre simple avait été jusqu'alors fixé à la parité approximative de 7 grammes et demi, comme en France; ce poids fut élevé à 15 grammes.
Une autre innovation non moins utile fut introduite en même temps dans le service. L'administration vendit au public des enveloppes timbrées, et des timbres volants, par l'emploi desquels toute lettre put être affranchie sans que l'envoyeur fut obligé de se transporter dans les bureaux du post-office. Le public adopta avec empressement ce nouveau système. Les timbres volants, qui furent et sont encore généralement préférés aux enveloppes timbrées, consistent en un petit carré de papier, représentant une effigie de la reine. Ces timbres sont enduits, au verso, d'une couche de gomme. Pour s'en servir, on humecte cette gomme et on colle le timbre sur l'extérieur de la lettre, qui se trouve ainsi affranchie de l'obligation de payer le port au moment de l'arrivée. L'administration des postes annule les timbres ainsi employés en couvrant la moitié de leur surface par un contre timbre spécial. L'utilité et la certitude d'emploi de ces timbres volants furent tellement appréciées en Angleterre, qu'on en fit une sorte de papier monnaie admis partout comme espèces.
Ces perfectionnements heureux produisirent d'excellents résultats. En même temps que le public fut servi à bien plus bas prix, il fut aussi servi plus vite. Le travail de la taxation des lettres fut considérablement abrégé par la simplification de la taxe. Il ne s'agissait plus en effet, pour l'employé, que d'apprécier le poids de la lettre, pour en fixer le port. Pesait-elle 15 ou 30 ou 45 ou 60 grammes, et, selon l'un ou l'autre de ces poids, la taxe devait-elle être doublée ou triplée ou quadruplée ou quintuplée? à cela se bornait l'examen. Le service de distribution devint aussi beaucoup plus commode et beaucoup plus prompt. La majeure partie des lettres étant affranchie, le facteur n'avait plus qu'à frapper à la porte du destinataire pour avertir qu'il déposait une lettre dans la bo?te affectée à cet usage. Il ne devait plus annoncer le co?t du port, en attendre et en vérifier le paiement. Sous ces rapports le succès dépassa ce qu'on avait espéré.
Toutes ces intelligentes améliorations devaient être le résultat de l'adoption du système proposé par M. Rowland Hill. Il semble qu'il suffisait de les indiquer pour en faire comprendre la certitude et la valeur; cependant ce système eut de la peine à prévaloir. Les opposants se cramponnèrent surtout à une objection, à leur avis, toute puissante; ils poussèrent des cris d'alarme sur les pertes énormes que la taxe nouvelle, si inférieure aux taxes anciennes, causerait au trésor
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