pour nous rendre à Auxerre où nous savions le préfet instruit de notre mission. A Seignelay, cette mauvaise recommandation nous causa des ennuis sérieux et une perte de temps sensible; nos bagages furent visités et la foule mal prévenue se montrait hostile. Nous quittames ce pays escortés par un détachement de la garde nationale qui nous conduisit jusqu'à Monéteau, où une nouvelle escorte nous attendait. Nous devons dire cependant à la louange du capitaine de la garde nationale de Monéteau, dont nous avons le regret de ne pas conna?tre le nom, que non-seulement il nous donna protection, mais encore qu'il mit à notre disposition sa voiture et des couvertures pour nous garantir d'un temps affreux, et nous conduisit avec ses hommes chez M. le préfet d'Auxerre, où nous arrivames à onze heures du soir brisés de fatigue et d'émotions. Le préfet nous fit conna?tre qu'il venait de recevoir de la délégation de Tours l'ordre de nous y envoyer. A Nevers, nouveau télégramme de M. le ministre Gambetta, nous enjoignant d'arriver sans délais et de toute urgence.
Le 21 novembre, nous arrivions enfin à Tours à huit heures du matin, et nous nous présentions immédiatement chez M. Gambetta. M. Fernique, qui avait pu gagner Tours avant nous, y fut mandé aussit?t. Nous f?mes prendre connaissance de notre traité du 10 novembre, avec M. Rampont, directeur général des postes, signé par M. Picard, ministre des finances. La délégation sur les avis de M. Barreswil, l'éminent chimiste, avait eu aussi l'idée de réduire les dépêches photographiquement par les procédés ordinaires. Dans cette vue la délégation avait décrété le 4 novembre l'organisation d'un service analogue.
M. Blaise, photographe à Tours, avait commencé ce travail, mais sur papier. Il reproduisait deux pages d'imprimerie sur chaque c?té de la feuille. La finesse du texte était limitée par le grain et la pate du papier. Ce service commencé à Tours par la délégation ne donnait pas toute satisfaction, puisque du 26 octobre au 12 novembre, jour de mon départ, Paris n'avait re?u aucun message par pigeon.
Mis en demeure par M. Stéenackers, directeur des télégraphes et des postes de la délégation, de fournir un spécimen de ma photomicroscopie sur pellicule, l'exemplaire que je produisis fut trouvé tout à fait satisfaisant et la photographie sur papier fut abandonnée pour les dépêches. Ma pellicule, outre son extrême légèreté, présentait l'immense avantage de ne poser en moyenne que deux secondes, tandis que le papier nécessitait plus de deux heures, vu la mauvaise saison; de plus, sa transparence donnait un excellent résultat à l'agrandissement qui se faisait à Paris au moyen de la lumière électrique.
Aidé par mes collaborateurs j'organisai immédiatement le travail de la reproduction des dépêches officielles et privées, qui devait être si utile à la défense nationale et aux familles. A partir de ce moment, je fus seul à les exécuter sous le contr?le éclairé de M. de Lafollye, inspecteur des télégraphes, chargé par la délégation du service des dépêches par pigeons voyageurs. Sur ses avis le travail originaire fut modifié, et le résultat, eu égard au peu de matériel que nous avions pu sauver, fut une production plus rapide et plus économique.
Les journaux ayant fait conna?tre que les Prussiens s'étaient emparés d'une grande partie de mon matériel, je me fais plaisir de dire ici que M. Delezenne, et M. Dreux, agent de change à Bordeaux, tous deux amateurs distingués de photographie, offrirent avec empressement à l'administration des appareils semblables à ceux que je possédais, et ils furent mis à ma disposition.
Le stock des dépêches fut promptement écoulé. Je suis heureux de pouvoir affirmer qu'activement secondé par mes collaborateurs, aucun retard ne s'est produit dans mon travail; mais le déplacement de la délégation et surtout le froid intense qui paralysait les pigeons ont créé de sérieuses difficultés.
Lorsque rien n'entravait le vol de ces intéressants messagers, la rapidité de la correspondance était vraiment merveilleuse. Je puis pour ma part en citer un exemple.
Manquant de certains produits chimiques, notamment de coton azotique que je ne pouvais me procurer à Bordeaux, je les demandai par dépêche-pigeon le 18 janvier à MM. Poullenc et Wittmann, à Paris, en les priant de me les expédier par le premier ballon partant. Le 24 janvier les produits étaient rendus à mes ateliers à Bordeaux. Le pigeon n'avait mis que douze heures pour franchir l'espace de Poitiers à Paris. La télégraphie ordinaire et le chemin de fer n'eussent pas fait mieux.
Les dépêches officielles ont été exécutées avec une rapidité surprenante. M. de Lafollye nous les remettait lui-même à midi, et le même jour à cinq heures du soir, malgré une saison d'hiver exceptionnellement mauvaise, dix exemplaires étaient terminés et remis à l'administration. Nous en avons fait ainsi treize séries sans être une seule fois en retard. Les dépêches privées étaient exécutées dans les mêmes conditions. Le travail était considérable, car,
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