embarrass�� de dire si la philosophie a pour objet la d��couverte de l'existence absolue, d'o�� les sciences doivent ��tre d��duites �� leur tour;[16] ou si son objet est la syst��matisation et la coordination des sciences.[17] Il n'est pas philosophe de profession; son g��nie n'a pas de syst��me. ?Le g��nie, au sens le plus ��tendu du mot, c'est la f��condit�� de l'esprit, c'est la puissance d'organiser des id��es, des images ou des signes, spontan��ment, sans employer les proc��d��s lents de la pens��e r��fl��chie, les d��marches successives du raisonnement discursif.?[18] Mais une philosophie ne se compose pas simplement de faits, d'images, d'id��es et d'observations, il faut �� ces faits, �� ces id��es, une liaison, il faut que l'esprit en saisisse les connexions et les rapports, d'o�� se d��duit la v��rit�� philosophique, l'unit�� scientifique. C'est pr��cis��ment cette liaison que je m'impose de d��terminer dans le th��atre d'Ibsen.
Comme l'a si bien dit M. Emile Boutroux[19], �� propos de mon ouvrage _La Philosophie de Tolsto?,_ je ?cherche moins les doctrines m��thodiquement d��duites par les philosophes de profession que les pens��es n��es en quelque sorte spontan��ment dans les ames d'��lite au contact de la vie et des r��alit��s; je vise moins �� expliquer le d��tail des doctrines qu'�� en d��couvrir l'unit�� et �� en marquer l'esprit?.
Le but de cet ouvrage est d'��tablir une harmonie dans les id��es que le po��te norv��gien ��met dans ses drames, de les d��velopper, de leur donner une forme synth��tique. Ai-je r��ussi? Feci quod potui. ?La conscience de l'��crivain doit ��tre tranquille d��s qu'il a pr��sent�� comme certain ce qui est certain, comme probable ce qui est probable, comme possible ce qui est possible.?[20]
Avant de passer aux h��ros d'Ibsen, jetons un regard sur sa propre vie: l'homme nous fera mieux comprendre le penseur.
NOTES:
[1] D��g��n��rescence, t. II, p. 176. Traduction fran?aise. Paris, F. Alcan.
[2] Ibid. p. 291.
[3] Voltaire. Candide, p. 100.
[4] Voir notre analyse de cet ouvrage, Revue philosophique, f��vrier 1898.
[5] Auguste Ehrhard. Henrik Ibsen et le th��atre contemporain, p. 2.
[6] Anatole France. L'Abb�� G��r?me Coignard, p. 12.
[7] Emile Boutroux. Etudes d'histoire de la philosophie, p. 9. Paris, F. Alcan.
[8] J. Jaur��s. De la r��alit�� du monde sensible, p. 2. Paris, F. Alcan.
[9] Oeuvres de Descartes. Discours de la m��thode, ��dition de Victor Cousin, p. 124.
[10] Ibsen. Brand.
[11] ?Kun beder jeg Demerindre, at de i mine Skuespil fremkastede Tanker hidr?rer fra mine dramatiske Personer, der ?dtaler dem, og ikke i Form eller Indhold ligefrem fra mig.?.... Lettre dat��e de Christiania, 19 f��vrier 1899.
[12] Edouard Rod. Nouvelles ��tudes sur le XIXe si��cle, p. 145 et 146.
[13] Victor Hugo, La L��gende des si��cles, XLVII.
[14] Platon. Lois, liv. III et IV.
[15] M. Prozor. Pr��face �� la trad. fr. du Petit Eyolf, p. xxv.
[16] Hegel.
[17] Auguste Comte.
[18] G. S��ailles. Le G��nie dans l'art, p. 2.
[19] S��ance de l'Acad��mie des sciences morales et politiques, 23 juillet 1899. Travaux de l'Acad��mie, novembre 1899, p. 486 et suiv.
[20] Renan. L'Ant��christ, pr��face, p. vii.
* * * * *
LA VIE D'HENRIK IBSEN
La philosophie n'est pas une science comme une autre; il y reste toujours un ��l��ment personnel qu'on ne saurait n��gliger. Toute philosophie porte le nom d'un homme.
CHALLEMEL-LACOUR, Philosophie individualiste, p. ii.
CHAPITRE PREMIER
L'enfance d'Ibsen. La pharmacie de Grimstad. La r��volution hongroise. Christiania. L'��cole de Helmberg. La premi��re pi��ce d'Ibsen, Catilina. Ibsen, r��dacteur d'Andrimmer. Ses premi��res po��sies. Ibsen, metteur en sc��ne du th��atre de Bergen (1851-1857) et directeur du th��atre de Christiania (1857-1862). Son mariage. La com��die de l'Amour. Le subside, le Digter gage, du Storthing norv��gien. La guerre entre le Danemark et la Prusse. L'exil. 1828-1864.
I
Henrik Ibsen naquit, le 20 mars 1828[1] �� Skien, province de T��lemarken o�� son bisa?eul, d'origine danoise, ��tait venu s'��tablir en 1726.
Patrie de Lammers, c��l��bre orateur protestant dont les pr��dications enflamm��es cr����rent un grand mouvement religieux en Norv��ge, Skien est consid��r�� comme le foyer du pi��tisme luth��rien.
Le p��re du dramaturge, commer?ant ais��, avait un caract��re expansif; sa m��re ��tait aust��re, d'humeur silencieuse, taciturne. La famille jouissait d'une consid��ration particuli��re dans cette petite ville de province. ?Notre maison, ��crit Ibsen, ��tait situ��e pr��s de l'��glise, remarquable par sa haute tour, �� droite se trouvait une potence; �� gauche, l'h?tel de ville, la prison avec un asile d'ali��n��s et deux ��coles. Partout des maisons, aucune verdure, aucun horizon libre. Mais dans l'air, un bruit sourd et formidable mugissait sans cesse; il ressemblait tant?t a des g��missements, tant?t �� de lugubres lamentations: c'��tait le murmure des cascades et le chant plaintif des scieries qui se trouvaient en dehors de la ville. Quand plus tard je lisais des histoires sur la guillotine, je pensais toujours �� ces scieries.
?L'��glise ��tait le plus joli batiment de la ville. Ce qui pr��occupait surtout mon imagination, c'��tait la lucarne, au bas du clocher; elle avait pour moi un sens myst��rieux; la premi��re impression consciente qu'elle produisit sur moi ne s'efface pas de ma m��moire. Je
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