les habitants de la contr��e; mais ne pouvant voir son visage, il ne pouvait deviner son nom. Il se pencha pour ?ter le mouchoir qui lui couvrait la face; puis s'arr��ta, la main tendue, retenu par une r��flexion.
Avait-il le droit de d��ranger quelque chose �� l'��tat du cadavre avant les constatations de la justice? Il se figurait la justice comme une esp��ce de g��n��ral �� qui rien n'��chappe et qui attache autant d'importance �� un bouton perdu qu'�� un coup de couteau dans le ventre. Sous ce mouchoir, on trouverait peut-��tre une preuve capitale; c'��tait une pi��ce �� conviction, enfin, qui pouvait perdre de sa valeur, touch��e par une main maladroite.
Alors, il se releva pour courir chez M. le maire; mais une autre pens��e le retint de nouveau. Si la fillette ��tait encore vivante, par hasard, il ne pouvait pas l'abandonner ainsi. Il se mit �� genoux, tout doucement, assez loin d'elle par prudence, et tendit la main vers son pied. Il ��tait froid, glac��, de ce froid terrible qui rend effrayante la chair morte, et qui ne laisse plus de doute. Le facteur, �� ce toucher, sentit son coeur retourn��, comme il le dit plus tard, et la salive s��ch��e dans sa bouche. Se relevant brusquement, il se mit �� courir sous la futaie vers la maison de M. Renardet.
Il allait au pas gymnastique, son baton sous le bras, les poings ferm��s, la t��te en avant; et son sac de cuir, plein de lettres et de journaux, lui battait les reins en cadence.
La demeure du maire se trouvait au bout du bois qui lui servait de parc et trempait tout un coin de ses murailles dans un petit ��tang que formait en cet endroit la Brindille.
C'��tait une grande maison carr��e, en pierre grise, tr��s ancienne, qui avait subi des si��ges autrefois, et termin��e par une tour ��norme, haute de vingt m��tres, batie dans l'eau.
Du haut de cette citadelle, on surveillait jadis tout le pays. On l'appelait la tour du Renard, sans qu'on s?t au juste pourquoi; et de cette appellation sans doute ��tait venu le nom de Renardet que portaient les propri��taires de ce fief rest�� dans la m��me famille depuis plus de deux cents ans, disait-on. Car les Renardet faisaient partie de cette bourgeoisie presque noble qu'on rencontrait souvent dans les provinces avant la R��volution.
Le facteur entra d'un ��lan dans la cuisine o�� d��jeunaient les domestiques, et cria: ?Monsieur le maire est-il lev��? Faut que je li parle sur l'heure.? On savait M��d��ric un homme de poids et d'autorit��, et on comprit aussit?t qu'une chose grave s'��tait pass��e.
M. Renardet, pr��venu, ordonna qu'on l'amenat. Le pi��ton, pale et essouffl��, son k��pi �� la main, trouva le maire assis devant une longue table couverte de papiers ��pars.
C'��tait un gros et grand homme, lourd et rouge, fort comme un boeuf, et tr��s aim�� dans le pays, bien que violent �� l'exc��s. Ag�� �� peu pr��s de quarante ans et veuf depuis six mois, il vivait sur ses terres en gentilhomme des champs. Son temp��rament fougueux lui avait souvent attir�� des affaires p��nibles dont le tiraient toujours les magistrats de Ro��y-le-Tors, en amis indulgents et discrets. N'avait-il pas, un jour, jet�� du haut de son si��ge le conducteur de la diligence parce qu'il avait failli ��craser son chien d'arr��t Micmac? N'avait-il pas enfonc�� les c?tes d'un garde-chasse qui verbalisait contre lui, parce qu'il traversait, fusil au bras, une terre appartenant au voisin? N'avait-il pas m��me pris au collet le sous-pr��fet qui s'arr��tait dans le village au cours d'une tourn��e administrative qualifi��e par M. Renardet de tourn��e ��lectorale; car il faisait de l'opposition au gouvernement par tradition de famille.
Le maire demanda: ?Qu'y a-t-il donc, M��d��ric?
--J'ai trouv�� une p'tite fille morte sous vot' futaie.?
Renardet se dressa, le visage couleur de brique:
--?Vous dites.... Une petite fille?
--?Oui, m'sieu, une p'tite fille, toute nue, sur le dos, avec du sang, morte, bien morte!?
Le maire jura: ?Nom de Dieu; je parie que c'est la petite Roque. On vient de me pr��venir qu'elle n'��tait pas rentr��e hier soir chez sa m��re. A quel endroit l'avez-vous d��couverte??
Le facteur expliqua la place, donna des d��tails, offrit d'y conduire le maire.
Mais Renardet devint brusque: ?Non. Je n'ai pas besoin de vous. Envoyez-moi tout de suite le garde champ��tre, le secr��taire de la mairie et le m��decin, et continuez votre tourn��e. Vite, vite, allez, et dites-leur de me rejoindre sous la futaie.?
Le pi��ton, homme de consigne, ob��it et se retira, furieux et d��sol�� de ne pas assister aux constatations.
Le maire sortit �� son tour, prit son chapeau, un grand chapeau mou, de feutre gris, �� bords tr��s larges, et s'arr��ta quelques secondes sur le seuil de sa demeure. Devant lui s'��tendait un vaste gazon o�� ��clataient trois grandes taches, rouge, bleue et blanche, trois larges corbeilles de fleurs ��panouies, l'une en face de
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