La mort de Brute et de Porcie | Page 4

Guyon Guérin de Bouscal
DE LA MORT
DE C?SAR.
ACTE PREMIER.
SCENE PREMIERE.
BRUTE, STRATON, & deux Chefs de l'armée de Brute.
BRUTE.
Qu'un Estat est mal sain dans le siecle où nous sommes,?Lors qu'il n'a pour soustien que le grand nombre d'hommes, Dont les desirs divers par de divers efforts?Au lieu de l'affermir desunissent son corps.?Que je l'esprouve bien dedans cét avanture.?L'un desire la paix escoutant la Nature,?Qui luy dit que ses fils condamnez à mourir?Avec ce seul moyen se peuvent secourir.?L'autre moins resolu de survivre en esclave,?Declame contre Anthoine, & favorise Octave,?Comme si nos fureurs avoient pour leur objet?Le vice des Tyrans & non pas leur projet.?Bref il en est bien peu que le seul honneur pique,?Qui ne soient animez que pour la Republique,?Et qui puissent gouster avec tranquilité,?Que nous devons mourir pour nostre liberté.?Je m'asseure pourtant que nos Dieux tutelaires?Ayment trop l'equité pour nous estre contraires,?Et pour ne pas punir l'insolent attentat?Que ces ambitieux ont fait sur nostre Estat.?Il faut tout esperer d'une juste entreprise,?Si l'honneur la produit, le Ciel la favorise;?Et l'on doit s'asseurer d'estre victorieux,?Quand le droict qu'on soustient est la cause des Dieux.?Les Dieux seuls sont nos Rois, jugeans qu'il n'est point d'homme, Qui puisse meriter leur Lieutenance à Rome,?Depuis que le Soleil n'esclaire rien d'humain?Qui ne doive tribut à l'Empire Romain?J'adore leurs Decrets, & mon ame flechie,?Se sous-met seulement à cette Monarchie;?Tout autre me desplait, & mon adversion?Vient d'un raisonnement exempt de passion;?Car un peuple sousmis aux volontez d'un Prince?Se descharge sur luy des soins de la Province,?Neglige sa valeur, cache ses actions,?Content de s'acquiter des obligations;?Parce que les exploits plus dignes de memoire,?Honorant le seul Chef, laissent l'Autheur sans gloire;?Qui voit apres avoir vaillament combatu,?Qu'un autre s'enrichit des fruicts de sa vertu.?Au lieu que sous les loix de la Democratie,?Chacun cherche l'honneur aux despens de sa vie,?Asseuré que toujours la generosité?S'y voit recompenser comme elle a merité.?Puis qu'à ce doux Estat notre bon-heur nous range,?Il faut mourir plustost que de souffrir le change.?Ha! si tous les Romains combattoient comme vous,?Que nostre Republique auroit un sort bien doux,?Et qu'on verroit bien tost les desseins & l'armée?De nos pretendus Rois se reduire en fumée.?Aussi la recompense égalant le bien-fait,?Rendra dans peu de temps vostre bon-heur parfait.
I. CHEF.
L'honneur de vous servir contre la tyrannie,?Couronne les Romains d'une gloire infinie,?Dont le moindre rayon nous récompense assez,?Des soins de l'advenir, & des travaux passez,
BRUTE.
Allez donc dans le Camp, dites aux Capitaines,?Qu'on doit bien tost finir mes soucis & leur peines,?Et que la liberté reprendra sa vigueur,?S'ils monstrent au combat qu'ils en ont dans le coeur.
SCENE II.
CASSIE, BRUTE, TITINE.
CASSIE.
Resolu qu'aujourd'huy la bataille se donne?
BRUTE.
Je croy que ce dessein ne déplaist à personne,?Et que les maux soufferts par le peuple Romain,?Nous preschent qu'il vaut mieux aujourd'huy que demain.
CASSIE.
Il me semble pourtant que tout nous peut permettre.?Sinon de l'eviter, au moins de la remettre,?Puis que tous nos amis n'ont point de sentimens?Pour s'opposer jamais à nos commandemens;?Et que les Citoyens touchez de mesme envie?Déposent en nos mains le soucy de leur vie.
BRUTE.
Un peuple va toujours, quelque aguerry qu'il soit,?A finir promptement les ennuis qu'il re?oit,?Aymant mieux pour treuver le repos desirable,?S'exposer aux dangers d'une fin lamentable,?Que de souffrir longs-temps au milieu des travaux,?La funeste rigueur d'une suite de maux,?Juge si nos Romains exilez de leur terre,?Et déja fatiguez d'une si longue guerre,?S?achant que le combat la doit faire cesser,?N'ont pas d'ardens desirs de le voir commancer.?Que si pourtant leur voix tesmoigne le contraire,?Elle dément leur coeur de peur de te déplaire.
CASSIE.
Il n'est rien de forcé dedans tous leurs discours.
BRUTE.
Le mal a trop duré, rompons icy son cours.?Cherchons nous le profit, ou bien la vaine gloire?De triompher des morts apres une victoire??Celle de ravager l'Empire des Romains,?Et de pouvoir agir avec cent mille mains??Non, un plus beau dessein nous fit prendre l'espée,?Nous voulons affranchir nostre terre occupée,?Restablir nos amis dans leur premier bon-heur,?Et monter au degré d'un souverain honneur,?Puis que l'occasion s'en offre si propice,?Faisons voir aujourd'huy quelle est nostre Justice,?Et que ses fiers tyrans percez de mille coups,?Asseurent pour jamais nos libertez & nous.
CASSIE.
Dans un si beau dessein mon ame interessée,?Par ton ressentiment explique ma pensée,?Tes desirs sont les miens, & celuy d'estre Roy?M'a toujours fait horreur aussi bien comme à toy;?Je ne le puis souffrir, Nature la premiere?M'inspira cette haine avecque la lumiere,?Ma raison la receut, & depuis nos sermens?En ont authorisé les justes mouvemens:?Mais je ne s?ay pourtant si cette impatience?D'aller voir l'ennemy, n'a point de l'imprudence,?Et si precipitant le dessein du combat,?Nous ne reculons point le bien de nostre Estat.
BRUTE.
Rome que ces meurtriers remplissent de carnage,?Nous demande secours, parle à nostre courage,?Et nous pouvons bien voir aux plaintes qu'elle fait,?Que le retardement le rendroit sans effet:?Ne le differons
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