se rayent de bandes d'or.
=À VÉRONE=
--Qu'ils sont raides à gravir, les escaliers des maisons des rois pour les
pieds fatigués des exilés comme moi! Et qu'il est salé, amer, le pain qui
tombe de la table de ce chien! Bien mieux m'eût valu mourir sur les
routes ensanglantées de la guerre, ou que ma tête fût suspendue sur la
porte de Florence, plutôt que vivre ainsi, dans la familiarité de tous les
êtres qui cherchent à salir l'essence de mon âme.
Maudis Dieu et meurs! Quel espoir est préférable à celui-ci? Il l'a
oublié parmi les plaisirs de sa cité d'or et de son jour éternel. Ah!
Silence! derrière les barreaux qui obscurcissent ma prison, je possède
ce que nul ne peut m'enlever, mon amour, et toute la gloire des étoiles.
=APOLOGIE=
Est-ce ta volonté que je grandisse et déchoie, que je troque mon drap
d'or contre de la bure grise, et qu'à ton gré je tisse cette toile de douleur
dont les fils les plus beaux sont autant de jours gaspillés?
Est-ce ta volonté,--Amour que j'aime si bien,--que la maison de mon
âme soit un lieu de torture où, pareils à de vils amants, souvent habitent
la flamme inextinguible, le ver qui ne meurt pas?
Ah! si c'est ta volonté que je souffre, et que je vende l'ambition au
banal marché, que je fasse du morne échec mon vêtement, et que la
souffrance creuse sa fosse au-dedans de mon coeur.
Peut-être est ce mieux ainsi. Du moins je n'ai pas fait de mon coeur un
coeur de pierre, ni sevré mon enfance de ses honnêtes joies, ni passé où
la Beauté est une chose inconnue.
Plus d'un homme a fait ainsi, essayé d'enclore de chaînes étroites l'âme
qui aurait dû être libre, foulé aux pieds la route poudreuse du sens
commun tandis que toute la forêt chante la liberté.
Ne prenant pas garde comment le faucon moucheté, dans son vol,
passait, l'aileron large à travers les hauteurs de l'air, là où quelque
montagne altière, qu'aucun pied n'avait encore foulée, accrocha les
dernières tresses de la chevelure du Dieu Soleil.
Ou comment la petite fleur qu'il avait cueillie, la pâquerette, cette
bouchée d'or aux blancs pétales, suivait de ses yeux pensifs le soleil
errant, satisfaite si parfois ses feuilles étaient auréolées.
Mais sûrement c'est quelque chose d'avoir été un instant le bien aimé,
d'avoir marché la main dans la main avec l'Amour et vu ses ailes de
pourpre s'envoler à travers ton sourire.
Oui, encore que les aspics à gorge de la passion se repaissent du coeur
de mon ami, j'ai brisé les barreaux, j'ai contemplé face à face la beauté,
connu réellement l'Amour qui met en mouvement le soleil et toutes les
étoiles.
=QUIA MULTUM AMAVI=
Cher Coeur, il me semble que le prêtre passionné, quand pour la
première fois il tire du mystérieux tabernacle son Dieu emprisonné
dans l'Eucharistie, et mange le pain, et boit le vin redoutable, n'éprouve
pas un plus religieux effroi que je n'en sentis lorsque pour la première
fois tombèrent en plein sur toi mes yeux éblouis, et lorsque pendant
toute la nuit je restai à genoux à tes pieds, jusqu'à ce que tu fusses lasse
d'idolâtrie.
Ah! si tu avais eu pour moi moins d'amitié et plus d'amour pendant tous
ces jours d'un été de joie et de pluie, je n'aurais pas aujourd'hui reçu en
héritage la peine, je ne serais pas devenu un valet dans la maison de
souffrance.
Pourtant, bien que le Remords, le sénéchal aux traits pâles qui sert
l'Amour, soit sur mes talons avec toute son escorte,--je suis très
heureux de t'avoir aimée,--je songe à tous les soleils qui font bleuir la
véronique.
=SILENTIUM AMORIS=
Ainsi que souvent le soleil trop resplendissant chasse la lune pâle,
malgré ses efforts, jusqu'en sa sombre grotte, avant même qu'elle ait
obtenu une seule ballade du rossignol,--ainsi ta Beauté rend mes lèvres
inhabiles et fait sonner faux mes chants les plus doux.
Et ainsi qu'à l'aurore, par-dessus la plaine de prairies, passera le vent
d'ailes impétueuses, qui de son trop rude baiser brise le roseau qui seul
pouvait servir d'instrument au chant. Ainsi mes passions trop orageuses
me travaillent sans règle, et l'excès d'amour rend mon amour muet.
Mais sûrement mes yeux t'ont montré, à toi, la raison de mon silence, et
du désaccord de mon luth, avant que notre séparation devînt fatale, et
nous fit partir, toi vers des lèvres vibrant d'une plus douce mélodie, et
moi pour évoquer le stérile souvenir de baisers non donnés, de chants
jamais chantés.
=SA VOIX=
L'abeille sauvage tournoie incertaine de branche en branche, sous son
vêtement de fourrure et son aile de gaze, dans la coupe d'un lis, ou met
en branle la cloche d'une jacinthe, dans sa course errante. Asseois-toi
plus près, amie. Ce fut
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