La guerre et la paix, Tome I | Page 8

Leo Nikoleyevich Tolstoy
et le respect que je porte �� la m��moire de votre p��re. Votre fils passera dans la garde, je vous en donne ma parole! ��tes-vous contente?
--Cher ami, vous ��tes mon bienfaiteur! Je n'attendais pas moins de vous, je connaissais votre bont��! Un mot encore, dit-elle, le voyant pr��t �� la quitter. Une fois dans la garde... et elle s'arr��ta confuse.... Vous qui ��tes dans de bons rapports avec Koutouzow, vous lui recommanderez bien un peu Boris, n'est-ce pas, afin qu'il le prenne pour aide de camp? Je serai alors tranquille, et jamais je ne...?
Le prince Basile sourit:
?Cela, je ne puis vous le promettre. Depuis que Koutouzow a ��t�� nomm�� g��n��ral en chef, il est accabl�� de demandes. Lui-m��me m'a assur�� que toutes les dames de Moscou lui proposaient leurs fils comme aides de camp.
--Non, non, promettez, mon ami, mon bienfaiteur, promettez-le-moi, ou je vous retiens encore!
--Papa! r��p��ta du m��me ton la belle H��l��ne, nous serons en retard.
--Eh bien! au revoir, vous voyez, je ne puis....
--Ainsi, demain vous en parlerez �� l'empereur?
--Sans faute; mais quant �� Koutouzow, je ne promets rien!
--Mon Basile,? reprit Anna Mikha?lovna en l'accompagnant avec un sourire de jeune coquette sur les l��vres, et en oubliant que ce sourire, son sourire d'autrefois, n'��tait plus gu��re en harmonie avec sa figure fatigu��e. Elle ne pensait plus en effet �� son age et employait sans y songer toutes ses ressources de femme. Mais, �� peine le prince eut-il disparu, que son visage reprit une expression froide et tendue. Elle regagna le cercle au milieu duquel le vicomte continuait son r��cit, et fit de nouveau semblant de s'y int��resser, en attendant, puisque son affaire ��tait faite, l'instant favorable pour s'��clipser.
?Mais que dites-vous de cette derni��re com��die du sacre de Milan? demanda Mlle Sch��rer, et des populations de G��nes et de Lucques qui viennent pr��senter leurs voeux �� M. Buonaparte. M. Buonaparte assis sur un tr?ne et exau?ant les voeux des nations? Adorable! Non, c'est �� en devenir folle! On dirait que le monde a perdu la t��te.?
Le prince Andr�� sourit en regardant Anna Pavlovna.
?Dieu me la donne, gare �� qui la touche,? dit-il.
C'��taient les paroles que Bonaparte avaient prononc��es en mettant la couronne sur sa t��te.
?On dit qu'il ��tait tr��s beau en pronon?ant ces paroles,? ajouta-t-il, en les r��p��tant en italien: ?Dio mi la dona, guai a chi la toca!?
?J'esp��re, continua Anna Pavlovna, que ce sera l�� la goutte d'eau qui fera d��border le vase. En v��rit��, les souverains ne peuvent plus supporter cet homme, qui est pour tous une menace vivante.
--Les souverains! Je ne parle pas de la Russie, dit le vicomte poliment et avec tristesse, les souverains, madame? Qu'ont-ils fait pour Louis XVI, pour la reine, pour Madame ��lisabeth? Rien, continua-t-il en s'animant, et, croyez-moi, ils sont punis pour avoir trahi la cause des Bourbons. Les souverains? Mais ils envoient des ambassadeurs complimenter l'Usurpateur[5]...? Et, apr��s avoir pouss�� une exclamation de m��pris, il changea de pose.
Le prince Hippolyte, qui n'avait cess�� d'examiner le vicomte �� travers son lorgnon, se tourna �� ces mots tout d'une pi��ce vers la petite princesse pour lui demander une aiguille, avec laquelle il lui dessina sur la table l'��cusson des Cond��, et il se mit �� le lui expliquer avec une gravit�� imperturbable, comme si elle l'en avait pri��:
?Baton de gueules engr��l��s de gueule et d'azur, maison des Cond��.?
La princesse ��coutait et souriait.
?Si Bonaparte reste encore un an sur le tr?ne de France, dit le vicomte, en reprenant son sujet comme un homme habitu�� �� suivre ses propres pens��es sans pr��ter grande attention aux r��flexions d'autrui dans une question qui lui est famili��re, les choses n'en iront que mieux: la soci��t�� fran?aise, je parle de la bonne, bien entendu, sera �� jamais d��truite par les intrigues, la violence; l'exil et les condamnations... et alors...?
Il haussa les ��paules en levant les bras au ciel. Pierre voulut intervenir mais Anna Pavlovna, qui le guettait, le devan?a.
?L'empereur Alexandre, commen?a-t-elle avec cette inflexion de tristesse qui accompagnait toujours ses r��flexions sur la famille imp��riale, a d��clar�� laisser aux Fran?ais eux-m��mes le droit de choisir la forme de leur gouvernement, et je suis convaincue que la nation enti��re, une fois d��livr��e de l'Usurpateur, va se jeter dans les bras de son roi l��gitime.?
Anna Pavlovna tenait, comme on le voit, �� flatter l'��migr�� royaliste.
?C'est peu probable, dit le prince Andr��. Monsieur le vicomte suppose avec raison que les choses sont all��es tr��s loin, et il sera, je crois, difficile de revenir au pass��.
--J'ai entendu dire, ajouta Pierre en se rapprochant d'eux, que la plus grande partie de la noblesse a ��t�� gagn��e par Napol��on.
--Ce sont les bonapartistes qui l'assurent, s'��cria le vicomte sans regarder Pierre.
--Il est impossible de savoir quelle est aujourd'hui l'opinion publique en France.
--Bonaparte l'a pourtant dit, reprit le prince Andr�� avec ironie, car le vicomte lui d��plaisait,
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