La grande ombre | Page 9

Sir Arthur Conan Doyle
ma m��re.
Mon p��re essuya ses oreilles avec la nappe de la table.
-- Il a laiss�� toutes ses ��conomies �� sa fille, dit-il, et si elle n'a pas chang��, par Dieu, de ce qu'elle promettait d'��tre, elle n'en aura pas pour longtemps. Vous vous rappelez ce qu'elle disait, sous ce toit m��me, du th�� trop faible, et cela pour du th�� �� sept shillings la livre.
Ma m��re hocha la t��te et consid��ra les pi��ces de lard suspendues au plafond.
-- Il ne dit pas combien elle aura, reprit-il, mais elle en aura assez, et de reste. Elle doit venir habiter avec nous, car ?��a ��t�� son dernier d��sir.
-- Il faudra qu'elle paie son entretien, s'��cria ma m��re avec apret��.
Je fus fach�� de l'entendre parler d'argent dans un tel moment, mais apr��s tout, si elle n'avait pas ��t�� aussi apre, nous aurions ��t�� jet��s dehors au bout de douze mois.
-- Oui, elle paiera. Elle arrive aujourd'hui m��me. Jock, mon gar?on, vous aurez la bont�� de partir avec la charrette pour Ayton, et d'attendre la diligence du soir. Votre cousine Edie y sera, et vous pourrez l'amener �� West Inch.
Je me mis donc en route �� cinq heures et quart avec la Souter Johnnie, notre jument de quinze ans aux longs poils, et notre charrette avec la caisse repeinte �� neuf qui ne nous servait que dans les grands jours.
La diligence apparut au moment m��me o�� j'arrivais, et moi, comme un niais de jeune campagnard, sans songer aux ann��es qui s'��taient ��coul��es, je cherchais dans la foule aux environs de l'auberge un bout de fille en jupe courte arrivant �� peine aux genoux.
Et comme je m'avan?ais obliquement, le cou tendu, je me sentis toucher le coude, et me trouvai en face d'une dame v��tue de noirs debout sur les marches, et j'appris que c'��tait ma cousine Edie.
Je le savais, dis-je, et pourtant si elle ne m'avait pas touch��, j'aurais pu passer vingt fois pr��s d'elle sans la reconna?tre.
Ma parole, si Jim Horscroft m'avait alors demand�� si elle ��tait jolie ou non, je n'aurais su que lui r��pondre.
Elle ��tait brune, bien plus brune que ne le sont ordinairement nos jeunes filles du border, et pourtant �� travers ce teint charmant, s'entrevoyait une nuance de carmin pareille �� la teinte plus chaude qu'on remarque au centre d'une rose soufre.
Ses l��vres ��taient rouges, exprimant la douceur, et la fermet��, mais d��s ce moment m��me, je vis au premier coup d'oeil flotter au fond de ses grands yeux une expression de malice narquoise.
Elle s'empara de moi s��ance tenante, comme si j'avais fait partie de son h��ritage. Elle allongea la main et me cueillit.
Elle ��tait en toilette de deuil, comme je l'ai dit, et dans un costume qui me fit l'effet d'une mode extraordinaire, et elle portait un voile noir qu'elle avait ��cart�� de devant sa figure.
-- Ah! Jock, me dit-elle en mettant dans son anglais un accent mani��r�� qu'elle avait appris �� la pension. Non, non, nous sommes un peu trop grands pour cela?...
Cela, c'��tait parce que, avec ma sotte gaucherie, j'avan?ais ma figure brune pour l'embrasser, comme je l'avais fait la derni��re fois que nous nous ��tions vus...
-- Soyez bon gar?on et donnez un shilling au conducteur, qui a ��t�� extr��mement complaisant pour moi pendant le trajet.
Je rougis jusqu'aux oreilles, car je n'avais en poche qu'une pi��ce d'argent de quatre pence.
Jamais le manque d'argent ne me parut plus p��nible qu'�� ce moment- l��.
Mais elle me devina d'un simple regard, et aussit?t une petite bourse en moleskine �� fermoir d'argent me fut gliss��e dans la main.
Je payai l'homme et allais rendre la bourse �� Edie, mais elle me for?a de la garder.
-- Vous serez mon intendant, Jock, dit-elle en riant. C'est l�� votre voiture, elle �� l'air bien dr?le. Mais o�� vais je m'asseoir?
-- Sur le sac, dis-je.
-- Et comment faire pour monter?
-- Mettez le pied sur le moyeu, dis-je, je vous aiderai.
Je me hissai d'un saut, et je pris deux petites mains gant��es dans les miennes.
Comme elle passait par-dessus le c?t�� de la carriole, son haleine passa sur sa figure, une haleine douce et chaude, et aussit?t s'effac��rent par lambeaux ces langueurs vagues et inqui��tes de mon ame.
Il me sembla que cet instant m'enlevait �� moi-m��me et faisait de moi un des membres de la race des hommes.
Il ne fallut pour cela que le temps qu'il faut �� un cheval pour agiter sa queue, et pourtant un ��v��nement s'��tait produit.
Une barri��re avait surgi quelque part.
J'entrai dans une vie plus large et plus intelligente.
J'��prouvai tout cela sous une brusque averse, et pourtant dans ma timidit��, dans ma r��serve, je ne sus faire autre chose que d'��galiser le rembourrage du sac.
Elle suivait des yeux la diligence qui reprenait �� grand bruit la direction de Berwick.
Tout �� coup elle se mit �� faire voltiger en l'air son mouchoir.
-- Il a
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