s'y engagea de la meilleure grace du monde, et l'on se quitta très-bons amis.
?Ah! Pitt, ne me ramenez plus lady Southdown, lui dit la vieille demoiselle à sa visite suivante. C'est en chair et en os la sotte prétention de toute votre lignée maternelle, dont le ciel me préserve comme de la peste. Quant à cette bonne petite lady Jane, vous pourrez me l'amener tant qu'il vous plaira.?
Pitt en fit la promesse, mais il garda pour lui ce qui concernait la comtesse Southdown. Il aurait été désolé d'?ter à cette digne matrone la conviction où elle était qu'elle avait produit sur miss Crawley l'impression la plus agréable et en même temps la plus saisissante.
Lady Jane se rendit volontiers à la demande de miss Crawley; intérieurement elle n'était peut-être pas fachée d'échapper à quelques-unes des mortelles visites du révérend Bartholomé Irons et de tous ces charlatans qui venaient bourdonner autour de la majestueuse comtesse sa mère. Lady Jane tenait fidèle compagnie à miss Crawley, elle l'accompagnait dans ses promenades, elle lui abrégeait par sa présence la longueur des soirées. C'était une si bonne et si douce nature que Firkin elle-même n'en était point jalouse; miss Briggs aurait voulu l'avoir toujours avec elle, trouvant que son amie la ménageait beaucoup plus devant la bonne lady Jane. Et quant à miss Crawley, elle témoignait à cette jeune fille une affection et une bienveillance particulières. La vieille demoiselle lui faisait le récit de toutes ses histoires de jeunesse, mais sur un ton bien différent de celui qu'elle apportait dans ses confidences à cette petite mécréante de Rebecca. Elle e?t regardé comme un manque de convenance de blesser les chastes oreilles de lady Jane par des propos un trop peu lestes: miss Crawley, au milieu de ses go?ts voluptueux et mondains, conservait trop de tact pour porter atteinte à tant d'innocence et de pureté. Sa nouvelle compagne n'avait jusqu'alors re?u de témoignage d'affection que de son père, de son frère et de miss Crawley, aussi répondait-elle aux avances de cette dernière par la confiance la plus ouverte et l'amitié la plus franche.
Dans les longues soirées d'automne, alors que Rebecca tenait à Paris le sceptre dans les réunions des jeunes officiers de l'armée conquérante, que la pauvre Amélia.... hélas! qu'était devenue la pauvre Amélia, au coeur si profondément blessé? Dans les longues soirées d'automne, lady Jane, assise au piano, chantait à miss Crawley de simples cantiques, de douces romances, quand déjà les feux du soleil, s'éteignant à l'horizon, ne laissaient plus au ciel que des clartés douteuses, et que la vague gémissante se brisait en mourant sur la plage. Dès qu'elle s'arrêtait, la vieille demoiselle s'éveillait en sursaut et la priait de recommencer, et Briggs, dans son coin, versait des larmes d'une volupté ineffable, tout en paraissant fort acharnée à son tricot. Délicieusement émue, elle contemplait les splendeurs de l'Océan, qui déroulait devant elle ses sombres nuances, ces lampes suspendues sur sa tête qui commen?aient à s'allumer à la vo?te céleste et à répandre leur éclat vacillant. Qui pourrait dire les joies mystérieuses de cette ame méditative et sensible?
Pitt, renfermé dans la salle à manger avec quelques brochures sur les céréales ou la Revue des Missions, se livrait à ce plaisir traditionnel de tous les Anglais après d?ner. Il buvait du Madère, se batissait des chateaux en Espagne, se comparait à Adonis, et trouvait que son amour pour Jane atteignait un degré d'intensité qu'il n'avait jamais eu depuis sept ans que durait leur flamme. Ces réflexions le conduisaient insensiblement à ronfler du meilleur de son coeur. à l'heure où M. Bowls, apportant le café, troublait par la lourdeur de sa marche le sommeil de M. Pitt, celui-ci, au milieu de l'obscurité naissante, affectait de para?tre absorbé dans la gravité de sa lecture.
?Ah! que je voudrais trouver quelqu'un pour faire ma partie, disait un soir miss Crawley au moment où le domestique arrivait avec la lumière et le café; la pauvre Briggs n'est pas plus en état de jouer qu'une hu?tre, elle est si bouchée maintenant. Cette vieille fille ne manquait jamais, devant les domestiques, d'assommer la pauvre Briggs de ses réflexions désagréables. Il me semble qu'après un cent de piquet mon sommeil en serait meilleur.?
Lady Jane se mit à rougir jusqu'à l'extrémité des oreilles et jusqu'au bout des doigts; puis quand M. Bowls fut parti, que la porte fut fermée, elle se hasarda à dire:
?Miss Crawley, je sais jouer un peu; j'ai fait quelques parties avec mon pauvre père.
--Venez m'embrasser, venez vite m'embrasser, chère petite,? s'écria miss Crawley dans son ravissement.
Lorsque Pitt, toujours sa brochure à la main, remonta dans la pièce où se tenaient les dames, il trouva sa tante et sa future appliquant toutes les facultés de leur esprit à cette édifiante occupation.
La timide lady Jane rougit beaucoup ce soir-là.
Aucune des manoeuvres de M.
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