La fille du capitaine | Page 9

Alexandre Pouchkine
service et pr��t �� me mettre aux arr��ts pour la moindre v��tille. Le cr��puscule arrivait; nous allions assez vite.
?Y a-t-il loin d��ici �� la forteresse? demandai-je au cocher.
-- Mais on la voit d��ici?, r��pondit-il.
Je me mis �� regarder de tous c?t��s, m��attendant �� voir de hauts bastions, une muraille et un foss��. Mais je ne vis rien qu��un petit village entour�� d��une palissade en bois. D��un c?t�� s����levaient trois ou quatre tas de foin, �� demi recouverts de neige; d��un autre, un moulin �� vent pench�� sur le c?t��, et dont les ailes, faites de grosse ��corce de tilleul, pendaient paresseusement.
?O�� donc est la forteresse? demandai-je ��tonn��.
-- Mais la voil��?, repartit le cocher en me montrant le village o�� nous venions de p��n��trer.
J��aper?us pr��s de la porte un vieux canon en fer. Les rues ��taient ��troites et tortueuses; presque toutes les isbas[23] ��taient couvertes en chaume. J��ordonnai qu��on me menat chez le commandant, et presque aussit?t ma kibitka s��arr��ta devant une maison en bois, batie sur une ��minence, pr��s de l����glise, qui ��tait en bois ��galement.
Personne ne vint �� ma rencontre. Du perron j��entrai dans l��antichambre. Un vieil invalide, assis sur une table, ��tait occup�� �� coudre une pi��ce bleue au coude d��un uniforme vert. Je lui dis de m��annoncer. ?Entre, mon petit p��re, me dit l��invalide, les n?tres sont �� la maison.? Je p��n��trai dans une chambre tr��s propre, arrang��e �� la vieille mode. Dans un coin ��tait dress��e une armoire avec de la vaisselle. Contre la muraille un dipl?me d��officier pendait encadr�� et sous verre. Autour du cadre ��taient rang��s des tableaux d����corce[24], qui repr��sentaient la Prise de Kustrin et d��Otchakov, le Choix de la fianc��e et l��Enterrement du chat par les souris. Pr��s de la fen��tre se tenait assise une vieille femme en mantelet, la t��te envelopp��e d��un mouchoir.

Elle ��tait occup��e �� d��vider du fil que tenait, sur ses mains ��cart��es, un petit vieillard borgne en habit d��officier. ?Que d��sirez-vous, mon petit p��re?? me dit-elle sans interrompre son occupation. Je r��pondis que j����tais venu pour entrer au service, et que, d��apr��s la r��gle, j��accourais me pr��senter �� monsieur le capitaine. En disant cela, je me tournai vers le petit vieillard borgne, que j��avais pris pour le commandant. Mais la bonne dame interrompit le discours que j��avais pr��par�� �� l��avance.
?Ivan Kouzmitch[25] n��est pas �� la maison, dit-elle. Il est all�� en visite chez le p��re Garasim. Mais c��est la m��me chose, je suis sa femme. Veuillez nous aimer et nous avoir en grace[26]. Assieds-toi, mon petit p��re.?
Elle appela une servante et lui dit de faire venir l��ouriadnik[27]. Le petit vieillard me regardait curieusement de son oeil unique. ?Oserais-je vous demander, me dit-il, dans quel r��giment vous avez daign�� servir?? Je satisfis sa curiosit��.
?Et oserais-je vous demander, continua-t-il; pourquoi vous avez daign�� passer de la garde dans notre garnison??
Je r��pondis que c����tait par ordre de l��autorit��.
?Probablement pour des actions peu s��antes �� un officier de la garde? reprit l��infatigable questionneur.
-- Veux-tu bien cesser de dire des b��tises? lui dit la femme du capitaine. Tu vois bien que ce jeune homme est fatigu�� de la route. Il a autre chose �� faire que de te r��pondre. Tiens mieux tes mains. Et toi, mon petit p��re, continua-t-elle en se tournant vers moi, ne t��afflige pas trop de ce qu��on t��ait fourr�� dans notre bicoque; tu n��es pas le premier, tu ne seras pas le dernier. On souffre, mais on s��habitue. Tenez, Chvabrine, Alex��i Ivanitch[28], il y a d��j�� quatre ans qu��on l��a transf��r�� chez nous pour un meurtre. Dieu sait quel malheur lui ��tait arriv��. Voil�� qu��un jour il est sorti de la ville avec un lieutenant; et ils avaient pris des ��p��es, et ils se mirent �� se piquer l��un l��autre, et Alex��i Ivanitch a tu�� le lieutenant, et encore devant deux t��moins. Que veux-tu! contre le malheur il n��y a pas de ma?tre.?
En ce moment entre l��ouriadnik, jeune et beau Cosaque. ?Maximitch, lui dit la femme du capitaine, donne un logement �� monsieur l��officier, et propre.
-- J��ob��is, Vassilissa I��gorovna[29], r��pondit l��ouriadnik Ne faut-il pas mettre Sa Seigneurie chez Ivan Pol��ja?eff?
-- Tu radotes, Maximitch, r��pliqua la commandante; Pol��ja?eff est d��j�� log�� tr��s �� l����troit; et puis c��est mon comp��re; et puis il n��oublie pas que nous sommes ses chefs. Conduis monsieur l��officier... Comment est votre nom, mon petit p��re?
-- Pi?tr Andr��itch.
-- Conduis Pi?tr Andr��itch chez Sim��on Kouzoff. Le coquin a laiss�� entrer son cheval dans mon potager. Est-ce que tout est en ordre, Maximitch?
-- Grace �� Dieu, tout est tranquille, r��pondit le Cosaque; il n��y a que le caporal Prokoroff qui s��est battu au bain avec la femme Oustinia P��goulina pour un seau d��eau chaude.
-- Ivan Ignatiitch[30], dit la femme du capitaine au petit vieillard borgne, juge entre Prokoroff et Oustinia qui est fautif, et punis-les tous deux.
-- C��est bon,
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