fantasque petiote à
l'école gardienne.
Ce fut le plus dur des châtiments. Clara supplia, promit d'être très sage:
"Je serai gentille avec tous les compagnons; je ne parlerai plus jamais à
Flupi, surtout qu'ils sont devenus mauvais pour lui à cause de moi; je
resterai tranquillement assise sur le trottoir et regarderai sans bouger."
Les parents se montrèrent inexorables. Tous les jours Clara fut écrouée
dans la classe des mioches où, pour empêcher toute école buissonnière,
Rikka la conduisait et venait la prendre.
Des mois passèrent.
L'enfant dolente n'entretenait qu'une préoccupation: "A quoi pense mon
Flupi? Ne m'a-t-il pas oubliée? Souffre-t-il autant que moi?"
VI
Le souper fumait sur la nappe proprette. Nikkel venait de rentrer, l'air
soucieux, l'oeil se dérobant aux muettes interrogations de sa femme.
Contre son habitude, il n'embrassa pas même sa fillette, profondément
endormie et s'attabla sans un mot.
Comme Rikka le questionnait directement:
--Oui, fit-il en repoussant son assiettée, je me sens tout drôle et les
morceaux ne passent pas. Je bus un coup puis un autre, pour remettre le
coeur à sa place. Genièvre perdu. C'est qu'on transporta cette
après-midi un des nôtres à l'hôpital où les carabins sont sans doute en
train d'étriper et de charcuter sa carcasse. Voilà le quatrième accident
depuis mon embauchage. Pas gaies ces culbutes. Elles finiraient par
vous dégoûter du métier.... La bâtisse du boulevard Léopold était sous
toit. Suivant la coutume, on la pavoise du haut en bas, on plante un mai
à chaque étage. Arrivent l'entrepreneur et le propriétaire qui, inspection
faite, finissent par se déclarer satisfaits et nous remettent de quoi
baptiser largement la cambuse. Le "vitriol" de couler par litres. On
soiffe ferme, les manoeuvres aussi bien que les compagnons et, ceux-ci
excitant ceux-là, par bravade les gamins en sifflent bientôt plus qu'ils
ne peuvent cuver.
Il fallait encore une fois cette arsouille de Bastyns, ce grand lendore à
la figure de pain d'épice, pour s'amuser à soûler les petits hommes si
bien qu'à la reprise du travail plusieurs de ces galopins flageolaient sur
leurs quilles.
Le premier gamin qui nous apporte des briques, a failli dégringoler de
l'échelle. Bastyns se tient les côtes de rire. Le goujat lui, se met à braire
et déclare qu'il ne regrimpera plus. Les autres manoeuvres se défient
également du jeu. Les plus raisonnables des nôtres écoutent ma
proposition de suspendre le travail. On ne fera pourtant plus rien qui
vaille. Le Bastyns et deux ou trois massacres de sa trempe s'acharnent à
la besogne, pour la première fois de leur vie; ils entendent ne pas perdre
une heure de salaire et réclament, en sacrant de plus en plus fort, le
mortier et les briques. Tous les petits, nonobstant, refusent le service. Il
y a jusqu'à cet innocent de Duffel, le gars à tout faire, tu sais le grand
camarade de notre petite, qui rechigne à la dangereuse corvée. Cette
grève ne fait pas le compte des mauvais farceurs, Bastyns à leur tête.
«Mouton, vocifère ce braillard, holà vilain boudeur, vas-tu bientôt te
décider à faire ton service ou me faut-il descendre pour te montrer le
chemin à coups de sabots?» Les autres aides pour gagner du temps et
détourner d'eux-mêmes l'attention des tourmenteurs, harcèlent et
aiguillonnent, de leur côté, le pauvre diable. «Rien qu'une montée! Plus
qu'une charge de briques! La dernière!» Le voilà qui se dévoue, qui se
laisse faire et qui, riant déjà--ah l'ingénu!--entre ses larmes d'effroi,
épaule le panier abandonné par son camarade prudent. «Non, non!
intervenons-nous, assez de bêtises, n'y vas pas Flupi!» Il était déjà parti.
Il se guinde tant bien que mal jusqu'au deuxième étage. Il va monter
aux combles où nous achevons les souches de la cheminée. Nous ne le
voyons pas, mais nous l'entendons souffler. «Haâruh fainéant!» hurle
ce vilain Bastyns.
Ah misère! Comment le pauvre garçon s'y est-il pris? On ne nous le
dira jamais. Tout ce que je sais, c'est qu'au moment où il approchait du
toit, j'entends un fracas, comme un craquement, patatras; puis un autre
plus sourd... pardouf! Tous nous jetons là nos outils et nous nous
portons au bord de l'échafaudage, interrogeant le sol, là, sous nous. Ah!
quelle bordée de jurons s'échappe de nos gorges! Ah oui il est temps de
jurer et de s'arracher les cheveux à présent! Tâchez de le rattraper, le
Mouton! Il ne traîne plus, hé Bastyns? Fini! Capot! Il y a longtemps
qu'il est en bas. Des passants l'on vu cogner d'abord l'arrête du toit de
l'écurie voisine. Ç'a été le premier coup. Il a été touché dans le dos,
sous la nuque, et il a dû se briser la colonne comme je casserais cette
latte sur mon genou. Puis il dévala la pente et s'abattit sur le pavé à côté
de l'aire à chaux. Quand je fus en bas--je

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