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La faneuse d'amour, by Georges Eekhoud
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Title: La faneuse d'amour
Author: Georges Eekhoud
Release Date: November 5, 2005 [EBook #17010]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA FANEUSE D'AMOUR ***
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LA FANEUSE D'AMOUR
Georges EEKHOUD
--Roman--
DEUXIèME éDITION
PARIS SOCIéTé DU MERCURE DE FRANCE XV, RUE DE L'éCHAUDé-SAINT GERMAIN, XV
MCM
I
Lorsque, devenue comtesse d'Adembrode, Clara Mortsel s'éprit de la nature campinoise, parfois le décor oublié de sa première enfance, écoulée dans une autre région rurale, revenait à sa pensée.
La famille de Clara était originaire du canton de Boom, de ces polders gras et argileux qu'alluvionnent le Rupel et l'Escaut. Sa mère, orpheline élevée par charité, sortit de l'ouvroir vers les dix-huit ans, avec quelques connaissances manuelles, outre la lecture, l'écriture et les quatre règles, et se mit, sur la recommandation des religieuses, au service d'une dame de qualité retirée à la campagne près d'Hemixem, après que, ravies de l'intelligence et de la gentillesse de la petite, les soeurs eussent vainement essayé de la coiffer du béguin. Une piquante brunette, la camériste de la douairière de Dhose! On vantait surtout ses yeux qu'elle avait très noirs et régulièrement fendus et sa chevelure indisciplinée. Elle savait ses avantages, aimait à se les entendre énumérer. Aucun ne les lui détaillait aussi complaisamment que Nikkel Mortsel, le briquetier, un courtaud membru, agé de vingt ans. Il avait la joue plut?t cotonneuse que barbue, la parole facile et l'oeil polisson. Nikkel Mortsel, s'était bient?t accointé de cette éventée de Rikka, toujours à la rue, du c?té des briqueteries, le panier au bras par contenance. Ses tabliers et ses bonnets très blancs alléchaient, dès qu'elle se montrait, le manoeuvre le plus absorbé. La coquette résista aux cajoleries de Nikkel, crut le maintenir parmi ses soupirants ordinaires; le luron ne l'entendait pas ainsi. Il commen?a par l'amuser, il finit par l'émouvoir. Ce falot mal nippé, à la dégaine de casseur, trouva pour la séduire d'irrésistibles suppliques de gestes et de regards. Un soir de kermesse qu'il l'avait énervée et pétrie à point aux spirales érotiques de la valse, il l'entra?na dans les fours à briques, en partie éteints et déserts les dimanches, et posséda goul?ment cette femme déjà rendue et pamée.
Cinq mois après, Mme de Dhose, prude et rigoriste, pas mal prévenue contre les airs évaporés et les toilettes claires de la pupille des bonnes soeurs, constatait son embonpoint anormal et la chassait ignominieusement. La maladroite ne songea pas un instant à retourner chez ses premières protectrices. Par bonheur Nikkel Mortsel restait absolument féru de sa conquête. Le coureur de guilledou se doublait chez lui d'un esprit pratique, il devinait en Rikka des qualités de ménagère qui le déterminèrent à l'épouser. La pauvresse ne s'estima que trop heureuse de s'unir chrétiennement à ce gaillard dégourdi qu'elle avait cru leurrer sans jamais faire la culbute.
Elle le suivit à Niel où naqu?t la petite Clara.
II
L'enfant poussa, sans raccroc, musclée et sanguine comme son père, avec la taille élancée, l'impressionnabilité nerveuse, les traits réguliers et les insondables yeux noirs de sa mère. De bonne heure elle se montra timide et concentrée. Elle écoutait beaucoup, mais le sens des mots la préoccupait moins que la musique des voix.
Des parents plus désoeuvrés que les siens eussent certainement remarqué sa sensibilité extrême à l'action de la couleur, du parfum et du son; ils auraient même été alarmés plus d'une fois par la bizarrerie de ses affinités et de ses répugnances sensorielles. Le claquement d'un fouet de charretier, la corne d'un garde-barrière, la ritournelle mélopique des haleurs, le glougloutement des gouttières, le bruit de la pluie aux les feuilles, toutes les rumeurs de l'eau, les moisissures de l'automne les odeurs de brasseries, voire l'acre puantant du ton, la plongeaient dans des extases et provoquaient ses délectations; en revanche, elle dédaignait le parfum des roses, baillait devant les murs fra?chement peints, tachait ou déchirait ses vêtements neufs et pleurait à chaudes larmes lorsqu'on jetait au rebut ses hardes usées. Toutes ses prédilections allèrent aux choses maussades, farouches, incomprises.
Ses plus grandes félicités lui venaient de la rivière. Boudant la villette aux rues basses et bien lavées, avec des fa?ades luisantes, elle s'isolait des heures au bord du Rupel huileux se tra?nant péniblement, enflé et inerte dans son lit de limon. Elle courait sur la jetée à la rencontre des bateliers et s'accrochait, avec des avidités caressantes
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