comme une disgrace. Saint-Luc se donnait mille peines pour lui inspirer une s��curit�� que lui-m��me n'avait pas, et ses amis Maugiron, Schomberg et Qu��lus, v��tus de leurs plus magnifiques costumes, tout roides dans leurs pourpoints splendides, et dont les fraises ��normes semblaient des plats supportant leur t��te, ajoutaient encore �� ses transes par leurs ironiques lamentations.
--Eh! mon Dieu! mon pauvre ami, disait Jacques de Levis, comte de Qu��lus, je crois, en v��rit��, que pour cette fois tu es perdu. Le roi t'en veut de ce que tu t'es moqu�� de ses avis, et M. d'Anjou t'en veut de ce que tu t'es moqu�� de son nez.[*]
[*] La petite v��role avait tellement maltrait�� M. le duc d'Anjou, qu'il semblait avoir deux nez.
--Mais non, r��pondit Saint-Luc, tu te trompes, Qu��lus, le roi ne vient pas parce qu'il a ��t�� faire un p��lerinage aux Minimes du bois de Vincennes, et le duc d'Anjou est absent parce qu'il est amoureux de quelque femme que j'aurai oubli�� d'inviter.
--Allons donc, dit Maugiron, as-tu vu la mine que faisait le roi �� d?ner? Est-ce l�� la physionomie paterne d'un homme qui va prendre le bourdon pour faire un p��lerinage? Et quant au duc d'Anjou, son absence personnelle, motiv��e par la cause que tu dis, emp��cherait-elle ses Angevins de venir? En vois-tu un seul ici? Regarde, ��clipse totale, pas m��me ce tranche-montagne de Bussy.
--Heu! messieurs, disait le duc de Brissac en secouant la t��te d'une fa?on d��sesp��r��e, ceci me fait tout l'effet d'une disgrace compl��te. En quoi donc, mon Dieu! notre maison, toujours si d��vou��e �� la monarchie, a-t-elle pu d��plaire �� Sa Majest��?
Et le vieux courtisan levait avec douleur ses deux bras au ciel.
Les jeunes gens regardaient Saint-Luc avec de grands ��clats de rire, qui, bien loin de rassurer le mar��chal, le d��sesp��raient.
La jeune mari��e, pensive et recueillie, se demandait, comme son p��re, en quoi Saint-Luc avait pu d��plaire au roi.
Saint-Luc le savait, lui, et, par suite de cette science, ��tait le moins tranquille de tous.
Tout �� coup, �� l'une des deux portes par lesquelles on entrait dans la salle, on annon?a le roi.
--Ah! s'��cria le mar��chal radieux, maintenant je ne crains plus rien, et, si j'entendais annoncer le duc d'Anjou, ma satisfaction serait compl��te.
--Et moi, murmura Saint-Luc, j'ai encore plus peur du roi pr��sent que du roi absent, car il ne vient que pour me jouer quelque mauvais tour, comme c'est aussi pour me jouer quelque mauvais tour que le duc d'Anjou ne vient pas.
Mais, malgr�� cette triste r��flexion, il ne s'en pr��cipita pas moins au-devant du roi, qui avait enfin quitt�� son sombre costume marron, et qui s'avan?ait tout resplendissant de satin, de plumes et de pierreries.
Mais, au moment o�� apparaissait �� l'une des portes le roi Henri III, un autre roi Henri III, exactement pareil au premier, v��tu, chauss��, coiff��, frais�� et goudronn�� de m��me, apparaissait par la porte en face. De sorte que les courtisans, un instant emport��s vers le premier, s'arr��t��rent comme le flot �� la pile de l'arche, et reflu��rent en tourbillonnant du premier au second roi.
Henri III remarqua le mouvement, et, ne voyant devant lui que des bouches ouvertes, des yeux effar��s et des corps pirouettant sur une jambe:
--?��, messieurs, qu'y a-t-il donc? demanda-t-il.
Un long ��clat de rire lui r��pondit.
Le roi, peu patient de son naturel, et en ce moment surtout peu dispos�� �� la patience, commen?ait de froncer le sourcil, quand Saint-Luc, s'approchant de lui:
--Sire, dit-il, c'est Chicot, votre bouffon, qui s'est habill�� exactement comme Votre Majest��, et qui donne sa main �� baiser aux dames.
Henri III se mit �� rire. Chicot jouissait �� la cour du dernier Valois d'une libert�� pareille �� celle dont jouissait, trente ans auparavant, Triboulet �� la cour du roi Fran?ois 1er, et dont devait jouir, quarante ans plus tard, Langely �� la cour du roi Louis XIII.
C'est que Chicot n'��tait pas un fou ordinaire. Avant de s'appeler Chicot, il s'��tait appel�� DE Chicot. C'��tait un gentilhomme gascon qui, maltrait��, �� ce qu'on assurait, par M. de Mayenne �� la suite d'une rivalit�� amoureuse dans laquelle, tout simple gentilhomme qu'il ��tait, il l'avait emport�� sur ce prince, s'��tait r��fugi�� pr��s de Henri III, et qui payait en v��rit��s quelquefois cruelles la protection que lui avait donn��e le successeur de Charles IX.
--Eh! ma?tre Chicot, dit Henri, deux rois ici, c'est beaucoup.
--En ce cas, continue �� me laisser jouer mon r?le de roi �� ma guise, et joue le r?le du duc d'Anjou �� la tienne; peut-��tre qu'on te prendra pour lui, et qu'on te dira des choses qui t'apprendront, non pas ce qu'il pense, mais ce qu'il fait.
--En effet, dit le roi en regardant avec humeur autour de lui, mon fr��re d'Anjou n'est pas venu.
--Raison de plus pour que tu le remplaces. C'est dit: je suis Henri et tu es Fran?ois. Je vais tr?ner, tu
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