La corde au cou | Page 9

Emile Gaboriau
comte de Claudieuse.
Mais, sur les derniers mots de la comtesse, il se leva et, d'un ton bref, s'adressant �� M. Galpin-Daveline:
--Maintenant, monsieur, dit-il, vous me rendez mon malade, sans doute?
Offens��--on l'e?t ��t�� �� moins--, le juge d'instruction fron?a le sourcil, et froidement:
--Je sais, monsieur, dit-il, l'importance de votre besogne, mais ma tache n'est ni moins grave ni moins urgente.
--Oh!...
--Par cons��quent, vous m'accorderez bien cinq minutes encore, monsieur le docteur...
--Dix si vous l'exigez, monsieur le juge. Seulement, je vous d��clare que chaque minute qui s'��coule d��sormais peut compromettre la vie du bless��.
Ils s'��taient rapproch��s et, la t��te rejet��e en arri��re, ils se toisaient avec des yeux o�� ��clatait la plus violente animosit��. Allaient-ils donc se prendre de querelle au chevet m��me de M. de Claudieuse?
La comtesse dut le craindre, car, d'un accent de reproche:
--Messieurs, pronon?a-t-elle, messieurs, de grace...
Peut-��tre son intervention n'e?t-elle pas suffi, si M. S��neschal et M. Daubigeon ne se fussent entremis, chacun s'adressant en m��me temps �� l'un des adversaires.
Des deux, M. Galpin-Daveline ��tait encore le plus obstin��; car, en d��pit de tout, reprenant la parole:
--Je n'ai plus, monsieur, dit-il �� M. de Claudieuse, qu'une question �� vous adresser: o�� et comment ��tiez-vous plac��? O�� et comment pensez-vous qu'��tait plac�� l'assassin au moment du crime?
--Monsieur, r��pondit le comte d'une voix ��videmment fatigu��e, j'��tais, je vous l'ai dit, debout, sur le seuil de ma porte, faisant face �� la cour. L'assassin devait ��tre post�� �� une vingtaine de pas, sur ma droite, derri��re une pile de fagots.
Ayant ��crit la r��ponse du bless��, le juge se retourna vers le m��decin.
--Vous avez entendu, monsieur, lui dit-il. C'est �� vous maintenant �� fixer la pr��vention sur ce point d��cisif: �� quelle distance ��tait le meurtrier lorsqu'il a fait feu?
--Je ne suis pas devin, r��pondit brutalement le m��decin.
--Ah! prenez garde, monsieur, insista M. Galpin-Daveline, la justice, dont je suis ici le repr��sentant, a le droit et les moyens de se faire respecter. Vous ��tes m��decin, monsieur, et la m��decine est arriv��e �� r��pondre d'une fa?on presque math��matique �� la question que je vous pose...
M. Seignebos ricanait.
--Vraiment, la m��decine est arriv��e �� ce prodige! fit-il. Quelle m��decine? La m��decine l��gale, sans doute, celle qui est �� la d��votion des parquets et �� la discr��tion des pr��sidents d'assises...
--Monsieur!...
Mais le m��decin n'��tait pas d'un naturel �� supporter un second ��chec.
--Je sais ce que vous m'allez dire, poursuivit-il tranquillement. Il n'est pas un manuel de m��decine l��gale qui ne tranche souverainement le probl��me dont il s'agit. Je les ai ��tudi��s, ces manuels, qui sont vos armes �� vous autres, messieurs les magistrats instructeurs. Je connais l'opinion de Devergie et celle d'Orfila, et celle encore de Casper, de Tardieu et de Briant et Chaudey... Je n'ignore pas que ces messieurs pr��tendent d��cider �� un centim��tre pr��s la distance d'o�� un coup de fusil a ��t�� tir��. Je ne suis pas si fort. Je ne suis qu'un pauvre m��decin de campagne, moi, un simple gu��risseur... Et, avant de donner une opinion qui peut faire tomber la t��te d'un pauvre diable, la t��te d'un innocent, peut-��tre, j'ai besoin de r��fl��chir, de me consulter, de recourir �� des exp��riences.
Il avait si ��videmment raison quant au fond, sinon quant �� la forme, que M. Galpin-Daveline se radoucit.
--C'est �� titre de simple renseignement, monsieur, dit-il, que je vous demande votre avis. Votre opinion raisonn��e et d��finitive fera n��cessairement l'objet d'un rapport motiv��.
--Ah!... comme cela...
--Veuillez donc me communiquer officieusement les conjectures que vous a inspir��es l'examen des blessures de monsieur de Claudieuse.
D'un geste pr��tentieux, M. Seignebos rajusta ses lunettes.
--Mon sentiment, r��pondit-il, sous toutes r��serves, bien entendu, est que monsieur de Claudieuse s'est parfaitement rendu compte des faits. Je crois volontiers que l'assassin ��tait embusqu�� �� la distance qu'il indique. Ce que je puis affirmer, par exemple, c'est que les deux coups de fusil ont ��t�� tir��s de distances diff��rentes, l'un de beaucoup plus pr��s que l'autre, et la preuve, c'est que si l'un d'eux, celui de la hanche, a, comme disent les chasseurs, ?��cart��? l��g��rement, l'autre, celui de l'��paule, a presque ?fait balle?...
--Mais on sait �� combien de m��tres un fusil fait balle, interrompit M. S��neschal, qu'aga?ait le ton dogmatique du docteur.
M. Seignebos salua.
--On sait cela? fit-il. Qui? Vous, monsieur le maire? Moi je d��clare l'ignorer. Il est vrai que je n'oublie pas, comme vous semblez l'oublier, que nous n'avons plus, comme autrefois, deux ou trois types seulement de fusils de chasse. Avez-vous r��fl��chi �� l'immense vari��t�� d'armes fran?aises, anglaises, am��ricaines et allemandes qui sont aujourd'hui r��pandues partout? Comment osez- vous, monsieur, vous prononcer si d��lib��r��ment? Ignorez-vous donc, vous, un ancien avou�� et un magistrat municipal, que c'est sur cette grave question que roulera tout le d��bat de la cour d'assises?
Apr��s quoi, d��cid�� �� ne plus rien r��pondre, le m��decin reprenait son bistouri et ses pinces, lorsque tout �� coup, au-dehors, des clameurs ��clat��rent, si
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