La corde au cou

Emile Gaboriau
La corde au cou

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Title: La corde au cou
Author: Emile Gaboriau
Release Date: February 18, 2005 [EBook #15107]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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émile Gaboriau

LA CORDE AU COU

(1873)

Table des matières
PREMIèRE PARTIE Le feu du Valpinson 1 2 3 4 5 6 7 8 9 DEUXIèME PARTIE _L'affaire de Boiscoran_ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 TROISIèME PARTIE Cocoleu 1 2 3

PREMIèRE PARTIE Le feu du Valpinson
Du reste, voici les faits:
1
Dans la nuit du 22 au 23 juin 1871, vers une heure, le faubourg de Paris, qui est le principal et le plus populeux faubourg de la jolie ville de Sauveterre, fut mis en émoi par le galop frénétique d'un cheval sonnant sur les pavés pointus.
Quantité de bourgeois se précipitèrent à leurs fenêtres. Ils ne virent dans la nuit sombre qu'un paysan en bras de chemise et la tête nue, talonnant et batonnant furieusement une grosse jument blanche qu'il montait à cru.
Ce paysan, après avoir longé le faubourg, prit à droite la rue Nationale--rue Impériale jadis--, traversa la place du Marché- Neuf, tourna la rue Mautrec et s'arrêta court devant la belle maison qui fait l'angle de la rue du Chateau. C'est là qu'habite le maire de Sauveterre, M. Séneschal, ancien avoué, membre du conseil général.
Ayant mis pied à terre, le campagnard empoigna la sonnette et se mit à la secouer si violemment, qu'à l'instant toute la maison fut debout. La minute d'après, un gros et gras domestique, les yeux encore chargés de sommeil, venait ouvrir, et d'un accent irrité s'écriait tout d'abord:
--Qui êtes-vous, l'homme? Que voulez-vous? Avez-vous bu un coup de trop? Ignorez-vous chez qui vous cassez les sonnettes?
--Je veux parler à monsieur le maire, répondit le paysan, à l'instant même, réveillez-le...
M. Séneschal était tout réveillé. Drapé dans une ample robe de chambre de molleton gris, un bougeoir à la main, inquiet et dissimulant mal son inquiétude, il venait d'appara?tre dans le vestibule et avait entendu.
--Le voilà, le maire, pronon?a-t-il du ton le plus mécontent. Que lui voulez-vous à cette heure où tous les honnêtes gens sont couchés?
écartant le domestique, le paysan s'avan?a, et sans la moindre formule de politesse:
--Je viens, répondit-il, vous dire de nous envoyer les pompiers.
--Les pompiers!
--Oui, tout de suite, dépêchez-vous! Le maire hochait la tête.
--Hum!... faisait-il, ce qui était chez lui la manifestation d'une vive perplexité, hum! hum!
Et qui n'e?t été perplexe à sa place!
Pour réunir les pompiers, faire battre la générale était indispensable; or, en pleine nuit, faire battre la générale, c'était mettre la ville sens dessus dessous, c'était faire bondir d'épouvante dans leur lit les braves Sauveterriens, qui ne l'avaient que trop entendue, depuis un an, cette lugubre batterie, lors de l'invasion prussienne et ensuite pendant la Commune. Aussi:
--S'agit-il d'un incendie sérieux? demanda M. Séneschal.
--Sérieux! s'écria le paysan; comment ne le serait-il pas, par le vent qu'il fait; un vent à décorner les boeufs!
--Hum! fit encore le maire, hum! hum! C'est que ce n'était pas la première fois, depuis qu'il administrait Sauveterre, qu'il était ainsi réveillé par un campagnard venant crier sous ses fenêtres: ?Au secours! au feu!...?
à ses débuts, saisi de compassion, il se hatait de réunir les pompiers, il se mettait à leur tête et on courait au lieu du sinistre. Et quand on arrivait, essoufflé, suant, après cinq ou six kilomètres franchis au pas de course, on trouvait quoi? Quelque méchant pailler valant bien dix écus, achevant de se consumer. On s'était dérangé pour rien.
Les paysans des environs avaient si souvent crié au loup, quand il y en avait à peine l'ombre, que le loup venant pour tout de bon, on devait hésiter à les croire.
--Voyons, reprit M. Séneschal, qu'est-ce qui br?le, en définitive?...
En présence de tant de délais, le paysan mordait de rage le manche de son fouet.
--Faut-il donc que je vous répète, interrompit-il, que tout est en feu, que tout flambe: granges, métairies, récoltes, maisons, chateau, tout!... Si vous tardez encore, vous ne trouverez plus pierre sur pierre du Valpinson.
L'effet de ce nom fut prodigieux.
--Quoi! demanda le maire d'une voix étranglée, c'est au Valpinson qu'est le feu?
--Oui.
--Chez le comte de Claudieuse?
--Comme de juste, pardi!
--Imbécile! que ne le disiez-vous immédiatement! s'écria le maire. (Il n'hésitait plus.) Vite, dit-il à
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