La belle Gabrielle, vol. 1 | Page 4

Auguste Maquet
bon dans la vie n'est pas catholique romain. Voil�� pourquoi je voudrais que Sa Majest�� entrat dans une religion nourrissante. Ah! vous avez beau murmurer, vous ne ferez jamais autant de bruit que mon estomac.
--Si le roi se convertit �� la messe, s'��cria un huguenot, je quitte son service.
--Et moi, r��pliqua Pontis, je le quitte s'il ne se convertit pas....
--Ventre du pape! s'��cria le huguenot en se levant �� moiti��.
--Tiens, vous avez encore la force de vous mettre en col��re? Eh bien, moi, je garde mon souffle pour une meilleure occasion. Huguenots ou catholiques devraient, au lieu de se quereller, aviser au moyen de vivre.
--Quelle id��e a-t-il eu, le roi, poursuivit le huguenot grondeur, d'accorder une tr��ve �� ce gros Mayenne? Nous serions en ce moment sous Paris; mais non ... au lieu d'exterminer la ligue, on la m��nage. Tout cela finira par des embrassades.
--Pourquoi ne pas commencer tout de suite? s'��cria Pontis, au moins nous serions de la f��te, tandis que si l'on tarde nous serons tous morts. Sambioux! que j'ai faim.
Un nouvel interlocuteur s'approcha du groupe, c'��tait un jeune garde nomm�� Vernetel.
--Messieurs, dit-il, je fais une r��flexion: puisqu'il y a une tr��ve, pourquoi ne sommes-nous pas �� Mantes avec la cour? on y mange, a Mantes.
--Quelquefois, grommela le huguenot.
--Au fait, dit Pontis, l'id��e de Vernetel est bonne; pourquoi sommes-nous ici o�� l'on ne fait rien, et non �� Mantes o�� est le roi?
--Parce que le roi n'est pas �� Mantes, dit Vernetel. Tenez, en voici la preuve.
Et il montra aux gardes un petit homme qui passait tout affair��, portant un paquet recouvert d'une enveloppe de serge, comme s'il e?t ��t�� tailleur d'habits ou pourvoyeur de la garde-robe.
--Quel est celui-l��, demanda Pontis, et pourquoi vous fait-il croire que le roi n'est pas �� Mantes?
--On voit bien que vous ��tes nouveau chez nous, r��pliqua le huguenot, vous ne connaissez pas ma?tre Fouquet la Varenne.
--Qui cela, la Varenne? demanda Pontis.
--Celui qui est partout o�� doit venir myst��rieusement le roi, celui qui lui ouvre les portes trop bien ferm��es, celui qui re?oit les ��trivi��res que m��riterait souvent Sa Majest��, enfin celui qui porte les poulets du roi?
--Eh! l'honn��te homme! cria le jeune cadet, servez-en un par ici!... Nous sommes plus press��s que le roi.
--Voil�� d'ind��centes plaisanteries, jeunes gens, interrompit une voix male et s��v��re qui fit retourner les gardes.
--M. de Rosny! murmura Pontis.
--Oui, monsieur, r��pliqua gravement l'illustre huguenot qui traversait la clairi��re en lisant une liasse de papiers.
--Monsieur a l'oreille fine, ne put s'emp��cher de dire Pontis; nous n'avons pourtant pas la force de parler bien haut.
--Encore mieux vaudrait-il vous taire, r��partit Rosny tout en marchant.
--Nous ne demandons pas mieux, monsieur; mais fermez-nous la bouche.
Et le cadet compl��ta sa phrase par une pantomime �� l'usage de toutes les nations qui ont faim.
Rosny haussa les ��paules et passa outre.
--Vieux ladre, grommela Pontis; il a d?n�� hier, lui, et il est capable de d?ner encore aujourd'hui!
--Comment, vieux, dit le huguenot; savez-vous l'age de M. de Rosny?
--Sept cents ans au moins.
--Trente-trois �� peine, monsieur le catholique, sept ans de moins que le roi.
--C'est singulier, r��pondit Pontis, depuis vingt ans que j'existe, j'ai toujours entendu parler de M. de Rosny comme d'Abraham ou de Mathusalem. Croyez-moi, c'est un homme qui a commenc�� avec la cr��ation.
--C'est que voil�� longtemps qu'il travaille �� devenir c��l��bre, dit le huguenot; c'est une de nos colonnes, c'est la manne de nos esprits.
--Que ne l'est-il de nos estomacs! Moi, voyez-vous, je n'ai pas les m��mes raisons que vous d'adorer le grand Rosny. Vous ��tes huguenot comme lui, moi catholique. Je suis entr�� aux gardes par amour pour notre mestre de camp Crillon, qui est catholique aussi. Vous n'osez rien demander �� votre idole Rosny, vous, tandis que moi, M. de Crillon serait ici, au lieu d'��tre je ne sais o��, j'irais lui emprunter un ��cu. Je ne suis pas fier, moi, quand j'ai faim. Sambioux que j'ai faim!
Comme il achevait ces mots entrecoup��s de soupirs, un pas de cheval retentit sur la terre s��che, et l'on vit s'avancer, portant deux paniers, un gros bidet pansu, pr��c��d�� du ma?tre d'h?tel de M. de Rosny, et suivi d'un paysan et d'un laquais.
Le cort��ge d��fila au milieu des cadets, qui d��voraient des yeux les paniers et la b��te, et bient?t apr��s, �� l'ombre de ces beaux tilleuls dont nous avons parl��, une table se dressa, sur laquelle le ma?tre d'h?tel rangea certaines provisions d'une couleur et d'un parfum insultants pour les affam��s.
M. de Rosny, toujours avec ses papiers et sa gravit��, s'avan?a vers la table, s'y installa en compagnie du capitaine des gardes, du capitaine des canons et de quelques seigneurs privil��gi��s au nombre desquels on remarquait ce m��me Fouquet la Varenne porteur des poulets royaux.
A grand bruit de conversations et de vaisselle, ces messieurs commenc��rent leur festin, frugal si l'on consid��re la qualit�� des
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 118
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.