La Vénus d'Ille
The Project Gutenberg EBook of La Vénus d'Ille, by Prosper Mérimée
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Title: La Vénus d'Ille
Author: Prosper Mérimée
Release Date: July 7, 2005 [EBook #16240]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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D'ILLE ***
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Prosper Mérimée
LA VÉNUS D'ILLE
(1837)
Je descendais le dernier coteau du Canigou, et, bien que le soleil fût
déjà couché, je distinguais dans la plaine les maisons de la petite ville
d'Ille, vers laquelle je me dirigeais.
«Vous savez, dis-je au Catalan qui me servait de guide depuis la veille,
vous savez sans doute où demeure M. de Peyrehorade?
-- Si je le sais! s'écria-t-il, je connais sa maison comme la mienne; et s'il
ne faisait pas si noir, je vous la montrerais. C'est la plus belle d'Ille. Il a
de l'argent, oui, M. de Peyrehorade; et il marie son fils à plus riche que
lui encore.
-- Et ce mariage se fera-t-il bientôt? lui demandai-je.
-- Bientôt! il se peut que déjà les violons soient commandés pour la
noce. Ce soir, peut-être, demain, après-demain, que sais-je! C'est à
Puygarrig que ça se fera; car c'est mademoiselle de Puygarrig que
monsieur le fils épouse. Ce sera beau, oui!»
J'étais recommandé à M. de Peyrehorade par mon ami M. de P. C'était,
m'avait-il dit, un antiquaire fort instruit et d'une complaisance à toute
épreuve. Il se ferait un plaisir de me montrer toutes les ruines à dix
lieues à la ronde. Or je comptais sur lui pour visiter les environs d'Ille,
que je savais riches en monuments antiques et du Moyen Âge. Ce
mariage, dont on me parlait alors pour la première fois, dérangeait tous
mes plans.
Je vais être un trouble-fête, me dis-je. Mais j'étais attendu; annoncé par
M. de P., il fallait bien me présenter.
«Gageons, monsieur, me dit mon guide, comme nous étions déjà dans
la plaine, gageons un cigare que je devine ce que vous allez faire chez
M. de Peyrehorade?
-- Mais, répondis-je en lui tendant un cigare, cela n'est pas bien difficile
à deviner. À l'heure qu'il est, quand on a fait six lieues dans le Canigou,
la grande affaire, c'est de souper.
-- Oui, mais demain?... Tenez, je parierais que vous venez à Ille pour
voir l'idole? j'ai deviné cela à vous voir tirer en portrait les saints de
Serrabona.
-- L'idole! quelle idole?» Ce mot avait excité ma curiosité.
«Comment! on ne vous a pas conté, à Perpignan, comment M. de
Peyrehorade avait trouvé une idole en terre?
-- Vous voulez dire une statue en terre cuite, en argile?
-- Non pas. Oui, bien en cuivre, et il y en a de quoi faire des gros sous.
Elle vous pèse autant qu'une cloche d'église. C'est bien avant dans la
terre, au pied d'un olivier, que nous l'avons eue.
-- Vous étiez donc présent à la découverte?
-- Oui, monsieur. M. de Peyrehorade nous dit, il y a quinze jours, à
Jean Coll et à moi, de déraciner un vieil olivier qui était gelé de l'année
dernière, car elle a été bien mauvaise, comme vous savez. Voilà donc
qu'en travaillant Jean Coll qui y allait de tout coeur, il donne un coup
de pioche, et j'entends bimm... comme s'il avait tapé sur une cloche.
Qu'est-ce que c'est? que je dis. Nous piochons toujours, nous piochons,
et voilà qu'il paraît une main noire, qui semblait la main d'un mort qui
sortait de terre. Moi, la peur me prend. Je m'en vais à monsieur, et je lui
dis: -- Des morts, notre maître, qui sont sous l'olivier! Faut appeler le
curé. -- Quels morts? qu'il me dit. Il vient, et il n'a pas plutôt vu la main
qu'il s'écrie: -- Un antique! un antique! -- Vous auriez cru qu'il avait
trouvé un trésor. Et le voilà, avec la pioche, avec les mains, qui se
démène et qui faisait quasiment autant d'ouvrage que nous deux.
-- Et enfin que trouvâtes-vous?
-- Une grande femme noire plus qu'à moitié nue, révérence parler,
monsieur, toute en cuivre, et M. de Peyrehorade nous a dit que c'était
une idole du temps des païens... du temps de Charlemagne, quoi!
-- Je vois ce que c'est... Quelque bonne Vierge en bronze d'un couvent
détruit.
-- Une bonne Vierge! ah bien oui!... Je l'aurais bien reconnue, si ç'avait
été une bonne Vierge. C'est une idole, vous dis-je; on le voit bien à son
air. Elle vous fixe avec
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