La Tête-Plate, by Émile
Chevalier
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Title: La Tête-Plate
Author: Émile Chevalier
Release Date: July 30, 2006 [EBook #18944]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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TÊTE-PLATE ***
Produced by Rénald Lévesque
A MON AMI
CAMILLE DE LA BOULIE
Directeur du Syndicat administratif de France.
M. E.-CHEVALIER
LA TÊTE-PLATE
PAR
ÉMILE CHEVALIER
NOUVELLE ÉDITION
PARIS CALMANN LÉVY, ÉDITEUR ANCIENNE MAISON
MICHEL LÉVY FRÈRES 3, RUE AUBER, 3
1890
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE Ier. Les Captifs. II. La Colombie III. Poignet-d'Acier? IV.
Pad V. L'Enlèvement VI. Tonnerre VII. Ouaskèma. VIII. Merellum IX.
La Caverne de la Roche-Rouge X. Combat XI. Le Fort XII. Trappeurs
libres et de la Compagnie de la baie d'Hudson XIII. La Fuite XIV. Nick
Whiffles et les Dompteur de Buffles. XV. Pauvre Jacques XVI. Pauvre
Jacques (suite) XVII. Le roi des mustangs XVIII. L'amour d'une
Clallome XIX. La Chasse à la baleine XX. Le Carcajou.
LA TÊTE PLATE
CHAPITRE PREMIER
LES CAPTIFS
--Les Chinouks sont des femmelettes. Ils ne savent pas plus vaincre
leurs ennemis que les torturer. Moi, j'ai tué deux fois quatre de leurs
guerriers.
--Tu as menti, Queue-de-Serpent, répliqua un des chefs, en frappant le
prisonnier de son tomahawk.
Un flot de sang jaillit de la blessure que celui-ci avait reçue au visage.
Sans pousser une plainte, il continua:
--Oui, dans ma cabane, pendent les chevelures de deux fois quatre de
ceux que les Chinooks appellent leurs braves sont morts en pleurant
comme des daims timides.
Un nouveau coup de tomahawk l'atteignit à la poitrine. Les muscles
frémirent, ses dents grincèrent et des gouttes de sueur perlèrent son
front, mais la douleur ne lui arracha aucun cri, aucun mouvement
convulsif.
--Les Chinouks, poursuivit-il stoïquement, ont le bras aussi faible que
l'esprit. C'est du sang de lièvre qui gonfle leur coeur. Comment
pourraient-ils triompher des vaillants Clallomes, eux qui ne peuvent les
renverser quand les Clallomes sont attachés? J'ai enlevé ta femme,
Oeil-de-Carcajou, et elle m'a servi comme esclave.
A ces mots, l'indien qu'il interpellait bondit de fureur. Tirant de sa
gaine un long couteau, il se précipita sur le captif pour l'en percer. Un
de ses compagnons l'arrêta.
--Non, ne le tue pas encore, lui dit-il; nous lui montrerons comment les
Chinooks traitent les hiboux de son espèce.
Et, saisissant un bâton enflammé qui se consumait sur un brasier voisin,
il flamba les jambes de sa victime, tandis que Oeil-de-Carcajou lui
faisait de larges entailles dans le ventre en vociférant:
--Si tu as rendu ma femme esclave, je rendrai la tienne veuve, et je
mangerai ta chair pour en jeter le reste aux chiens.
--Mange-la donc; car tu en as besoin pour te donner le courage qui te
manque, reprit froidement le Clallome.
Oeil-de-Carcajou lui enlevait, pendant ce temps, une large portion de la
cuisse et la dévorait sanglante.
Toujours insensible à ses horribles souffrances, le captif apostrophait
ses bourreaux.
--Dent-de-Loup, c'est moi qui ai tué ton père à la rivière Taouleh;
Griffe-de-Panthère, regarde ton dos, quand tu passeras près d'un
ruisseau, et tu y admireras la cicatrice qu'y ont laissée mes flèches à la
plaine des Buttes; Jambe-Croche, tu portes sur tes membres les
marques de mon casse-tête. Tous, je vous ai battus; tous, vous êtes des
lâches. Votre jeesukaïn [1] est un fourbe qui ne connaît rien des secrets
de Hias-soch-a-la-ti-yah [2]. Je vous méprise.
[Note 1: Sorcier.]
[Note 2: Le Chef suprême ou Grand Esprit.]
Pendant qu'il les invectivait de la sorte, les Chinouks lacéraient le
prisonnier, qui avec des haches, qui avec des lances, qui avec des tisons
ardents. Son corps ne présenta bientôt plus qu'une plaie hideuse, que
creusaient sans cesse de leurs ongles, et même de leurs dents, les
tourmenteurs sans réussir pourtant à arracher un gémissement à
l'infortuné Clallome. A leurs hurlements, il répondait par des insultes; à
leurs monstrueuses persécutions, par des sarcasmes.
Enfin, comme s'il eût voulu porter à son comble la rage des Chinouks,
il se tourna vers un guerrier accroupi sur une robe de buffle, et cria:
--Est-ce que vous ne voyez pas que vous êtes poltrons comme des loups?
Qui est-ce qui vous commande? Un misérable Bois-Brûlé! J'ai pris sa
mère, je l'ai emmené dans mon wigwam; elle a été l'esclave de mes
squaws, la femme de mes esclaves...
Cette injure fit tressaillir le Bois-Brûlé; il se leva brusquement, s'élança
sur le supplicié et lui asséna un coup de massue qui mit immédiatement
fin à ses peines
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