lui.
A dix pas de l…, il avait rencontr‚ une belle jeune fille de dix-sept …
dix-huit ans, en costume de Frisonne, qui lui avait fait une charmante
r‚v‚rence; et il lui avait dit en lui passant la main sous le menton:
--Bonjour, bonne et belle Rosa; comment va mon frŠre? --Oh!
monsieur Jean, avait r‚pondu la jeune fille, ce n'est pas le mal qu'on lui
a fait que je crains pour lui: le mal qu'on lui a fait est pass‚. --Que
crains-tu donc, la belle fille? --Je crains le mal qu'on veut lui faire,
monsieur Jean. --Ah! oui, dit de Witt, ce peuple, n'est-ce pas?
--L'entendez-vous? --Il est, en effet, fort ‚mu; mais quand il nous verra,
comme nous ne lui avons jamais fait que du bien, peut-ˆtre se
calmera-t-il. --Ce n'est malheureusement pas une raison, murmura la
jeune fille en s'‚loignant pour ob‚ir … un signe imp‚ratif que lui avait
fait son pŠre. --Non, mon enfant, non; c'est vrai ce que tu dis l….
Puis continuant son chemin: --Voil…, murmura-t-il, une petite fille qui
ne sait probablement pas lire et qui par cons‚quent n'a rien lu, et qui
vient de r‚sumer l'histoire du monde dans un mot. Et toujours aussi
calme, mais plus m‚lancolique qu'en entrant, l'ex-grand pensionnaire
continua de s'acheminer vers la chambre de son frŠre.
--------- The mob pressed upon the soldiers, but was forced back. Tilly
declared that he had been ordered to protect the prison, and that he
would do so, unless the order was revoked. The populace then started
for the council hall to force the deputies to countermand the order.
--------
Jean de Witt ‚tait arriv‚ … la porte de la chambre o— gisait sur un
matelas son frŠre Corneille, auquel le fiscal avait, comme nous l'avons
dit, fait appliquer la torture pr‚paratoire.
L'arrˆt du bannissement ‚tait venu, qui avait rendu inutile l'application
de la torture extraordinaire. Corneille, ‚tendu sur son lit, les poignets
bris‚s, les doigts bris‚s, n'ayant rien avou‚ d'un crime qu'il n'avait pas
commis, venait de respirer enfin, aprŠs trois jours de souffrances, en
apprenant que les juges dont il attendait la mort avaient bien voulu ne
le condamner qu'au bannissement.
La porte s'ouvrit, Jean entra, et d'un pas empress‚ vint au lit du
prisonnier, qui tendit ses bras meurtris et ses mains envelopp‚es de
linge vers ce glorieux frŠre qu'il avait r‚ussi … d‚passer, non pas dans
les services rendus au pays, mais dans la haine que lui portaient les
Hollandais.
Jean baisa tendrement son frŠre sur le front, et reposa doucement sur le
matelas ses mains malades.
--Corneille, mon pauvre frŠre, dit-il, vous souffrez beaucoup, n'est-ce
pas? --Je ne souffre plus, mon frŠre, puisque je vous vois. --Oh! mon
pauvre cher Corneille, alors, … votre d‚faut, c'est moi qui souffre de
vous voir ainsi, je vous en r‚ponds. --Aussi, ai-je plus pens‚ … vous
qu'… moi-mˆme, et tandis qu'ils me torturaient, je n'ai song‚ … me
plaindre qu'une fois pour dire: Pauvre frŠre! Mais te voil…, oublions
tout. Tu viens me chercher, n'est-ce pas? --Oui. --Je suis gu‚ri;
aidez-moi … me lever, mon frŠre, et vous verrez comme je marche
bien. --Vous n'aurez pas longtemps … marcher, mon ami, car j'ai mon
carrosse au vivier, derriŠre les pistoliers de Tilly. --Les pistoliers de
Tilly? Pourquoi donc sont-ils au vivier? --Ah! c'est que l'on suppose,
dit le grand pensionnaire avec ce sourire de physionomie triste qui lui
‚tait habituel, que les gens de la Haye voudront vous voir partir, et l'on
craint un peu de tumulte. --Du tumulte? reprit Corneille en fixant son
regard sur son frŠre embarrass‚; du tumulte? --Oui, Corneille. --Alors,
c'est cela que j'entendais tout … l'heure, fit le prisonnier comme se
parlant … lui-mˆme. Puis revenant … son frŠre: --Il y a du monde sur
le Buytenhoff, n'est-ce pas? dit-il. --Oui, mon frŠre. --Mais alors, pour
venir ici... --Eh bien? --Comment vous a-t-on laiss‚ passer? --Vous
savez bien que nous ne sommes guŠre aim‚s, Corneille, fit le grand
pensionnaire avec une amertume m‚lancolique. J'ai pris les rues ‚cart‚es.
En ce moment, le bruit monta plus furieux de la place … la prison.
Tilly dialoguait avec la garde bourgeoise. --Oh! oh! fit Corneille, vous
ˆtes un bien grand pilote, Jean; mais je ne sais si vous tirerez votre frŠre
du Buytenhoff. --Avec l'aide de Dieu, Corneille, nous y tƒcherons du
moins, r‚pondit Jean; mais d'abord un mot. --Dites.
Les clameurs montent de nouveau.
--Oh! oh! continua Corneille, comme ces gens sont en colŠre! Est-ce
contre vous? est-ce contre moi? --Je crois que c'est contre tous deux,
Corneille. Je vous disais donc, mon frŠre, que ce que les orangistes
nous reprochent au milieu de leurs sottes calomnies, c'est d'avoir
n‚goci‚ avec la France. --Les niais! --Si l'on trouvait en ce moment-ci
notre correspondance avec monsieur de Louvois, si
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