dessin que par pure complaisance, parce qu'ils voulaient faire plaisir à leur futur examinateur, et il n'est pas certain qu'ils aient cru voir ce qu'ils ont dessiné.
[Note 11: E. Yung. Le sommeil normal et le sommeil pathologique. Paris, Doin.]
Sidis[12] a fait dans le laboratoire de Münsterberg, à Harvard, des recherches analogues. Il faisait asseoir son sujet devant une table, et le priait de regarder fixement un point d'un écran; cette fixation avait lieu durant vingt secondes; pendant ce temps-là, le sujet devait chasser toute idée et s'efforcer de ne penser à rien; puis brusquement, on enlevait l'écran, découvrant une table sur laquelle divers objets étaient posés, et il était convenu que lorsque l'écran serait enlevé, le sujet devait exécuter, aussi rapidement que possible, un acte quelconque laissé à son choix. L'expérience se déroulait en effet dans l'ordre indiqué; seulement, quand l'écran était enlevé, l'opérateur donnait à haute voix une suggestion, comme de prendre un objet placé sur la table, ou de frapper 3 coups sur la table. Cette suggestion de mouvements et d'actes n'a pas été infaillible, puisqu'elle s'adressait à des personnes éveillées; cependant Sidis rapporte qu'elle réussissait dans la moitié des cas. Ceux même qui n'obéissaient pas paraissaient parfois impressionnés, car il en est quelques-uns qui restaient immobiles, comme frappés d'inhibition, incapables d'exécuter le plus petit mouvement. Parmi ceux qui obéissaient, il s'en est trouvé un, jeune homme très intelligent, qui exécutait à la manière d'un mouvement réflexe l'acte commandé. Quant aux autres, on les voyait bien exécuter l'acte, mais il était difficile de se rendre compte de la fa?on dont ils avaient été impressionnés: si on les interrogeait, si on leur demandait pourquoi ils avaient obéi, ils répondaient en général que c'était par simple politesse. L'auteur a raison de douter qu'une telle explication soit valable pour un si grand nombre de cas. Analysant son expérience, il a cherché à se rendre compte des raisons pour lesquelles elle restait obscure. Pour qu'une suggestion réussisse à l'état de veille, il faut réunir un certain nombre de conditions qui ont pour but de procurer au sujet un état de calme physique et moral et de diminuer son pouvoir de résistance. Or, lorsqu'on adresse à haute voix une injonction à une personne, on emploie la suggestion directe, qui a toujours le tort d'éveiller la résistance; de là les insuccès fréquents. L'auteur pense que ce sont surtout les suggestions indirectes qui réussissent pendant l'état de veille, et les suggestions directes pendant l'état d'hypnotisme.
[Note 12: _Op. cit._, p. 35]
Cette formule présente une netteté très curieuse, mais nous doutons qu'elle soit absolument juste, et puisse convenir à tous les cas. Ce qui me para?t entièrement vrai, c'est que la résistance du sujet peut faire échouer les suggestions directes. Cette cause d'échec est moins à craindre pendant l'état d'hypnotisme, mais elle n'y subsiste pas moins, et je me rappelle plus d'un sujet rebelle qui a mis dans un grand embarras son opérateur: un jour que Charcot montrait quelques-unes de ses hypnotisées à des étrangers, il voulut faire écrire à l'une d'elles une reconnaissance de dette égale à un million; l'énormité du chiffre provoqua de la part de l'hypnotisée une résistance invincible, et pour la décider à donner sa signature il fallut se borner à lui faire souscrire une dette de cent francs. D'autre part, j'ai bien constaté que pendant l'état d'hypnotisme, les suggestions données sous une forme indirecte sont très effectives; au lieu de dire à une malade rebelle: ?Vous allez vous lever!? on obtient un effet qui quelquefois est plus s?r, en se contentant de dire à demi-voix à un assistant: ?Je crois qu'elle va se lever.? Suivant les circonstances, tel mode de suggestion réussit et tel autre mode échoue.
Mais revenons à l'étude de l'état normal. Il faut distinguer les suggestions de sensations et d'idées et les suggestions d'actes; ces dernières sont toujours difficiles à réaliser, car elles impliquent d'une part commandement et d'autre part obéissance, et il est bien vrai qu'un ordre donné sur un ton autoritaire a quelque chose d'offensant qui excite un sujet à la résistance. Il y aurait donc lieu d'imaginer une forme d'expérience un peu différente de celle de Sidis.
Un petit détail, assez insignifiant en apparence, est à relever dans les descriptions de cet auteur. Avant de donner sa suggestion, dit-il, il avait soin d'engager la personne à regarder un point fixe pendant vingt secondes. Il ne dit pas pourquoi il a employé cette fixation du regard, ni si les sujets qui n'avaient pas eu soin de regarder fixement un point étaient plus suggestibles que les autres. Je pense que cette pratique, qui rappelle beaucoup le procédé de Braid pour hypnotiser, devrait être étudiée avec soin dans ses conséquences psycho-physiologiques.
La recherche de Sidis ne comporte point une étude de détail, de psychologie individuelle sur la suggestibilité; elle nous apprend seulement
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