temps que le messager à la porte de son cabinet.
Le messager s'inclina, et, présentant le papier au cardinal:
--à Votre éminence, dit-il, de la part de Son Excellence le comte de Thurn, capitaine de la frégate la Minerve.
--Y a-t-il une réponse, monsieur? demanda le cardinal.
--Non, Votre éminence, répondit l'officier.
Et, s'inclinant, il se retira.
Le cardinal demeura assez étonné, son papier à la main. La faiblesse de sa vue le for?ait à rentrer dans son cabinet pour en prendre lecture. Il e?t pu rappeler l'officier et l'interroger; mais celui-ci avait répondu, avec un désir visible de se retirer: ?Il n'y a point de réponse.? Il le laissa donc continuer son chemin, rentra dans son cabinet, appela des lunettes au secours de ses mauvais yeux, ouvrit la lettre et lut:
Rapport à Son éminence le cardinal Ruffo sur l'arrestation, le jugement, la condamnation et la mort de Fran?ois Caracciolo.
Le cardinal ne put retenir un cri dans lequel il y avait plus d'étonnement que de douleur: il croyait avoir mal lu.
Il relut; puis l'idée lui vint alors que ce cadavre qu'il avait vu flotter à la pointe d'une vergue, au bout d'une corde, était celui de l'amiral Caracciolo.
--Oh! murmura-t-il en laissant tomber son bras inerte le long de son corps, où en sommes-nous, si les Anglais viennent pendre les princes napolitains jusque dans le port de Naples?
Puis, après un instant, s'asseyant à son bureau et ramenant de nouveau la lettre sous ses yeux, il lut:
?éminence,
Je dois faire savoir à Votre éminence que j'ai re?u ce matin, de l'amiral lord Nelson, de me porter immédiatement à bord de son batiment accompagné des cinq officiers de mon bord. J'ai accompli aussit?t cet ordre, et, en arrivant à bord du Foudroyant, j'ai re?u l'invitation par écrit de former sur le vaisseau même un conseil de guerre pour y juger le chevalier don Francesco Caracciolo, accusé de rébellion, envers Sa Majesté, notre auguste ma?tre, et de porter une sentence sur la peine encourue par son délit. Cette invitation a été suivie immédiatement, et un conseil de guerre a été formé dans le carré des officiers dudit vaisseau. J'y ai, en même temps, fait amener le coupable. Je l'ai d'abord fait reconna?tre par tous les officiers comme étant bien l'amiral; ensuite, je lui ai fait lire les charges réunies contre lui et lui ai demandé s'il avait quelque chose à dire pour sa défense. Il a répondu que oui; et, toute liberté lui ayant été donnée de se défendre, ses défenses se sont bornées à la dénégation d'avoir volontairement servi l'infame République et à l'affirmation qu'il ne l'avait fait que contraint et forcé et sous la menace positive de le faire fusiller. Je lui ai adressé ensuite d'autres demandes, en réponse desquelles il n'a pu nier qu'il n'e?t combattu en faveur de la soi-disant République contre les armées de Sa Majesté. Il a avoué aussi avoir dirigé l'attaque des chaloupes canonnières qui s'est opposée à l'entrée des troupes de Sa Majesté à Naples; mais il a déclaré qu'il ignorait que ces troupes fussent conduites par le cardinal, et qu'il les regardait simplement comme des bandes d'insurgés. Il a, en outre, avoué avoir donné par écrit des ordres tendants à s'opposer à la marche de l'armée royale. Enfin, interrogé pourquoi, puisqu'il servait contre sa volonté, il n'avait point essayé de se réfugier à Procida, ce qui était, en même temps, un moyen de se rallier au gouvernement légitime et d'échapper au gouvernement usurpateur, il a répondu qu'il n'avait point pris ce parti dans la crainte d'être mal re?u.
?éclairé sur ces divers points, le conseil de guerre, à la majorité des voix, a condamné Fran?ois Caracciolo non-seulement à la peine de mort, mais encore à une mort ignominieuse.
?Ladite sentence ayant été présentée à milord Nelson, il a approuvé la condamnation et ordonné qu'à cinq heures de ce même jour la sentence f?t mise à exécution, en pendant le condamné à la vergue de misaine et en l'y laissant pendu jusqu'au coucher du soleil, heure à laquelle la corde serait coupée et le corps jeté à la mer.
?Ce matin, à midi, j'ai re?u cet ordre; à une heure et demie, le coupable, condamné, était transporté à bord de la Minerve et mis en chapelle, et, à cinq heures du soir, la sentence était accomplie selon l'ordre qui en avait été donné.
?Je m'empresse, pour remplir mon devoir, de vous faire cette communication, et, avec le profond respect que je vous ai voué, j'ai l'honneur d'être,
?De Votre éminence, ?Le très-dévoué serviteur, ?Comte DE THURN.?
Ruffo, atterré, relut deux fois la dernière phrase. Cette communication était-elle l'accomplissement d'un devoir, ou simplement une insulte.
En tout cas, c'était un défi.
Ruffo y vit une insulte.
En effet, seul, comme vicaire général, seul, comme aller ego du roi, Ruffo avait le droit de vie et de mort dans le royaume des Deux-Siciles. D'où
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