La San-Felice, Tome V, by
Alexandre Dumas
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Title: La San-Felice, Tome V
Author: Alexandre Dumas
Release Date: July 6, 2006 [EBook #18773]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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SAN-FELICE, TOME V ***
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ALEXANDRE DUMAS
LA SAN-FELICE
TOME V
DEUXIÈME ÉDITION
PARIS MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES ÉDITEURS RUE
VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 13 A LA
LIBRAIRIE NOUVELLE
LXXVI
OÙ MICHELE SE FACHE SÉRIEUSEMENT AVEC LE BECCAÏO.
Les illustres fugitifs n'étaient pas les seuls qui, dans cette nuit terrible,
eussent eu à lutter contre le vent et la mer.
A deux heures et demie, selon sa coutume, le chevalier San-Felice était
rentré chez lui, et, avec une agitation en dehors de toutes ses habitudes,
avait deux fois appelé:
--Luisa! Luisa!
Luisa s'était élancée dans le corridor; car, au son de la voix de son mari,
elle avait compris qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire: elle en
fut convaincue en le voyant.
En effet, le chevalier était fort pâle.
Des fenêtres de la bibliothèque, il avait vu ce qui s'était passé dans la
rue San-Carlo, c'est-à-dire la mutilation du malheureux Ferrari. Comme
le chevalier était, sous sa douce apparence, extrêmement brave et
surtout de cette bravoure que donne aux grands coeurs un profond
sentiment d'humanité, son premier mouvement avait été de descendre et
de courir au secours du courrier, qu'il avait parfaitement reconnu pour
celui du roi; mais, à la porte de la bibliothèque, il avait été arrêté par le
prince royal, qui, de sa voix câline et froide, lui avait demandé:
--Où allez-vous, San-Felice?
--Où je vais? où je vais? avait répondu San-Felice. Votre Altesse ne sait
donc pas ce qui se passe?
--Si fait, on égorge un homme. Mais est-ce chose si rare qu'un homme
égorgé dans les rues de Naples, pour que vous vous en préoccupiez à ce
point?
--Mais celui qu'on égorge est un serviteur du roi.
--Je le sais.
--C'est le courrier Ferrari.
--Je l'ai reconnu.
--Mais comment, pourquoi égorge-t-on un malheureux aux cris de
«Mort aux jacobins!» quand, au contraire, ce malheureux est un des
plus fidèles serviteurs du roi?
--Comment? pourquoi? Avez-vous lu la correspondance de Machiavel,
représentant de la magnifique république florentine à Bologne?
--Certainement que je l'ai lue, monseigneur.
--Eh bien, alors, vous connaissez la réponse qu'il fit aux magistrats
florentins à propos du meurtre de Ramiro d'Orco, dont on avait trouvé
les quatre quartiers empalés sur quatre pieux, aux quatre coins de la
place d'Imola?
--Ramiro d'Orco était Florentin?
--Oui, et, en cette qualité, le sénat de Florence croyait avoir droit de
demander à son ambassadeur des détails sur cette mort étrange.
San-Felice interrogea sa mémoire.
--Machiavel répondit: «Magnifiques seigneurs, je n'ai rien à vous dire
sur la mort de Ramiro d'Orco, sinon que César Borgia est le prince qui
sait le mieux faire et défaire les hommes, selon leurs mérites.»
--Eh bien, répliqua le duc de Calabre avec un pâle sourire, remontez sur
votre échelle, mon cher chevalier, et pesez-y la réponse de Machiavel.
Le chevalier remonta sur son échelle, et il n'en avait pas gravi les trois
premiers échelons, qu'il avait compris qu'une main qui avait intérêt à la
mort de Ferrari, avait dirigé les coups qui venaient de le frapper.
Un quart d'heure après, on appelait le prince de la part de son père.
--Ne quittez pas le palais sans m'avoir revu, dit le duc de Calabre au
chevalier; car j'aurai, selon toute probabilité, quelque chose de nouveau
à vous annoncer.
En effet, moins d'une heure après, le prince rentra.
--San-Felice, lui dit-il, vous vous rappelez la promesse que vous m'avez
faite de m'accompagner en Sicile?
--Oui, monseigneur.
--Êtes-vous toujours prêt à la remplir?
--Sans doute. Seulement, monseigneur...
--Quoi?
--Quand j'ai dit à madame de San-Felice l'honneur que me faisait Votre
Altesse...
--Eh bien?
--Eh bien, elle a demandé à m'accompagner.
Le prince poussa une exclamation joyeuse.
--Merci de la bonne nouvelle, chevalier! s'écria-t-il. Ah! la princesse va
donc avoir une compagne digne d'elle! Cette femme, San-Felice, est le
modèle des femmes, je le sais, et vous vous rappellerez que je vous l'ai
demandée pour dame d'honneur de la princesse; car, alors, elle eût été,
de nom et de fait, une vraie dame d'honneur; c'est vous qui me l'avez
refusée. Aujourd'hui,
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