La San-Felice, Tome I | Page 9

Alexandre Dumas, père
servi �� danser ce pas du chale qu'elle avait invent�� et dont jamais danseuse ni ballerine ne purent atteindre la voluptueuse et magique perfection.
Plus tard, nous trouverons moyen de mettre sous les yeux de nos lecteurs l'��trange pass�� de cette femme, �� laquelle, dans ce chapitre tout d'introduction descriptive, nous ne pouvons donner, quelque place qu'elle tienne dans l'histoire que nous allons raconter, qu'un coup d'oeil rapide et qu'une fugitive attention.
Le troisi��me groupe, qui faisait pendant �� celui-ci et qui se trouvait �� la droite de celui du roi, se composait de quatre personnes, c'est-��-dire de deux hommes d'age diff��rent qui causaient science et ��conomie politique, et d'une jeune femme, pale, triste et r��veuse, ber?ant dans ses bras et serrant contre son coeur un enfant de quelques mois.
Une cinqui��me personne, qui n'��tait autre que la nourrice de l'enfant, grosse et fra?che paysanne portant le costume des femmes d'Aversa, se dissimulait dans la p��nombre, o�� ��tincelaient, malgr�� elle, les broderies de son corsage passement�� d'or.
Le plus jeune des deux hommes, �� peine ag�� de vingt-deux ans, aux cheveux blonds, au menton encore imberbe, �� la taille ��paissie par une ob��sit�� pr��coce, que le poison devait changer plus tard en maigreur cadav��rique, v��tu d'un habit bleu de ciel, brod�� d'or et surcharg�� de cordons et de plaques, ��tait le fils a?n�� du roi et de la reine Marie-Caroline, l'h��ritier pr��somptif de la couronne, Fran?ois, duc de Calabre. N�� avec un caract��re timide et doux, il avait ��t�� effray�� des violences r��actionnaires de la reine, s'��tait jet�� dans la litt��rature et les sciences, et ne demandait rien autre chose que de rester en dehors de la machine politique, par les rouages de laquelle il craignait d'��tre bris��.
Celui avec lequel il s'entretenait ��tait un homme grave et froid, ag�� de cinquante �� cinquante-deux ans, qui ��tait, non pas pr��cis��ment un savant, comme on l'entend en Italie, mais, ce qui vaut parfois beaucoup mieux, un sachant. Il portait pour toute d��coration, sur un habit tr��s-simplement orn��, la croix de Malte, qui exigeait deux cents ans de noblesse non interrompue: c'��tait, en effet, un noble Napolitain, nomm�� le chevalier de San-Felice, qui ��tait biblioth��caire du prince et chevalier d'honneur de la princesse.
La princesse, par laquelle nous eussions d? commencer peut-��tre, ��tait cette jeune m��re, que nous avons indiqu��e d'un trait, qui, comme si elle e?t devin�� qu'elle devait bient?t quitter la terre pour le ciel, pressait son enfant contre son coeur. Elle aussi, comme sa belle-m��re, ��tait archiduchesse de la hautaine maison de Habsbourg; elle se nommait Cl��mentine d'Autriche; elle avait, �� quinze ans, quitt�� Vienne pour ��pouser Fran?ois de Bourbon, et, soit amour laiss�� l��-bas, soit d��sillusion trouv��e ici, nul, m��me sa fille, si elle e?t ��t�� en age de comprendre et de parler, n'e?t pu raconter l'avoir vue sourire une seule fois. Fleur du Nord, elle se fanait, �� peine ouverte, �� l'ardent soleil du Midi; sa tristesse ��tait un secret dont elle mourait lentement sans se plaindre ni aux hommes ni �� Dieu; elle semblait savoir qu'elle ��tait condamn��e, et, pieuse et pure victime expiatoire, s'��tait r��sign��e �� la condamnation qu'elle subissait, non point pour ses fautes, mais pour celles d'autrui; Dieu, qui a l'��ternit�� pour ��tre juste, a de ces myst��rieuses contradictions que ne comprend pas notre justice mortelle et ��ph��m��re.
La fille qu'elle pressait contre son coeur, et qui, depuis quelques mois �� peine, venait d'ouvrir ses yeux �� la lumi��re, ��tait cette seconde Marie-Caroline, qui peut-��tre eut les faiblesses, mais non les vices de la premi��re; ce fut la jeune princesse qui ��pousa le duc de Berry, que le poignard de Louvel fit veuve, et qui, seule de la branche a?n��e des Bourbons, a laiss�� en France une m��moire sympathique et un souvenir chevaleresque.
Et tout ce monde de rois, de princes, de courtisans glissant sur cette mer d'azur, sous cette tente de pourpre, au son d'une musique m��lodieuse dirig��e par le bon Dominique Cimarosa, ma?tre de chapelle et compositeur de la cour, d��passait tour �� tour Resina, Portici, Torre-del-Greco, et s'avan?ait dans la nef magnifique, pouss��e vers le large par cette molle brise de Ba?a si fatale �� l'honneur des dames romaines, et dont la voluptueuse haleine allait, en expirant sous les portiques de ses temples, faire fleurir deux fois l'an les rosiers de Poestum.
En m��me temps, on voyait grandir �� l'horizon, bien au del�� encore de Capri et du cap Campanella, un vaisseau de guerre qui, de son c?t��, en apercevant la flottille royale, manoeuvra pour naviguer au plus pr��s, et, mettant le cap sur elle, tira un coup de canon.
Une l��g��re fum��e apparut aussit?t au flanc du colosse, et l'on vit gracieusement monter �� sa corne le pavillon rouge d'Angleterre.
Puis on entendit, quelques secondes apr��s, une d��tonation prolong��e pareille au roulement d'un tonnerre lointain.

II
LE H��ROS DU NIL.
Ce batiment qui
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