de sa selle.
Profitant de ce moment d'immobilité, un capitaine sanfédiste prit aux
mains d'un Calabrais son fusil, ajusta le général et fit feu.
Salvato entendit un bruit mat suivi d'un soupir. Writz se pencha de son
côté et tomba dans ses bras.
Aussitôt, ce cri retentit:
--Le général est mort! le général est mort!
--Blessé! blessé seulement! cria à son tour Salvato, et nous allons le
venger!
Et, sautant sur le cheval de Writz:
--Chargeons cette canaille, dit-il, et vous la verrez se disperser comme
de la poussière au vent.
Et, sans s'inquiéter s'il était suivi, il s'élança sur le pont de la Madeleine,
accompagné de trois ou quatre cavaliers seulement.
Une décharge d'une vingtaine de coups de fusil tua deux de ses
hommes et cassa la cuisse à son cheval, qui s'abattit sous lui.
Il tomba, mais, avec son sang-froid ordinaire, les jambes écartées pour
ne pas être engagé sous sa monture, et les deux mains sur ses fontes,
qui étaient heureusement garnies de leurs pistolets.
Les sanfédistes se ruèrent sur lui. Deux coups de pistolet tuèrent deux
hommes; puis, de son sabre, qu'il tenait entre ses dents et qu'il y reprit
après avoir jeté loin de lui ses pistolets devenus inutiles, il en blessa un
troisième.
En ce moment, on entendit comme un tremblement de terre, le sol
trembla sous les pieds des chevaux. C'était Nicolino, qui, ayant appris
le danger que courait Salvato, chargeait, à la tête de ses hussards, pour
le secourir ou le délivrer.
Les hussards tenaient toute la largeur du pont. Après avoir failli être
poignardé par les baïonnettes sanfédistes, Salvato allait être écrasé sous
les pieds des chevaux patriotes.
Dégagé de ceux qui l'entouraient par l'approche de Nicolino, mais
risquant, comme nous l'avons dit, d'être foulé aux pieds, il enjamba le
pont et sauta par-dessus.
Le pont était dégagé, l'ennemi repoussé; l'effet moral de la mort de
Writz était combattu par un avantage matériel. Salvato traversa le
Sebeto et se retrouva au milieu des rangs des républicains.
On avait porté Writz à l'ambulance, Salvato y courut. S'il lui restait
assez de force pour signer, il signerait; tant qu'un souffle de vie
palpitait encore dans la poitrine du général en chef, ses ordres devaient
être exécutés.
Writz n'était pas mort, il n'était qu'évanoui.
Salvato récrivit l'ordre qui avait échappé avec la plume à la main
mourante du général, se mit en quête de son cheval, qu'il retrouva, et,
en recommandant une défense acharnée, il repartit à fond de train pour
aller trouver Bassetti à Capodichino.
En moins d'un quart d'heure, il y était.
Bassetti y maintenait la défense, avec moins de peine que là où était le
cardinal.
Salvato put donc le tirer à part, lui faire signer par duplicata l'ordre pour
Schipani, afin que, si l'un des deux ne parvenait pas à sa destination,
l'autre y parvînt.
Il lui raconta ce qui venait de se passer au pont de la Madeleine et ne le
quitta qu'après lui avoir fait faire serment de défendre Capodichino
jusqu'à la dernière extrémité et de concourir au mouvement du
lendemain.
Salvato, pour revenir au Château-Neuf, devait traverser toute la ville. A
la strada Floria, il vit un immense rassemblement qui lui barrait la rue.
Ce rassemblement était causé par un moine monté sur un âne, et portant
une grande bannière.
Cette bannière représentait le cardinal Ruffo, à genoux devant saint
Antoine de Padoue, tenant dans ses mains des rouleaux de cordes qu'il
présentait au cardinal.
Le moine, de grande taille déjà, grâce à sa monture, dominait toute la
foule, à laquelle il expliquait ce que représentait la bannière.
Saint Antoine était apparu en rêve au cardinal Ruffo, et lui avait dit, en
lui montrant des cordes, que, pour la nuit du 13 au 14 juin, c'est-à-dire
pour la nuit suivante, les patriotes avaient fait le complot de pendre
tous les lazzaroni, ne laissant la vie qu'aux enfants pour les élever dans
l'athéisme, et que, dans ce but, une distribution de cordes avait été faite
par le directoire aux jacobins.
Par bonheur, saint Antoine, dont la fête tombait le 14, n'avait pas voulu
qu'un tel attentat s'accomplît le jour de sa fête, et avait, comme le
constatait la bannière que déroulait le moine en la faisant voltiger,
obtenu du Seigneur la permission de prévenir ses fidèles bourboniens
du danger qu'ils couraient.
Le moine invitait les lazzaroni à fouiller les maisons des patriotes et à
pendre tous ceux dans les maisons desquels on trouverait des cordes.
Depuis deux heures, le moine, qui remontait du Vieux-Marché vers le
palais Borbonico, faisait, de cent pas en cent pas, une halte, et, au
milieu des cris, des vociférations, des menaces de plus de cinq cents
lazzaroni, répétait une proclamation semblable. Salvato, ne sachant
point la portée que pouvait avoir la harangue du capucin, que nos
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